Main de Dieu vs Nain de Dieu !

Impossible n’est pas football, mais il m’étonnerait qu’avant-hier, Lionel Messi ait loupé son troisième Ballon d’Or. Et si c’était le cas, cela n’empêchera pas la Pulga, qui n’a pas 25 ans, d’un jour dépasser les trois lauréats triples que furent Johan Cruijff, Michel Platini et Marco van Basten. Messi est un phénomène rare, preuve en est cette question récurrente : est-il meilleur que Diego Maradona ? Car c’est loin d’être donné à toutes les superstars d’être comparées au travers des époques. On se demandait hier si le Pibe de Oro était meilleur que Pelé. Et j’ai le souvenir lointain qu’on se posait parfois la question pour Pelé par rapport à Alfredo Di Stefano. Mais même Cruijff n’a jamais vraiment suscité la comparaison avec Pelé, et le débat Platoche/ Zizou n’a jamais dépassé le cadre franco-français. Après Di Stefano, Pelé et Maradona, Messi est sans doute en train d’ériger le quatrième pilier de la légende des footballeurs d’après-guerre. Quand s’amènera le cinquième et qu’aura-t-il de plus ? Grand mystère…

Le danger des comparaisons entre époques est le syndrome de l’enfance éblouie… qui est aussi celui de l’ancien combattant : -De mon temps, c’était l’Age d’Or ! Gaffe, faut savoir s’en remettre ! Je connais de vieux footeux affirmant – toujours péremptoires – que personne n’atteindra plus jamais le niveau de Pelé alors que leurs souvenirs ne sont guère réactivés que par des bribes d’archives, best of de phases merveilleuses et lentes ! Ensuite, la télé nous montra Maradona davantage, et nous pouvons TOUT voir de Messi depuis son avènement ! Les comparaisons sont tronquées, il n’est pas pour autant absurde de s’y essayer.

Négligeons les palmarès. Maradona fut d’une époque où un Sud-Américain n’était pas éligible au Ballon d’Or ; Messi n’en est qu’à la première moitié de sa gloire, il n’a pas encore l’âge auquel Maradona remporta son Mondial. Relevons par contre cette différence : au Barça qui ne joue pas que pour lui, Lio-la-Puce est the star, mais parmi d’autres stars. Tandis qu’à Naples, durant la grande période de Diego, de qui se souvient le footeux hormis de Careca, buteur d’exception ? Et parmi les Argentins de 1986, quels équipiers nous sont restés en mémoire hormis Jorge Valdano lui aussi homme de pointe, voire Jorge Burruchaga ? Faut-il en conclure que Maradona a gagné à lui tout seul davantage de matches ? Voire…

Si Maradona n’avait pas fait le con avec son corps, il eût été plus fort et fort plus longtemps ; à l’inverse, si Messi gamin n’avait pas docilement confié son petit corps malingre aux toubibs catalans, il serait resté schtroumpf argentin habile. Faut-il y voir la raison de caractères opposés ? Lio est humble et effacé ; Diego fut une grande gueule révoltée, de celles qui façonnent les mythes… Mais ce qui pousse le plus à la comparaison, c’est leur parenté stylistique : petits, vifs, gauchers habilissimes, slalomeurs, buteurs.

Si Maradona se retrouvait propulsé au sein du Barça d’aujourd’hui pour y suppléer l’autre, il arriverait difficilement à le faire oublier. On remarquerait la déficience d’un pied droit que Messi sait et doit utiliser, tant le jeu va plus vite. Le Pibe irriterait par des moments d’absence, le fait de rester libre en perte de balle, sans guère harceler, faire écran ou participer à la reconquête du ballon. On constaterait qu’il recule parfois fort bas dans le jeu : certes pour mieux faire jouer les autres… mais aussi pour s’y planquer quand agressions et impuissance font déserter les avant-postes ! On calculerait que Maradona marque en moyenne un but tous les deux matches, alors que Lio carbure à hauteur de deux tous les trois matches. Et le fait d’admirer davantage chez Diego sa fluidité (Messi étant plus électrique) et ses balles arrêtées, de le voir alterner merveilleusement jeu court/jeu long (Messi privilégiant le jeu court) ne suffirait sans doute pas…

Alors, la Pulga meilleure ? Oui et non. Car si Messi s’était retrouvé propulsé alentour de 1990, y aurait-il slalomé des années, comme Maradona y parvint malgré les Andoni Goikoetxea ? Lio se serait peut-être retrouvé en chaise roulante au bout d’un an ou deux de perforation intrépide ! Les bouchers d’aujourd’hui ne sont plus ce qu’ils étaient, Messi peut (pour une fois) remercier le Board.

PAR BERNARD JEUNEJEAN

En 1990, Messi se serait peut-être retrouvé en chaise roulante !

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