© BELGAIMAGE

Maître ès variété

Le Néerlandais Johan Grijzenhout a entraîné dix clubs belges. Peu d’étrangers ont signé un tel parcours.

Mercredi, le Club Bruges affronte Ostende. Samedi, Courtrai se déplace au Cercle Bruges. Pourquoi vous dit-on cela? Parce qu’il s’agit de quatre clubs entraînés jadis par Johan Grijzenhout. Le Néerlandais a coaché six formations qui évoluent actuellement en D1A. Outre les quatre déjà cités, il a également dirigé La Gantoise et Waterschei, devenu entre-temps le KRC Genk. Grijzenhout a encore entraîné Lokeren, l’Eendracht Alost, le KFC Tielen et le SK Roulers.

Johan Grijzenhout a d’abord officié pendant six ans comme T2 à l’Ajax, avant de rejoindre le Cercle Bruges en 1972. Il habitait alors un appartement avec vue sur le stade et ne pensait qu’au football. Grijzenhout, ébéniste de formation, était du genre à entrer brutalement en conflit avec les joueurs difficiles et n’accordait aucun privilège. Il avait été formé dans l’ambiance très directe et hargneuse qui régnait alors à l’Ajax. Il lui avait fallu un certain temps pour changer et apprendre qu’il valait parfois mieux mettre ses principes de côté. Au Club Bruges par exemple, il s’était frotté à Walter Meeuws, le libéro de l’équipe nationale. Il n’avait pas hésité à l’aligner dans l’entrejeu, contre son gré, suite à l’arrivée du Hongrois László Bálint. Durant son troisième mandat au Cercle, il sortait régulièrement Josip Weber, pourtant son meilleur buteur, en cours de match, tant le Croate l’énervait. Jusqu’au jour où il a décidé d’avoir un long entretien avec lui. Il a alors découvert que Weber écoutait trop sa femme, qui l’incitait à ne pas défendre.

Durant sa carrière, Grijzenhout a souvent été prié de partir. Lokeren, son deuxième club en Belgique, a été le premier à le remercier. Le Néerlandais n’était pas apprécié des supporters locaux. Sa maison était proche du café des supporters de Roland Ingels, un arrière droit populaire, mais qu’il n’alignait pas. Un matin, en ouvrant la porte, son épouse a trouvé un noeud coulant accroché à la poignée. De quoi provoquer un drame.

Mais Johan Grijzenhout supportait bien l’incertitude liée à sa profession. Il retrouvait rapidement du travail après chaque licenciement. Car l’Amstellodamois avait acquis une excellente réputation en Belgique. Les joueurs vantaient son approche surprenante, souvent novatrice. Le Batave était passé maître en matière de variations et d’improvisation. À l’entraînement, il essayait toujours d’être créatif et d’enseigner quelque chose à ses joueurs. Souvent, il laissait libre cours à l’inspiration du moment. Il voulait rendre les séances attrayantes et passionner ses joueurs. Jan Ceulemans a dit que c’était le meilleur entraîneur avec lequel il avait travaillé, bien qu’à ses débuts, il ait surtout placé le Caje sur le banc, jugeant qu’il se repliait trop vite quand l’équipe ne tournait pas.

Grijzenhout a entraîné pendant 23 ans en Belgique et a refusé toutes les offres reçues des Pays-Bas. Il a ainsi connu deux passages à La Gantoise, bien qu’il soit entré en conflit avec le président Albert De Meester durant son premier mandat. Alors qu’ils discutaient de sa prolongation de contrat, De Meester avait accusé Grijzenhout de monter le public contre lui et les deux hommes s’étaient disputés. Il a également travaillé à quatre reprises au Cercle, l’association où a débuté son aventure belge.

Johan Grijzenhout a sillonné tout le pays jusqu’en 1995. Même s’il a rarement travaillé au sein de clubs du top, il peut se montrer satisfait de sa carrière. D’autant plus qu’il s’est tout de même retrouvé sur le banc du Club Bruges, avec lequel il a remporté le titre en 1980 en développant un beau football, et au sein duquel les arrières latéraux Jacky Debougnoux et Gino Maes occupaient un rôle crucial. Quelques mois plus tard, après un mauvais début de compétition, une élimination européenne contre Bâle et une défaite 0-7 contre le Standard, il avait toutefois été renvoyé. Les principaux joueurs s’étaient retournés contre lui.

Johan Grijzenhout a toujours suivi sa voie. La droiture qu’on lui avait insufflée à l’Ajax l’avait en quelque sorte endoctriné. Il n’hésitait toutefois pas à se remettre en question. Il était conscient de devoir parfois changer d’approche pour conserver son emprise sur les joueurs. Johan Grijzenhout est décédé le 18 décembre dernier, quatre jours avant de fêter ses 88 ans.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire