» Maintenant, je suis prêt pour le Barça, Milan ou Arsenal… « 

Le défenseur des Diables Rouges est très clair : il veut quitter l’Ajax pour un grand club européen. Explications sur sa maturation après quasi 150 matches pour le club mythique d’Amsterdam.

C’est fait, l’Ajax a décroché le titre de champion derrière lequel il court depuis 2004. Après avoir buté à quatre reprises contre le PSV, puis contre l’AZ et, la saison passée, contre le FC Twente, l’Ajax ne s’est pas laissé surprendre cette fois-ci par ce même adversaire. Indépendamment du bilan de l’Ajax, notre compatriote Jan Vertonghen (23 ans) reste sur une belle saison.

Est-ce la saison de votre maturation ?

Jan Vertonghen : En quelque sorte, oui. C’est en tout cas la saison dont j’avais besoin pour accomplir quelques pas en avant importants. L’été dernier, je savais qu’il me fallait au moins une saison pour poursuivre mon développement aux Pays-Bas. Je ne pouvais même pas imaginer discuter avec un autre club. Je voulais avant tout participer à la Ligue des Champions avec l’Ajax, conserver un bon niveau, assumer mes responsabilités au sein de l’équipe, ce genre de choses. Le développement que j’avais en tête s’est réalisé cette saison, dans les grandes lignes. J’ai affronté les plus grands clubs d’Europe et je compte environ 150 matches au plus haut niveau sous le maillot de l’Ajax. Pour la première fois depuis le début de ma carrière, j’ai le sentiment d’être prêt à franchir une nouvelle étape.

Il y a deux ans et demi, vous vous décriviez comme un plaisantin, un joueur qui ne pourrait pas être capitaine. De ce point de vue aussi, vous avez changé !

Je faisais allusion à mon comportement dans le vestiaire. J’aime plaisanter et ça ne correspondait pas à l’idée que je me faisais d’un capitaine mais sur le terrain, j’ai toujours été sérieux. Je peux encore progresser sur le plan mental. Ainsi, en cours de match, je dois mieux accepter les critiques. J’ai tendance à tout prendre de travers. Je m’énerve quand j’ai mal passé le ballon et qu’un coéquipier me le dise. C’est stupide et enfantin, surtout quand on en parle comme nous le faisons en Hollande. Je dois changer, tourner sept fois ma langue dans ma bouche avant de répondre. J’en parle souvent avec l’entraîneur. De toute façon, nous parlons beaucoup de communication. De la façon dont je dois me démarquer, comment diriger mes coéquipiers et prendre les rênes en mains. Quand Frank de Boer jouait, il était très présent sur le terrain et il me demande de l’être aussi. Je dois oser appeler le ballon, être dominant à la construction. C’est d’ailleurs mon point fort. Je dois également être plus agressif dans les duels. Bref, il me reste pas mal de chantiers.

La grogne directoriale

Qu’est-ce qui a changé pour vous depuis que Frank de Boer a remplacé Martin Jol ?

Jol vivait davantage match après match alors que de Boer accorde la priorité à sa vision, qui s’inscrit dans la lignée de l’Ajax et de la façon dont il a connu le succès. Nous soignons la relance à partir de l’arrière, nous plaçons constamment la pression, nous développons des combinaisons rapides et audacieuses. Ces aspects reviennent en filigrane dans ses entraînements. C’est indispensable. Mais n’oublions pas non plus que nous avons connu une superbe période sous la direction de Jol. Nous nous sentions invincibles au second tour de la saison passée. Nous jouions avec audace et flair. Mais nous étions plus dépendants de nos attaquants à cette époque. Si Luis Suarez était dans un jour sans, nous avions des problèmes. Actuellement, le groupe est plus fort, nous avons une base plus large pour surmonter les coups durs.

Dans sa quête d’un successeur à Suarez, l’Ajax a placé la barre financière très bas et le transfert de Bas Dost de Heerenveen n’a pu se réaliser. Qu’en avez-vous pensé ?

C’était positif. Tous les clubs augmentent leur prix en apprenant que l’Ajax a touché le pactole pour Suarez mais on ne peut quand même pas débourser une fortune pour un joueur d’un club moyen. Je trouve que l’Ajax a agi avec beaucoup de maturité. La situation n’aurait pas été saine pour le joueur concerné non plus. Elle aurait été semblable à celle qu’a connue Miralem Sulejmani. Un transfert très cher complique l’intégration d’un joueur et le place sous pression alors qu’il s’agit de jeunes footballeurs et que la pression est déjà considérable à l’Ajax.

L’étage directorial n’est pas encore des plus sereins à l’Ajax, pourtant. Quel impact cela a-t-il sur le vestiaire ?

Etonnamment peu. Ce qui se passe au sein de la direction nous passe au-dessus de la tête. Nous continuons à jouer comme si de rien n’était. Naturellement, nous en parlons régulièrement, il est difficile de faire autrement : le matin, à notre arrivée, tous les journaux sont sur la table.

Les jeunes

Johan Cruijff a surtout critiqué la formation des jeunes. Quelle expérience en retenez-vous ?

Si j’avais été formé par un autre club, jamais je ne serais où je suis. Des entraîneurs comme Danny Blind, John van den Brom, Dick de Groot, Wim Kwakman et Hennie de Regt m’ont beaucoup appris. On parle beaucoup de séances individuelles supplémentaires pour l’avenir… mais j’en ai bénéficié pendant des années, sous la direction de Simon Tahamata, au Germinal Beerschot puis à l’Ajax. Cela apporte vraiment une plus-value. Nous nous focalisions sur la remise en jeu, la passe, la touche de balle, le centre, le pivot. Je n’ai pas effectué toutes mes classes à l’Ajax mais le perfectionnement de la technique a toujours été une partie intégrante des entraînements.

Comment jugez-vous le niveau actuel de la formation ?

C’est difficile à dire. Avant, j’allais régulièrement voir les Espoirs car j’en connaissais personnellement plusieurs. Depuis quelque temps, je n’y suis plus allé mais cela ne va pas tarder car j’entends des commentaires enthousiastes sur les juniors A1, qui forment apparemment une chouette équipe. D’ailleurs, on reprend régulièrement un joueur de cette équipe dans le noyau A. Depuis que Frank de Boer est entraîneur principal, les perspectives d’avenir des jeunes ont augmenté de 100 % ici. Si Jol était resté, Lorenzo Ebecilio serait sans doute parti cet été. Il y a six mois, il n’avait pas prolongé son contrat, qui arrivait à terme en juin. De Boer a notamment l’avantage d’avoir travaillé au centre de formation du club. Il connaît les talents et il ose les promouvoir. Eriksen a obtenu d’emblée un rôle important, Özbilic, Ebecilio et Boilesen ont émergé. C’est positif pour les joueurs concernés et l’équipe fanion mais aussi pour l’ensemble du club car cela stimule tous les autres jeunes.

Eriksen figure sur la liste de tous les grands clubs européens. Pouvez-vous nous dire s’il va rester à l’Ajax ?

Je pense que oui. Christian est raisonnable, il réalise l’importance de l’expérience qu’il peut acquérir ici pour son avenir. Il aura l’occasion de jouer à l’étranger plus tard, j’en suis convaincu. Beaucoup de joueurs suscitent de l’intérêt. Par exemple, je suis surpris que Maarten Stekelenburg défende toujours notre but. Il aurait mérité sa chance à l’étranger depuis longtemps. Maarten est vraiment le meilleur gardien du monde, à mes yeux. Son contrat arrive à échéance dans un an et on connaît ses ambitions. Gregory van der Wiel pourrait aussi sauter le pas. J’espère de tout c£ur que tout le monde restera à l’Ajax mais tout footballeur désire connaître son plafond.

Quitter l’Ajax

Vous-même êtes suivi depuis un certain temps par des ténors : Barcelone, Milan et Arsenal. Il y a un an, vous ne pouviez pas vous l’imaginer.

C’est vrai. Dans mes rêves les plus fous, je n’imaginais pas leur parler, encore moins me produire pour de tels clubs. Tout a changé. Si je ferme les yeux pour me transposer dans un de ces clubs, l’idée reste folle mais contrairement à ce que je pensais il y a un an, je me pense capable d’un tel pas, sans toutefois y réfléchir consciemment. J’ai toujours dit à mon agent qu’il ne devait pas lancer ses filets : si un club me convoite vraiment, il nous téléphonera. Chercher activement un autre club ne serait d’ailleurs pas élégant à l’égard de l’Ajax. Je me plais trop ici pour me conduire ainsi.

Vous a-t-on prié de ne plus rien chanter contre les adversaires une fois le titre en poche ?

Je n’entonnerai plus aucun refrain pour ridiculiser un adversaire, en tout cas. J’ai tiré les leçons de la fête qui a suivi notre victoire en Coupe l’année dernière. J’en ai été malade et cela m’a poursuivi. On m’a apostrophé en rue, des supporters de Feyenoord qui avaient obtenu mon numéro m’ont téléphoné pour m’insulter et me menacer. J’ai été vraiment stupide, c’est incroyable ! Mes excuses étaient d’ailleurs sincères. Mais c’était trop tard : je ne pouvais pas revenir en arrière.

Que pouvez-vous encore apprendre aux Pays-Bas ?

Pour commencer, c’est grâce au football néerlandais que je suis devenu le footballeur que je suis mais si je joue encore cinq ans ici, je n’atteindrai pas le sommet de mon art. Je nourris des ambitions concrètes, je vise un grand championnat mais d’autre part, quitter l’Ajax sans avoir été champion avec lui aurait toujours constitué une idée épouvantable.

PAR SIMON ZWARTKRUIS (ESM)

 » Quand mes coéquipiers me critiquent, je prends ça de travers « 

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