Malheurs de sorcier

Ibrahim Tankary est champion pour la troisième fois en D2 mais malheureusement gravement blessé au genou

Meilleur buteur de D2 avec 18 buts, IbrahimTankary (33 ans) a été opéré la semaine dernière des ligaments croisé et latéral du genou gauche, à la clinique de Pellenberg, près de Louvain. Un stupide accident survenu le 22 mars, à l’entraînement, lors d’un contact fortuit avec le gardien…

 » Si je n’ai pas été opéré tout de suite, c’est parce que l’on avait pensé, dans un premier temps, que seul le ligament latéral était touché et que tout allait se ressouder tout seul « , explique-t-il.  » Ma blessure était bien plus grave : le ménisque était touché également. La totale, quoi. J’en ai pour six mois sur la touche. Je louperai donc aussi le début de la saison prochaine. Ce qui me fait encore le plus râler, c’est que mes concurrents pour le titre de meilleur buteur de D2 ne vont pas s’arrêter en chemin. Ils risquent de me dépasser, pendant ma convalescence « .

Le sympathique attaquant belge, originaire du Niger, y tient, à ce titre honorifique :  » Etre meilleur buteur, cela fait toujours plaisir. Mais bon, le principal, c’est tout de même qu’on soit champion avec Zulte-Waregem « .

 » Le big boss du Brussels n’a-t-il pas fait fausse route ? »

Si une équipe veut monter en D1, Ibrahim Tankary semble représenter une assurance tous risques. Voilà trois fois, déjà, qu’il est champion de D2, après Lommel et le Brussels l’an passé :  » C’est sûr, je préférerais m’illustrer parmi l’élite, mais pour cela, il faut en avoir l’occasion « .

On se demande encore pourquoi le Brussels, qui a tant souffert du manque de réalisme de ses attaquants cette saison, a laissé partir des joueurs comme DieterDekelver, auteur d’une saison très honorable au Cercle Bruges, et Tankary, qui avait déjà inscrit 18 buts pour le compte du club bruxellois la saison dernière. Mais cela, c’est un autre débat.  » J’ai lu et entendu de tout, cette saison, à propos du Brussels. On a accusé l’entraîneur EmilioFerrera de manquer d’humanité. On a reproché aux défenseurs d’encaisser au moins un but à chaque match. On a stigmatisé le manque de consistance des joueurs d’entrejeu. On a pointé du doigt le manque de réalisme des attaquants. Mais, trop rarement, on s’est posé une autre question : le BigBoss n’a-t-il pas, lui-même, fait fausse route ? Pour moi, poser la question, c’est déjà y répondre en grande partie. Le Brussels s’est déforcé pendant l’entresaison, lorsqu’il est passé de D2 en D1. Comme si cela ne suffisait pas, il s’est encore affaibli lors du mercato de janvier. C’est à n’y rien comprendre « .

Comment Ibrahim Tankary a-t-il abouti à Zulte-Waregem ?  » Assez rapidement, je me suis rendu compte que je ne ferais pas des vieux os dans la capitale. Certaines promesses n’étaient pas tenues et HarmvanVeldhoven a souvent dû éteindre des incendies. Même si JohanVermeersch m’avait convoqué dans son bureau en vue d’une prolongation de contrat, je ne suis pas certain que j’y aurais répondu favorablement. Alors, à partir du moment où il ne m’a… pas convoqué, l’affaire fut vite réglée. De son côté, l’entraîneur de Zulte-Waregem, FranckyDury, n’arrêtait pas de me harceler. Il me téléphonait jusqu’à trois fois par jour : – Vienscheznous, onjoueraletitrelasaisonprochaine ! Je lui ai répondu que mon premier souhait était de partir à l’étranger, mais que si je n’y parvenais pas, je réfléchirais à sa proposition. Van Veldhoven aurait aimé que je l’accompagne au Cercle Bruges, mais j’ai rapidement compris qu’il ne tirait pas toutes les ficelles et que mon transfert dans la Venise du Nord risquait d’être compliqué. Comprenant la situation, il a lui-même défendu ma cause auprès de Dury : – Si réellement vous voulez monter, il ne faut pas hésiter : c’est Ibrahim Tankary qu’il vous faut ! Le transfert à l’étranger, que j’espérais, ne s’est pas concrétisé, et j’ai tenu ma parole : j’ai dit oui à Dury. Jusqu’à présent, je ne l’ai pas regretté « .

 » Plus correct et mieux organisé que le Brussels  »

 » La différence entre mon ancien club et mon club actuel ? Zulte-Waregem est beaucoup mieux organisé. Et puis, c’est un club correct. Car je suis toujours en procès avec le Brussels pour le paiement de ma prime de champion. Je risque de toucher ma prime de cette année avant celle de l’an passé. J’en suis même presque sûr « .

Et au niveau sportif ?  » Au Brussels, il y avait quelques individualités qui avaient déjà une longue expérience de la D1. Lors des moments difficiles, comme ceux qui ont suivi la défaite à Virton, c’est leur métier qui a permis de remettre l’église au milieu du village et d’émerger sur la fin. A Zulte-Waregem, il n’y a pratiquement aucune individualité. Quelques joueurs ont connu la D1, comme StefaanLeleu et TonySergeant, mais ils sont rares. Le collectif prime. L’entraîneur est comme les joueurs : il n’a pas un grand nom. Moi-même, avant de débarquer sur les bords du Gaverbeek, je ne connaissais pas Dury. Il travaille dans le club depuis longtemps et a notamment eu sous ses ordres tous les jeunes qui, aujourd’hui, militent en équipe Première. Je suis certain qu’il a les moyens de se faire connaître parmi l’élite. S’il continue de la même manière, il en surprendra plus d’un. Mais je ne peux pas vraiment le comparer avec Van Veldhoven. Ce sont deux hommes différents, qui ont des méthodes différentes. Dury mise davantage sur la technique, Van Veldhoven sur le physique. Dury organise beaucoup d’exercices avec ballon. Ses exercices physiques se limitent à quelques sprints et quelques ateliers. Il travaille moins les phases arrêtées également. Van Veldhoven, c’était un maniaque dans ce domaine. Je ne connais aucun entraîneur qui les travaille à ce point. Peut-être GeorgesLeekens, mais comme je n’ai jamais travaillé avec lui… Aujourd’hui encore, lorsque je vois jouer le Cercle Bruges et que je suis attentif à la position de Dekelver, je peux prédire ce qui va se passer. Ce sont toujours les mêmes schémas. Mais cela rapporte énormément de points « .

 » Acclamé comme rarement je l’ai été  »

 » La solidarité du groupe a permis à Zulte-Waregem d’émerger. On dispose d’un collectif impressionnant. Au niveau du jeu d’équipe, on était, de loin, les meilleurs. Or, pour bien gérer les déplacements, c’est un facteur essentiel : il faut faire bloc. Grâce à cela, on est rarement rentré bredouille. Même en jouant mal, on est toujours parvenu à ramener un point. Les résultats aidant, on s’est retrouvé aspiré dans une spirale ascendante. Après avoir remporté la première tranche, certains ont pris conscience de leurs possibilités. J’ai entendu, dans les vestiaires : – Maintenant, onpeutcarrémentenvisagerdejouerletitre ! Dans mon esprit, il en avait toujours été ainsi. Mais j’ai compris qu’au départ, j’aurais dû interpréter  » jouer le titre  » par  » remporter le tour final « . Car, pour beaucoup, l’Antwerp et Heusden-Zolder, les deux descendants de D1, étaient hors de portée. C’est vrai qu’au niveau des individualités, il n’y a pas photo entre l’Antwerp et Zulte-Waregem. Seulement, en D2, c’est rarement le talent qui prime. Seul le travail permet de s’imposer sur la durée. Au niveau de l’ambiance, j’ai vécu une saison formidable. J’habite toujours dans la capitale, à quelques centaines de mètres du stade Edmond Machtens, mais la saison dernière, je me rendais souvent à l’entraînement avec des souliers de plomb. Cette saison-ci, j’ai dû parcourir 70 ou 80 kilomètres pour rejoindre le stade Arc-en-Ciel. En début de saison, j’arrivais souvent en retard. Après quelques semaines, j’étais le premier dans le vestiaire. Mes équipiers eux-mêmes se sont étonnés : – Déjàlà ? J’ai vraiment pris beaucoup de plaisir. Et, ce qui m’a le plus touché, c’est l’accueil des supporters. Il y a dix jours, juste avant mon opération, j’étais allé encourager mes partenaires à Geel. Au coup de sifflet final, scellant notre victoire 1-2, je suis monté sur le terrain. J’ai été acclamé comme rarement je l’ai été. J’en ai eu la chair de poule. C’était le signe que mon travail avait été apprécié « .

 » J’avais rêvé d’inscrire 25 buts  »

 » Le plus beau but que j’ai inscrit cette saison ? Sans doute celui contre Hamme, d’une reprise de volée en dehors du rectangle. Non seulement il était beau, mais il était important, car le marquoir restait figé à 1-1 et les minutes s’égrenaient désespérément à l’horloge du stade. Je retiens aussi une belle lucarne contre Renaix. Et mes triplés contre Heusden-Zolder et Deinze. J’avais rêvé d’inscrire 25 buts. Cette fichue blessure a tout contrarié « .

Mais Ibrahim Tankary n’en perd pas le sourire.  » Vous savez, lorsqu’un accident survient, il y a deux solutions. Soit on se laisse abattre et on pleure sur son sort, soit on accepte sa situation et on se bat pour revenir. J’ai choisi la seconde option. Dans mon malheur, j’ai encore eu de la chance. J’avais signé pour deux ans, je ne serai donc pas démuni la saison prochaine. Je ne me suis pas trop ennuyé durant ma semaine d’hospitalisation : avec la Ligue des Champions et la Coupe de l’UEFA, il y avait du football tous les jours à la télévision. Et j’ai pu sortir juste à temps pour aller fêter le titre avec mes partenaires, dimanche passé. Mais le plus dur commence peut-être maintenant, avec la rééducation. Mais le sourire de mon petitbout de huit mois me donne du courage. Il y a pire dans la vie « .

Daniel Devos

 » J’aurai ma prime de champion de D2 de Zulte-Waregem AVANT CELLE DU FC BRUSSELS !  »

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