Maîtresse Russie

Avec 24 joueurs et joueuses dans le Top 100, elle est le pays le plus fort quantitativement.

Après la première semaine de Roland-Garros, la Belgique et les Etats-Unis étaient à égalité. A savoir qu’il ne restait qu’un seul représentant de ces deux pays dans les tableaux finals. Ou, plus exactement, une seule représentante puisque Justine Henin et Serena Williams portaient encore les couleurs nationales respectives.

Au départ, les délégations étaient pourtant fort différentes. Les Belges n’étaient que quatre (Henin, les deux Rochus et KristofVliegen) alors que les USA comptaient pas moins de 19 joueurs. Ce qui n’en faisait pas le pays le mieux représenté. C’est en effet la France (forte des invitations qu’elle donne quasiment uniquement à ses ressortissants) qui dominait le classement des nations les plus fournies (36 joueurs et joueuses) devant la Russie (24). Derrière les Etats-Unis, on trouvait l’Italie (18) et l’Espagne (17).

Est-ce à dire que ce classement témoigne de la domination desdits pays sur la scène tennistique internationale ? Oui, en partie, mais rien ne vaut pour juger de cela les deux classements mondiaux, celui de la WTA et de l’ATP, qui tiennent compte des résultats obtenus par les joueurs au cours des 12 derniers mois. Le nombre de joueurs et joueuses dans le Top 100 peut donc donner une idée précise de la forme tennistique tout en sachant que le grand public s’intéresse davantage aux meilleurs joueurs d’un pays qu’au nombre de tennismen et tenniswomen qu’il envoie dans un tournoi majeur. C’est pour cela que la Belgique donne encore l’impression d’être une grande nation, pour la bonne et simple raison que Henin occupe la première place mondiale. Pourtant, derrière elle, on l’a déjà dit, il faut descendre au-delà de la 100e position mondiale pour trouver une autre compatriote. La Suisse est à peine mieux lotie. Roger Federer est certes numéro 1 mais le deuxième Helvète, Stanislas Wawrinka, n’est que 44e, le troisième étant tout bonnement 143e.

On lira ci-dessous le classement des principaux pays du tennis.

DANS LE TOP 100

Russie 7 joueurs 17 joueuses

France 12 joueurs 9 joueuses

Etats-Unis 10 joueurs 11 joueuses

Espagne 12 joueurs 3 joueuses

Argentine 13 joueurs 1 joueuse

Italie 4 joueurs 9 joueuses

Tchéquie 4 joueurs 5 joueuses

Allemagne 4 joueurs 5 joueuses

Autriche 4 joueurs 3 joueuses

Angleterre 2 joueurs –

Australie 3 joueurs 2 joueuses

Serbie 2 joueurs 2 joueuses

Suisse 2 joueurs 2 joueuses

Chine – 4 joueuses

Belgique 1 joueur 3 joueuses

Une analyse culturelle

Pour bien prendre le pouls d’une nation sportive, il est évidemment indispensable de modérer les chiffres en fonction de la population et, donc, du réservoir. Tout comme il est nécessaire de rappeler que le tennis demeure un sport qui coûte relativement cher aux parents des espoirs et qui nécessite une infrastructure importante. C’est pour cette raison, par exemple, que l’Afrique n’est pour ainsi dire pas représentée au plus haut niveau (exception faite de l’Afrique du Sud et du Maroc).

Il faut aussi tenir compte des réalités culturelles de chaque nation. Le Japon, par exemple, possède quelques très bonnes joueuses mais assez peu de bons joueurs. Cela parce que la culture japonaise accepte difficilement qu’un homme ne parvienne pas à gagner sa vie et donc à nourrir sa famille. Prendre le risque d’aller sur le circuit masculin constitue un effort colossal pour un joueur nippon. Par contre, la joueuse n’étant pas tenue à ce rôle, elle peut prendre le risque de ne pas être rentable pendant quelques saisons.

La tradition américaine

Il fut un temps, pas si lointain, où les Etats-Unis étaient bien plus dominateurs qu’aujourd’hui. Certes, il y a encore 21 joueurs et joueuses parmi les meilleurs mais comparé à la population, au fait que ce pays est l’un des plus équipés et qu’il bénéficie d’une tradition tennistique, on peut franchement avancer qu’il traverse une crise. Crise latente depuis le départ à la retraite de Pete Sampras et d’ Andre Agassi. Qui plus est, cette sensation de crise est renforcée par le fait qu’ Andy Roddick et James Blake – tout de même 3e et 8e mondiaux – ne parviennent pas à marquer les esprits et faire oublier leurs glorieux aînés. Côté féminin, outre les s£urs Williams, on ne voit guère de stars en devenir. Les Tu, Shaugnessy, Granville et autre Perry et Graybas sont certes assez bien classées mais pour ainsi dire inconnues du public…

Une école russe ?

Aujourd’hui, c’est très clairement la Russie qui est le pays dominateur. Non seulement, elle compte 17 joueuses dans le Top 100 mais trois de celles-ci – Sharapova, Kuznetsova et Chakvetadze) sont dans les dix premières. Côté homme, Nikolay Davydenko et Mikhail Youzhny sont respectivement 4e et 15e, ce qui n’est pas si mal…

Peut-on pour autant parler d’une école russe ? Non. Depuis la fin du communisme, les structures sportives ne sont plus ce qu’elles étaient et l’argent manque quelque peu au gouvernement pour investir sur des (futures) championnes. Alors qu’il fut un temps, pas si lointain, où tous les sportifs de l’Est représentaient des médailles olympiques potentielles, il n’en va plus de même aujourd’hui et les espoirs doivent se tourner pour la plupart vers des structures privées. A vrai dire, ils sont nombreux, les Russes, à faire leurs classes à l’étranger, et plus précisément aux Etats-Unis où ils peuvent s’entraîner sous le soleil de Floride ou de Californie. Il y a quelques jours, Davydenko confiait d’ailleurs qu’il souhaitait prendre la nationalité autrichienne uniquement parce que les conditions d’entraînement sont plus favorables en Autriche qu’en Russie. C’est dire que si le quatrième joueur mondial ressent des problèmes, ils doivent être multipliés par 100 pour un joueur moyen, ou pour un espoir…

Par contre, ce qui est évident, c’est que la perspective de gagner des millions de dollars demeure une motivation importante pour les Russes. Dès que le tennis est devenu un sport fréquentable (il a fallu longtemps aux autorités communistes pour accepter que ses meilleurs tennismen sortent du pays tant ils avaient peur qu’ils n’y reviennent jamais), des millions de jeunes ex-Soviétiques ont vu dans cette discipline une possibilité d’échapper aux conditions de vie difficiles. Cet espoir est toujours de mise aujourd’hui.

La structure française

Point de tout cela en France qui est, à nos yeux, le véritable pays du tennis. Tant en termes de représentativité que d’organisation. Le tennis français est superbement bien structuré. Chaque département, ou presque, compte par exemple un centre d’entraînement quasi équivalent à celui que la Communauté française possède à Mons. Il est donc impossible qu’un jeune joueur doué passe au travers des mailles fédérales tant ces dernières sont serrées. Une fois repéré dans son club, le joueur doué est intégré dans la cellule départementale et, s’il continue à progresser, il se retrouve à Paris, au centre national situé dans le stade de Roland-Garros…

Et puisque l’on en parle, précisons que c’est grâce au tournoi de Roland-Garros que la France peut se permettre tant d’investissements tennistiques. Sans la manne financière que représentent les Internationaux de France, jamais la FFT n’aurait la possibilité d’investir autant sur ses jeunes champions.

Les flops anglais et australien

Que l’on ne s’y trompe pas, il ne suffit pas d’avoir de l’argent pour sortir des champions. Regardons par exemple ce qui se passe en Angleterre. Pays de tradition tennistique, organisateur de Wimbledon et, donc, disposant de moyens quasi illimités, la Grande-Bretagne court depuis des lustres derrière un champion qui pourrait remplacer Fred Perry dans le c£ur des fans anglais de la petite balle jaune. Curieusement, malgré des investissements colossaux, des engagements de grands professionnels (dont des Belges puisque Steven Martens est directeur technique), il n’y a que deux joueurs anglais dans le Top 100 mais aucune joueuse… Curieusement ? Pas vraiment. Il faut savoir que le tennis britannique est encore fort basé sur les clubs dont les membres sont quasiment intouchables. Et qui ne veulent pas voir les écoles de tennis prendre trop de terrains. Qui plus est, le gazon est certes une surface mythique, mais comme la saison internationale sur ce type de terrains ne dure que quatre semaines, il n’est pas très rentable de s’entraîner principalement sur herbe.

On notera d’ailleurs que l’Australie n’est pas tellement mieux mise puisqu’elle ne compte que 2 joueurs et 3 joueuses dans les Top 100. Pourtant, comme l’Angleterre, elle organise un tournoi du Grand Chelem, est un pays de tradition (deuxième nation au nombre de victoires en Coupe Davis) et, qui plus est, bénéficie d’un temps merveilleux qui devrait donner des envies aux jeunes australiens. Pourtant, l’avenir ne semble pas très rose pour le tennis aussie

Le cas italien

Il est par contre des pays qui, sans avoir accès aux sources de financement provenant des tournois du Grand Chelem, parviennent à faire mieux que se défendre. Le cas le plus typique est l’Italie qui présente un bilan plus que favorable avec 4 joueurs et 9 joueuses parme l’élite. On en parle cependant assez peu parce que cela fait assez longtemps qu’un Italien n’a pas marqué les esprits comme le fit par exemple Adriano Panatta.

Les hispaniques

L’Espagne et l’Argentine sont eux aussi dans le peloton de tête mais il nous faut mettre un léger bémol. On remarquera que ce sont principalement les messieurs argentins et espagnols qui brillent au sommet (où sont donc les Sanchez, Martinez, Sabatini ?) et qu’ils le font principalement sur terre battue. Reste que, derrière l’école française, c’est sans doute l’espagnole qui est la plus performante avec quelques clubs privés qui ne manquent pas d’atouts.

Le vent d’Est

La Tchéquie reste très présente, plus encore que la Slovaquie, mais on sait que l’ex-Tchécoslovaquie était, du bloc communiste, le pays qui n’avait pas confiné le tennis aux seuls tournois nationaux. La tradition tennistique y était très vivace, comme peuvent en témoigner MartinaNavratilova et Ivan Lendl.

Si l’on devait se projeter quelque peu dans le futur, on dirait que les pays de l’Est – dont la Russie – continueront à fournir le plus grand nombre de joueuses bien classées mais qu’il faudra se méfier de la Chine qui, JO obligent, a mis en place une structure qui porte déjà ses fruits, surtout chez les femmes.

par bernard ashed – photo: reporters

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