Mambourg, sortie d’enfer

Arrivé de Malines avec une folle rage de vaincre, il est bien décidé à secouer le cocotier.

En fin de saison dernière, le FC Malinois relégué en D2 avait renvoyé toute une série de joueurs dans le noyau C, avec pour objectif de les vendre. Daniel Camus figurait parmi ceux-là. Après six mois de galère, et des tests passés à gauche et à droite, il est enfin parvenu à trouver un club où il pourra se relancer. Le départ de Christian Negouai à Manchester City avait laissé un vide dans l’effectif carolo au poste de demi défensif. Son poste de prédilection. Restait à trouver une solution avec Malines. C’est désormais chose faite.

Heureux d’avoir enfin pu vous extraire du noyau C de Malines?

Daniel Camus: C’est clair. Cela devenait un enfer. Je ne m’étais jamais senti aussi mal dans ma peau. Au début, nous étions 13 dans le noyau C. Nous nous entraînions quatre fois par semaine sous la direction d’Alex Czerniatynski. Des matches amicaux étaient même organisés à notre intention, contre des équipes de D3 ou de Promotion. Nous les remportions tous. Certains, ironiquement, nous avaient surnommés le Dream Team du FC Malinois. Un jour, on nous a interdit d’encore disputer ces matches dans l’arrondissement de Malines, parce que cela déstabilisait l’équipe Première. La situation ne pouvait pas s’éterniser. Voici un mois, Eddy Dierickx et Geert Thijs ont pu partir en D3, respectivement à Kermt et à Bocholt. De mon côté, j’ai trouvé une aide auprès de Jacques Colson, un ami qui s’occupa jadis de la Réserve du RWDM et qui est aujourd’hui l’entraîneur de Dieleghem Jette, un club de 1ère Provinciale de l’agglomération bruxelloise. Il m’a autorisé à m’entraîner avec son groupe. C’était des entraînements très bien structurés qui m’ont permis d’entretenir ma condition.

Testé et retesté chez les Angliches

Vous avez également passé des tests en Angleterre.

En effet. A deux reprises, j’ai passé dix jours outre-Manche dans des clubs de First Division, l’équivalent de notre D2. D’abord à Walsall, puis à Milwall. Les deux tests furent très positifs. Mais l’affaire ne s’est pas concrétisée. Pour quelle raison? Walsall ne m’a pas fourni d’explications. L’entraîneur de Milwall, en revanche, m’a expliqué lors de mon départ que je pouvais rentrer chez moi l’esprit serein: je l’avais convaincu et il allait insister auprès de son président pour qu’il réalise le transfert. Mon manager, effectivement, a reçu une proposition de contrat de huit mois. A tout juste 30 ans, j’aurais préféré un contrat de plus longue durée et j’ai demandé un délai de réflexion. Entre-temps, Milwall a remporté plusieurs matches d’affilée et le club a jugé qu’il n’avait plus besoin de mes services. Dommage, car cela m’aurait plu d’aller jouer là-bas. Cela convenait très bien à mon épouse également, qui est mannequin et travaille régulièrement à Londres. Tant pis, ce n’est peut-être que partie remise. Pour avoir goûté au football anglais, j’ai envie d’en reprendre. Pour un joueur, c’est très intéressant d’aller voir à l’étranger comment cela se passe. Il y a beaucoup de leçons à en tirer. Pendant les vingt jours que j’ai passés en Angleterre, j’ai ouvert de grands yeux. Le professionnalisme est omniprésent et la volonté de gagner est manifeste chez tout le monde. Milwall a bâti voici deux ans un nouveau stade de 27.000 places.

Son père est très heureux aussi!

Point d’Angleterre, donc, mais un Charleroi moribond à la place, où vous n’avez également signé que jusqu’en fin de saison. N’êtes-vous pas déçu?

Pas du tout. Cela peut paraître curieux, mais si j’avais dû choisir entre les deux, j’aurais opté pour Charleroi. Je suis pleinement satisfait de la solution trouvée. Mon père, lui, est aux anges. Depuis que je me suis lancé dans le football, il rêvait de me voir revêtir un jour le maillot de Charleroi. C’est le club dont il était supporter, autrefois, et c’est là qu’il m’emmenait lorsque j’étais gamin. Il ne sera plus assis entre deux chaises comme lorsque je jouais contre Charleroi… J’avais déjà été en contact avec le Sporting en mai. Nous étions tombés d’accord. La transaction ne s’était pas concrétisée parce que Malines demandait trop d’argent -dix millions, je pense- pour un joueur qui, un an plus tard, se serait retrouvé libre sur le marché. Finalement, tout vient à point à qui sait attendre. Comme cette somme de transfert rebutait également tous les autres candidats-acquéreurs, Malines a enfin compris qu’il valait mieux m’accorder ma liberté plutôt que continuer à payer un joueur dont le club n’avait plus l’utilité. Je suis heureux: Charleroi dispose d’un potentiel très intéressant et je travaillerai sous la direction d’un entraîneur que j’apprécie énormément.

En attendant, les résultats ne suivent pas.

Ils pourraient être meilleurs, c’est clair. Tout est mis en oeuvre pour qu’ils s’améliorent. C’est aux joueurs à prendre leurs responsabilités. Le talent est là. Il ne manque sans doute qu’un peu d’orgueil, de volonté et d’envie.

Montrer comme se battre

C’est pour cette raison que l’on vous a engagé?

C’est ce que j’ai entendu. Je viens de débarquer, laissez-moi le temps de mieux jauger la situation. Je ne vais pas tout révolutionner. D’ailleurs, je n’aime pas tirer la couverture à moi. Je pars du principe que c’est le collectif qui fait les individualités, et pas l’inverse. Ce que le public veut, c’est bien sûr voir gagner son équipe, mais aussi voir onze joueurs qui se donnent à 200%. Onze lions qui s’arrachent chaque ballon. Pelé, Maradona et Zico, c’est fini! Aujourd’hui, il faut aller au charbon. A plus forte raison lorsqu’on joue à Charleroi. Ce soir, nous verrons ce que nous pouvons faire contre le GBA. Mais je puis vous assurer que l’engagement sera présent le 12 janvier face au Standard. Nous aurons alors une équipe soudée, dont les joueurs se battront l’un pour l’autre.

Affronter le Standard, c’est le genre de match qui motive toujours les Zèbres.

Oui, mais nous serons aussi motivés pour affronter St-Trond ou Lommel. Charleroi sera l’équipe du deuxième tour. Je me souviens qu’autrefois, tous les clubs avaient peur de se déplacer au Mambourg. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Simplement, parce que l’équipe n’est plus animée de la même rage de vaincre. Cette mentalité doit revenir. Le club a toutes les cartes en mains pour réussir: des joueurs de talent, un stade magnifique et un public qui ne demande qu’à s’enflammer. S’il y a déjà 10.000 spectateurs lorsque l’équipe accumule les contre-performances, combien seront-ils lorsque la spirale du succès sera enclenchée? Je me réjouis déjà de voir cela.

Inverser la tendance contre le GBA

Optimiste, donc?

Tout à fait. Nous devrons bien négocier le dernier match de l’année 2001, ce soir contre le GBA, puis il y aura quinze jours pour bien se reposer, recharger les accus et repartir du bon pied. En ce qui me concerne, la trêve sera mise à profit pour travailler et retrouver une condition physique optimale.

Comment jugez-vous votre première prestation sous le maillot zébré, face à La Gantoise?

J’ai été surpris. Je ne pensais pas que j’étais encore en aussi bonne condition physique. Au départ, je m’étais dit que si je tenais 60 minutes, c’était bien. J’ai tenu tout le match. L’envie, la rage et la soif de ballon m’ont poussé à puiser dans mes réserves. Il reste beaucoup de travail, mais je suis sur la bonne voie.

Votre carrière est donc relancée?

Je l’espère. J’ai connu la Coupe d’Europe avec le RWDM. C’était mon club. En partant à La Gantoise, j’ai en quelque sorte coupé le cordon ombilical sur le plan footballistique. A Gand, j’ai dû apprendre à vivre avec la concurrence et à travailler dans la difficulté. Ce fut une expérience enrichissante. J’ai commis une erreur dans ma carrière, celle d’aller à Malines. J’ai été trop naïf sur ce coup-là. Je suis un passionné, j’aime tellement le football que là, j’ai foncé tête baissée. J’y ai donné le meilleur de moi-même. Je me suis cassé deux fois le bras. La semaine suivante, j’étais sur le terrain avec un plâtre. Tout cela, pour quelle récompense? Un renvoi dans le noyau C et un refus de m’accorder ma liberté alors que, deux ans plus tôt, j’étais arrivé gratuitement en provenance de La Gantoise. La page malinoise est tournée. Je suis désormais sous contrat avec Charleroi, et aussi longtemps que ce sera le cas, seul le Sporting comptera à mes yeux. Les six mois durant lesquels j’ai galéré, en frôlant tous les jours le désespoir, m’ont apporté psychologiquement beaucoup plus que dix ans de carrière. J’ai aussi découvert à quel point j’aimais le football et j’ai désormais décidé de consacrer toutes les années qu’il me reste en tant que footballeur, exclusivement à mon sport. Je ne veux pas avoir de regrets plus tard, car vivre avec des regrets est le plus dur qui soit.

Daniel Devos

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