Magic MAJID

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Non, Greg, t’es plus tout seul… Depuis que Majid Oulmers figure dans le 11 de base de Charleroi, cette équipe ne penche plus systématiquement du côté droit. Elle vole enfin avec ses deux ailes, comme l’a signalé récemment Robert Waseige. Depuis le début de la saison, différentes combinaisons avaient été essayées à gauche, où trois médians s’étaient relayés sans jamais réussir à s’imposer de façon indiscutable : Loris Reina, Christopher Fernandez et Fabrice Lokembo. Aujourd’hui, Oulmers y est bien installé, avec Badou Kéré dans son dos. Et le danger surgit des deux flancs.

Il y a un mois à peine que Majid Oulmers peut donner sa pleine mesure. Il avait déjà figuré dans l’équipe en tout début de saison, mais il ne jouait alors que sur une jambe. Il allait vite devoir se rendre à l’évidence : une longue période de repos s’imposait.

Majid Oulmers : J’étais blessé en arrivant à Charleroi, l’été dernier. Mais je n’ai pas triché : j’ai directement signalé que j’avais un petit problème au niveau des adducteurs du côté droit. A l’époque, je pensais que c’était simplement une conséquence du régime assez lourd que j’avais connu la saison dernière à Amiens : pendant une bonne partie du deuxième tour, nous avions joué un match tous les trois jours. J’étais persuadé qu’un peu de repos suffirait à me guérir. Mais, dès les premiers entraînements, j’ai senti que le problème n’avait pas disparu. J’ai tout stoppé après trois matches de championnat. Ma traversée du désert ne faisait que commencer.

Comment l’avez-vous vécue ?

Le Sporting m’a envoyé au CERS, le célèbre centre de rééducation de Saint-Raphaël. Il est géré par le même patron que le centre de Capbreton. J’y suis resté un mois, j’ai passé des journées entières à faire des exercices censés renforcer le dos, le bassin, les abdominaux, etc. Mais mon état n’évoluait pas vraiment.J’ai alors eu la chance d’y rencontrer le professeur Jaager, une sommité en France. C’est lui qui a opéré Zinedine Zidane du genou, notamment. Il a été le premier à voir bien clair : je ne souffrais pas d’une simple pubalgie mais d’une adhérence du moyen et du petit adducteurs. Il fallait opérer. Pour lui, ce n’était pas bien grave et je devais pouvoir reprendre les entraînements un mois plus tard. Son pronostic s’est presque vérifié, j’ai seulement eu la malchance de choper un virus à l’hôpital de Strasbourg. Ce virus m’a empêché de travailler pendant deux semaines de plus, mais après autant de mois sans football, ça ne faisait plus une grande différence.

Numéro 10 contre son gré

Avez-vous traversé des moments de grand découragement ?

Evidemment. Charleroi m’avait transféré pour faire autre chose que de la rééducation. Quand je déprimais, j’essayais de me raccrocher à certaines choses, plus ou moins banales. J’entendais que le club comptait sur moi et ça m’encourageait. Il y avait aussi l’Islam, qui m’a beaucoup aidé. J’avais l’impression de recevoir des signaux de là-haut : des signaux qui m’interdisaient de laisser tomber les bras. Avoir des croyances religieuses fortes vous aide dans les moments où la douleur vous empêche carrément de dormir.

Pendant que vous étiez contraint à l’inactivité, Dante Brogno puis Robert Waseige ne trouvaient pas la solution à gauche : comment analysiez-vous ce problème ?

Je ne me focalisais pas spécialement sur le problème du flanc gauche. Je voyais surtout que Charleroi ne jouait pas mal mais ne parvenait pas à marquer.

Etiez-vous conscient qu’on attendait impatiemment votre retour ?

Attention, je ne suis pas le Messie… Je suis un joueur ordinaire.

On a quand même vu la différence dès que vous êtes entré dans l’équipe !

C’est vrai, mais qui peut dire que l’arrivée de Victor Ikpeba n’a pas été plus prépondérante que mon retour ? Je ne me prends pas la tête.

On vous compare volontiers à Grégory Dufer.

C’est justifié. Nous avons presque le même poids et la même taille, et nous basons notre jeu sur les mêmes qualités : la vivacité, la percussion, la provocation en un contre un, les débordements, les passes décisives. Tous les deux, nous savons aussi nous retrouver en position de marquer. C’est clair, donc, que la comparaison tient la route.

Vous portez le numéro 10 : c’est toujours flatteur pour un transfert !

Je ne l’ai pas choisi. J’aurais même préféré qu’on me donne un autre numéro, parce que le 10 implique automatiquement de grandes attentes et des responsabilités importantes. Le 10 n’a généralement pas le droit à l’erreur…

Qu’avez-vous pensé quand Charleroi a rapatrié Daryuosh Yazdani, en décembre : vous êtes vraiment faits pour jouer à la même place.

J’ai parfaitement compris les dirigeants : à l’époque, ils ne pouvaient encore avoir aucune certitude quant à ma guérison complète. Cela faisait plusieurs mois que j’étais sur la touche et il devenait urgent de résoudre ce fameux problème du flanc gauche.

Ne vous êtes-vous pas senti visé quand Robert Waseige a évoqué les transferts ratés du Sporting ?

Absolument pas. Tout le monde a le droit d’être blessé, quand même ! Mon malheur est de l’avoir été dès mon arrivée.

Comment voyez-vous la lutte pour le maintien ?

Notre match à Heusden-Zolder sera le plus important du deuxième tour. Et il faudra prendre presque tous les points à domicile. Sans cela, l’opération sera très, très compliquée.

L’occasion était belle, contre Beveren, de faire le break !

Ce match-là, nous l’avons perdu une semaine plus tôt, en quittant St-Trond. Le groupe s’est directement enflammé et cette situation a duré pendant toute la semaine. Il y a des moments où l’euphorie ne se contrôle plus. Nous étions persuadés, avant de monter sur le terrain contre Beveren, que c’était gagné d’avance.

Petite Coupe du Monde aux JO de Sydney

Vous avez la double nationalité franco-marocaine : de quel pays vous sentez-vous le plus proche ?

J’ai deux liens très forts avec le Maroc : je suis né là-bas et c’est le pays qui m’a permis de devenir international, en Espoirs. Donc, je m’en sens encore très proche, même si j’ai passé presque toute ma vie en France. Un mois après ma naissance, mes parents se sont installés en France : mon père a été engagé chez Peugeot à Sochaux. Ils avaient réussi à faire la coupure avec le Maroc, mais ce fut plus difficile pour moi. Chaque année, c’était l’enfer quand nos vacances au Maghreb se terminaient. Je n’avais pas du tout envie de rentrer en France. Quand j’avais six ans, mes parents ont craqué : ils ont accepté que je reste dans la famille au Maroc. De six à dix ans, j’ai donc peu vu mes parents. Jusqu’au jour où ma mère n’a plus supporté d’être à des milliers de kilomètres de son fils : j’ai dû rentrer définitivement en France.

Pourquoi avez-vous opté pour le Maroc au niveau du football ?

Parce que je n’ai pas eu le choix… C’est le Maroc qui m’a proposé de jouer en Espoirs, pas la France. J’ai évidemment sauté sur l’occasion. Surtout que c’était quelques semaines avant les Jeux Olympiques de Sydney. Pour moi, c’était une opportunité unique de jouer un grand tournoi. Je considérais que j’avais une chance inouïe parce que je n’avais pas suivi la filière idéale : je n’avais jamais fréquenté de centre de formation et je n’étais devenu pro qu’à 21 ans.

Quel souvenir gardez-vous des JO ?

Ce fut une expérience fantastique sur un plan purement personnel, mais le Maroc n’y a malheureusement fait que de la figuration. En fait, nous étions condamnés dès le départ, à cause de certains choix bizarres de notre coach. Chaque pays pouvait inclure, dans sa sélection, trois joueurs de plus de 23 ans. Mais, chez nous, il y a eu une grave erreur de… casting. Plusieurs de nos stars ne demandaient qu’à participer aux Jeux, notamment Mustapha Hadji et Noureddine Naybet. Mais notre coach a estimé qu’il n’avait pas besoin d’eux. Pendant ce temps-là, le Chili s’offrait le concours d’Ivan Zamorano et l’Espagne préparait le tournoi avec tous des joueurs de la Liga. Ces deux pays étaient dans notre groupe et nous ont évidemment battus. Le Chili est allé jusqu’en demi-finales et l’Espagne carrément en finale. Il est dommage que le Maroc ne se soit pas donné les moyens de rivaliser avec ces adversaires. Mais bon, je préfère ne garder en tête que les grands moments que m’ont offerts ces JO : d’abord des stages préparatoires en Suisse et au Japon, puis les matches à Adélaïde et Melbourne. Nous étions dans le même hôtel que les Espagnols, les Nigérians et les Chiliens : on se serait cru à une petite Coupe du Monde ! Je regrette seulement de n’avoir pas connu l’ambiance du village olympique : il fallait arriver en quarts de finale pour pouvoir y loger.

Ne jamais avoir percé à Lens n’est-il pas un autre regret de votre jeune carrière ?

Certainement. Je suis déjà passé deux fois par Lens. J’en garde une excellente image d’un point de vue humain. Je dois aussi une bonne partie de ma progression à ce club. Malheureusement, il ne m’a jamais permis de découvrir la Ligue 1. Je suis parti à Amiens, en D2, en cours de saison dernière, après avoir compris que Joël Müller ne me ferait jamais jouer. Il m’adressait souvent des compliments, mais ça ne me suffisait évidemment pas : je voulais être dans l’équipe.

Comment avez-vous vécu la dernière CAN, avec votre pays qui est allé jusqu’en finale ?

Avec des sentiments mitigés. Pour nous, c’était évidemment formidable d’aller aussi loin. Mais je n’ai pas pu m’empêcher de penser que, sans ma blessure, j’aurais peut-être fait partie de l’aventure. J’étais convoqué dans la présélection en septembre, mais mes problèmes d’adducteurs m’ont empêché de rejoindre le groupe. Vous savez, dans l’équipe qui a disputé la finale contre la Tunisie, c’étaient tous des potes à moi. Quand je pense que j’aurais pu être avec eux…

Le Maroc serait-il capable d’organiser la Coupe du Monde en 2010 ?

J’y crois à fond. Des grandes puissances comme la France et l’Arabie Saoudite se mobilisent déjà pour nous aider, financièrement et en moyens humains : tout est possible. Jacques Chirac en personne est derrière le projet. J’y crois.

Pierre Danvoye

 » LE CHIRURGIEN DE ZIDANE m’a délivré de mon mal « 

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