» Malgré un programme unique au monde ! « 

Malines n’a pas été épargné par les contretemps cette saison. Compte tenu de cela, ses résultats sont dignes d’éloges.

La saison dernière, Malines avait tout le temps échoué au port : 7e de la phase classique du championnat, 2e de sa poule en PO2 (il pouvait se permettre de perdre son dernier match par un but d’écart mais s’est incliné avec deux buts d’écart contre Westerlo) et demi-finaliste de la Coupe. Cette saison, avec un autre coach (Marc Brys a succédé au très populaire Peter Maes), le scénario fut presque identique : les Maneblussers ont virtuellement squatté le top 6 durant toute la saison, avant de se faire dépasser par le Standard (qui les a également éliminés en quarts de finale de la Coupe) à l’aube de la dernière journée.

Indépendamment de la non-qualification pour les play-offs 1, comment jugez-vous cette saison ?

Marc Brys : Je trouve que l’équipe a progressé, par rapport à la saison dernière. Avec ce nombre de points, on aurait terminé 4e en 2010. Tout simplement parce que les grands clubs n’ont, cette fois, pas failli. On a donc beaucoup plus de mérites à avoir lutté jusqu’au bout.

Vous avez débuté le championnat par un 12 sur 12. Puis est arrivée la fin du mercato estival où vous avez perdu Aloys Nong, qui détenait la forme de sa vie. En échange, vous avez obtenu le prêt de Christian Benteke, un joueur talentueux mais qui évolue dans un tout autre style et qui a débarqué un peu aigri.

Effectivement. On avait mis un système au point durant toute la préparation, en fonction de Nong, notamment. Ce système fonctionnait parfaitement, comme en atteste notre départ en trombe. Puis, le départ d’Aloys m’a obligé à tout revoir. C’est très frustrant, mais c’est la vie d’un entraîneur. Lorsqu’on travaille à Malines, on sait qu’on s’expose à ce genre de contretemps, car la situation financière du club ne permet pas de refuser une proposition intéressante, lorsqu’elle se présente. Benteke a vécu une saison malheureuse. Il a été poussé vers la porte de sortie, au Standard, et accusait clairement le coup lorsqu’il a débarqué. Pendant un certain temps, je l’ai senti déprimé, et les deux cartons rouges dont il a écopé lui ont porté un autre coup au moral. Pour ne rien arranger, il a souffert du genou trois à quatre semaines et a rechuté durant le stage hivernal en Espagne, ce qui a nécessité une opération. C’est dommage, car c’est un joueur talentueux. J’aurais aimé pouvoir en disposer en pleine possession de ses moyens. J’aimerais le conserver : à 20 ans, Benteke dispose encore d’une importante marge de progression. Son potentiel est énorme, et maintenant qu’il est débarrassé de ses soucis physiques, il progresse au fil des jours.

14 matches en 50 jours

En janvier, vous avez encore perdu Joachim Mununga…

Le capitaine, ni plus ni moins. L’âme de l’équipe. Le plus bel exemple de l’ancien braconnier devenu garde-chasse. Le brassard lui a conféré des responsabilités et il les a assumées avec brio. A partir de ce moment, il s’est beaucoup plus occupé du groupe que de lui-même. Sportivement, son départ a constitué une grosse perte. Mais à Malines, les considérations économiques prennent parfois le dessus. En outre, ce n’est jamais bon de retenir un joueur contre son gré. Si on l’avait gardé, il aurait peut-être remâché sa déception. Chacun travaille pour obtenir des promotions. Et la Turquie en était une, pour Joachim.

Malines fut la grande victime de l’offensive hivernale : à trois reprises (à Eupen, au Lierse et à Saint-Trond), l’équipe s’est même déplacée pour rien puisqu’elle a appris, à son arrivée, que le match n’aurait pas lieu.

Sans oublier le déplacement au Standard, dont on a certes appris la remise la veille, mais qu’il a également fallu reprogrammer. A notre corps défendant, on a donné beaucoup de soucis au responsable du calendrier, c’est clair. La conséquence est que l’on a dû disputer 14 matches en 50 jours. Ce fut, je crois, unique au monde cette saison. Cela m’a obligé à revoir complètement mon programme. Il était plus question de récupération que d’entraînement proprement dit. On récupérait au lendemain d’un match, le dimanche ou le jeudi, puis on s’attelait à la préparation du suivant. La condition physique était entretenue en jouant, pas en s’entraînant. Mais il n’y a pas eu de blessures musculaires, je peux donc dire qu’on a bien géré la situation. Ce programme démentiel a-t-il eu des conséquences sur le classement ? Je dois être honnête : on a pris plus de points au deuxième tour qu’au premier, on peut donc dire que d’un point de vue purement mathématique, le préjudice a pu être limité. Encore que… En l’une ou l’autre occasion, au Standard et au Lierse par exemple, on a livré un non-match. Cela ne se serait peut-être pas produit si l’on avait pu bénéficier d’une semaine de préparation normale pour ces affrontements. Qui peut le dire ? De toute façon, on ne réécrira pas l’histoire. Physiquement, je pense qu’on était prêt. Mentalement, en revanche, on a parfois accusé le coup.

S’ajoute à cela un autre élément : le Standard fut, tant en championnat qu’en Coupe, votre principal adversaire. Or, suite à une clause stipulée dans le contrat de location, vous n’avez pas pu aligner Benteke dans ces affrontements-clefs…

Je ne comprends pas qu’on puisse accepter ce genre de clause. Soit on prête un joueur, soit on ne le prête pas. Si on soumettait le cas à un tribunal du travail, quel serait son verdict ? Mais bon, puisque cette clause était écrite, j’ai bien dû m’y plier. Lorsqu’on a pléthore d’attaquants dans son effectif, comme c’est le cas de La Gantoise par exemple, cela ne porte pas trop à conséquence, mais lorsqu’on n’est pas riche, et qu’en outre certains attaquants -comme Mohamed Koné, Pan-Pierre Koulibaly et Ebou Sawaneh- ne sont pas qualifiés à la date du match car ils étaient arrivés durant le mercato hivernal, c’est un lourd handicap. En plus, suite au réaménagement du calendrier, on a dû affronter le Standard à un moment où il reprenait du poil de la bête. En décembre, à la date où on aurait normalement dû les affronter, les Rouches étaient en plein doute. Or, lorsqu’on voit à quoi la place en play-offs 1 s’est jouée.

 » Lors de certains matches, j’ai quasiment dû jouer sans attaquant « 

Parlons-en, de cette pénurie d’attaquants…

Elle m’a obligé à revoir mon système de jeu. Lors de certains matches, j’ai quasiment dû jouer sans attaquant. Boubacar Diabang et David Destorme, qui sont davantage des milieux, ont parfois dû évoluer en pointe. Dans ces cas-là, il était évidemment impensable de jouer pour marquer un but de plus que l’adversaire. La priorité était, alors, de mettre au point une bonne organisation défensive. Cela me semble logique.

Compte tenu de toutes les difficultés rencontrées cette saison, les mérites de Malines sont donc grands ?

Je pense qu’on peut le dire. Et tout le monde, au club, l’a ressenti de cette manière. On s’était fixé un objectif attractif, c’est-à-dire le top 6, et malgré toutes les difficultés, on a été compétitif jusqu’au bout.

Comment avez-vous vécu cette saison ? Comme un retour en pleine lumière après deux années dans l’anonymat de la D2 néerlandaise, au FC Eindhoven et au FC Den Bosch ?

Je n’ai certes pas été très médiatisé aux Pays-Bas, mais j’y ai pris beaucoup de plaisir. Simplement, lorsque la possibilité de retrouver le haut niveau s’est présentée, et de surcroît en Belgique, je n’ai pas hésité. Malines est un club fabuleux. Les dirigeants essaient toujours de répondre aux souhaits de leur coach. Les supporters sont positifs et vivent avec  » leur  » club depuis qu’ils ont contribué à le remettre sur rails après la faillite. Ce public constitue une force lorsqu’on joue à domicile, c’est clair, mais on a aussi pris 18 points en dehors de nos bases, ce qui signifie qu’on s’est bien exporté.

Succéder à Maes, un entraîneur qui a représenté beaucoup pour le Malinwa, n’était pas nécessairement un cadeau…

Je n’ai pas considéré cela comme un handicap. Maes a hissé le club en D1 et en a fait une valeur sûre, c’est logique qu’il ait été très apprécié et il continue d’ailleurs de démontrer ses qualités à Lokeren. Il a laissé un bel héritage. J’ai essayé d’y apporter ma touche personnelle.

 » Le stage en Espagne a démontré que ce groupe vivait bien ensemble « 

Vous avez la réputation de dispenser des entraînements très longs et d’obliger les joueurs à rester longtemps au club…

Je ne m’occupe pas de la manière dont on travaille dans les autres clubs. Oui, on a parfois eu des entraînements de deux heures ou deux heures et demie, mais est-ce trop ? Il y a aussi eu des entraînements plus courts. Il faut surtout sentir son groupe, savoir si les joueurs ont besoin de beaucoup s’entraîner ou pas. Ici à Malines, je ne trouve pas que le groupe a dû beaucoup s’entraîner, sauf durant la préparation, lorsqu’il fallait acquérir une condition de base. J’oblige les joueurs à rester au club ? Lorsque les entraînements sont terminés, ils peuvent rentrer chez eux. En ce qui concerne le style de jeu, je ne pense pas qu’on puisse me cataloguer comme adepte de tel ou tel système. Je m’adapte en fonction du groupe. Cette recherche perpétuelle est la tâche d’un entraîneur. Et c’est une tâche passionnante. Je ne pense pas qu’il faille s’entêter à vouloir imposer, coûte que coûte, un système bien particulier si les joueurs ne sont pas taillés pour cela. Je crois que la principale différence entre Maes et moi, est qu’il réagit de façon plus émotionnelle : il est plus expressif.

Quelle est votre plus belle satisfaction, cette saison ?

Sur le plan collectif, on a beaucoup progressé. Et c’est le collectif qui a mis les individualités en valeur. Des joueurs comme Xavier Chen, Julien Gorius ou Yoni Buyens ont livré une très belle saison. Anthony Van Loo s’est complètement épanoui au deuxième tour. Je pourrais en citer d’autres. Le stage de janvier, en Espagne, a démontré que ce groupe vivait bien ensemble. J’en ai eu une nouvelle preuve, il y a dix jours, lors de ce match à rebondissement au Germinal Beerschot, où l’on était passé en 60 secondes du paradis à l’enfer. Dans un moment comme celui-là, où toutes les émotions ressortent, je n’ai pas un seul de mes joueurs adresser le moindre reproche à l’un de ses coéquipiers. C’est significatif.

PAR DANIEL DEVOS

 » On a pris plus de points au deuxième tour qu’au premier. D’un point de vue purement mathématique, le préjudice a pu être limité. Encore que… « 

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