MALTA PAPERS

Tout semble démontrer que le Royal Excelsior Mouscron est aux mains des agents. Sport/Foot Magazine démontre comment, sur le plan juridique, le club hennuyer a fait disparaître les traces remontant aux agents qui le gouvernent.

L’an dernier, déjà, la licence de Mouscron avait soulevé bien des discussions. Le CS Bruges (descendant direct), le Lierse (descendant au terme du tour final D1/D2) et même le manager des licences de l’Union belge s’étaient opposés à la décision de la commission des licences d’octroyer au club hennuyer le sésame lui permettant d’entamer la saison. Selon eux, après le départ du LOSC, actionnaire majoritaire, il existait un problème de moyens financiers. La CABS (Cour d’Arbitrage Belge du Sport) n’avait pas suivi ce raisonnement et avait confirmé la décision de la commission des licences : Mouscron avait le feu vert.

Il s’avéra cependant rapidement que le problème de moyens financiers était bien présent : Mouscron n’avait pas suffisamment d’argent pour s’offrir un noyau compétitif et paraissait un oiseau pour le chat. Jusqu’à ce que, à la mi-août 2015, Gol Football Malta, présenté par Mouscron comme une société maltaise appartenant aux agents Pinhas ‘Pini’ Zahavi et Abdilgafar ‘Fali’ Ramadani, rachète 90 % des actions.

Trois administrateurs de l’ancien Mouscron, dont le président Edward Van Daele, conservaient les autres 10 %. Quatre personnes représentant Gol Football Malta rejoignaient le conseil d’administration du club, une série de joueurs étaient engagés et Mouscron, qui avait pris un départ désastreux, se ressaisissait. Personne ne cachait que le club appartenait désormais à des agents.

Ce n’est toutefois pas permis puisque la FIFA interdit la Third Party Ownership (TPO) et que les agents sont indiscutablement considérés comme des tiers. L’Union belge a également adapté son règlement en ce sens. Mouscron avait donc un problème. Ou, du moins, il allait en avoir un à partir du 15 février, date limite de rentrée du dossier de demande de licence pour la saison à venir. Mouscron rentra bien son dossier mais sans avoir résolu totalement le problème : Zahavi et Ramadani étaient toujours les actionnaires principaux du club par le biais de Gol Football Malta.

POUR DES CACAHUÈTES

Pas de panique toutefois : le dossier de demande de licence pouvait toujours être modifié jusqu’à ce que la CABS se penche sur le cas (c’est la phase dans laquelle nous nous trouvons actuellement). L’an dernier, l’Antwerp et le White Star Bruxelles avaient emprunté cette sortie de secours. En février 2016, Gol Football Malta transféra donc ses actions à Latimer, autre société établie à Malte et dont l’actionnaire principal est Adar Zahavi. Pas Pini, donc mais son cousin, Adar, qui faisait déjà partie du conseil d’administration de Mouscron.

Formellement, l’agent disparaissait ainsi du radar mais il ne fallait pas chercher bien loin pour le trouver. Mieux : le fait que le conseil d’administration de Mouscron n’ait pas subi de modification après le changement d’actionnaire laisse penser qu’il n’y a peut-être pas eu de réel changement et que, par le biais d’options ou par un montage financier dans un paradis fiscal, les actions sont restées aux mains des premiers investisseurs : les agents.

Un autre élément éveille la suspicion : Gol Football Malta a vendu ses actions à Latimer pour la somme exacte de 10 euros. A titre de comparaison : le Malaisien Vincent Tan a payé cinq millions d’euros pour racheter Courtrai. C’est d’autant plus bizarre que Gol Football Malta avait avancé un million et demi à Mouscron et que cette dette a également été transférée.

Tout aussi étonnant : Latimer, société dont le management est confié à un bureau d’avocats, dispose d’un capital de 1.200 euros seulement. En d’autres termes : des cacahuètes. Le 24 février, pourtant, elle a versé 2,4 millions à Mouscron. Cela ne pouvait donc être son propre argent et il est peu probable qu’il s’agisse d’un prêt car qui avancerait une telle somme à une société dont le capital n’est que de 1.200 euros ?

D’où vient donc cet argent ? Personne ne le sait. Dans le dossier, on retrouve trace du versement mais aucun numéro de compte du donneur d’ordre. Conclusion : Mouscron a reçu beaucoup d’argent sans qu’on en connaisse la provenance.

DES DATES DISCORDANTES

Autre intervention étonnante : le 1er avril 2016, trois jours avant que le président mouscronnois Edward Van Daele aille défendre son dossier devant la commission des licences, une publication remarquable paraît au Moniteur. Le 22 mars 2016, un procès-verbal d’une Assemblée Générale Extraordinaire du Royal Excelsior Mouscron a été déposé au greffe du Tribunal de Tournai. Cette assemblée aurait eu lieu le 27 février 2016. D’après le PV, signé par seulement deux des trois administrateurs du club, le président Van Daele s’étant abstenu, Marc Rautenberg se serait retiré du conseil d’administration.

Rautenberg est l’un des quatre hommes qui, en août 2015, est arrivé à la tête du club pour représenter Gol Football Malta. Son adresse e-mail et plusieurs documents trouvés sur internet démontrent qu’il fait partie, tout comme Fali Ramadani d’ailleurs, de l’agence de joueurs Lian Sports. Bref : c’est un agent, ce que le TPO de la FIFA interdit. C’est Sport/Foot Magazine qui, le 9 mars dernier, a mis à jour ce lien entre Rautenberg et l’agence de joueurs maltaise.

Cinq jours plus tard, dans un entretien accordé à Sporza, Nicolas Cornu, porte-parole du club, apportait un démenti à ces révélations. Selon lui, Rautenberg « siège au conseil d’administration et donne des conseils financiers mais n’intervient pas au niveau sportif et n’est pas agent de joueurs. »

Déclaration étonnante puisque, selon le Moniteur, cela fait plus de deux semaines que Rautenberg a officiellement quitté le club. Cornu ne semble donc pas être au courant. Un porte-parole ignorant ? Bizarre… Selon les trois clubs qui contestent le dossier de licence de Mouscron (Westerlo, OHL et Saint-Trond), ce serait la preuve que la fameuse assemblée générale aurait été antidatée.

D’autant que le PV n’a été déposé au greffe du tribunal que quatre mois plus tard. Le 4 avril 2016, lorsqu’il comparaît devant la commission des licences, Edward Van Daele se montre très bref à ce sujet : c’est à ceux qui doutent de la date d’apporter la preuve de leurs accusations.

LES MÊMES ADRESSES

Le fait que Rautenberg se retire de la direction de Mouscron ressemble toutefois à des aveux déguisés. Qu’est-ce que cela pourrait bien signifier d’autre que le fait qu’il est bien agent ? Tout semble démontrer qu’après les révélations de Sport/Foot Magazine et les plaintes de Westerlo, OHL et Saint-Trond à la commission des licences, deux jours plus tard, tout est allé très vite.

En cédant ses parts à Latimer, Mouscron faisait disparaître juridiquement la trace remontant à Pini Zahavi et Fali Ramadani et pensait être tranquille. Jusqu’à cette histoire Rautenberg. Car dans son premier dossier de demande de licence, Mouscron assurait qu’aucun agent ne siégeait au conseil d’administration. Une déclaration mensongère, donc.

Nils Van Brantegem, le manager des licences, trouve cela bizarre mais il a décidé de ne pas prendre de risque. Il n’a émis aucun avis, ni positif ni négatif mais a laissé à la commission des licences le soin d’attribuer ou non la licence à Mouscron. Cette commission, composée de trois personnes, a rapidement décidé, s’appuyant sur le fait que Lian Sports avait placé sept joueurs à Mouscron et que l’adresse de Latimer était la même que celle de Lian Sports (St Georges Road à St Julians).

Tout cela tend à démontrer que Mouscron est aux mains des agents. Mais ce n’est pas une preuve formelle. Il ne fait pourtant aucun doute que Pini Zahavi et Fali Ramadani continuent à tirer les ficelles au Canonnier. Glen De Boeck et son prédécesseur, Cedomir Janevski, l’ont d’ailleurs déjà déclaré.

Fin mars 2016, lorsque Sport/Foot Magazine lui demandait quel genre de contacts il entretenait avec Pini Zahavi et Fali Ramadani, De Boeck répondait : « Très étroits et chaleureux (…) J’entends dire qu’ils veulent poursuivre avec moi et j’aimerais poursuivre mon travail également mais cela va dépendre des négociations qui auront lieu prochainement. »

Début avril, De Boeck rencontrait Zahavi et Ramadani à Londres. « Un entretien constructif », dit-il dans Het Laatste Nieuws. Deux semaines plus tard, dans Sport/Foot Magazine, Janevski déclare qu’après le sauvetage de Mouscron, il a reçu des félicitations pour sa participation au succès. « J’ai reçu un SMS de Pini Zahavi. »

Ces déclarations laissent penser que la situation factuelle de Mouscron est bien différente de celle que le club présente sur le plan juridique. Que le montage ne colle pas à la réalité. La CABS doit rendre son jugement pour le 10 mai 2016 au plus tard. Si elle réformait la décision de la commission des licences, ce serait une première.

PAR JAN HAUSPIE – PHOTOS PHOTONEWS

Il ne fait aucun doute que le duo Zahavi-Ramadani continue à tirer les ficelles au Canonnier.

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