» Maes n’avait pas besoin de Perbet et Malki non plus… « 

Pendant que son club remportait sa première Coupe, le jeune et déroutant attaquant rongeait son frein sur le banc. Il revient sur sa soirée, sa saison, sa situation et son drôle de parcours en attendant de briller dans les PO2.

Il en a déjà vécu des choses Benjamin Mokulu Tembe. Faut dire que quand on fait ses premiers pas en D1 à 16 piges, on a déjà l’impression d’être vieux à 22 ans. Le Belgo-Congolais n’en a pas moins l’avenir devant lui. Quoi qu’en pense son entraîneur Peter Maes…

Comment avez-vous vécu cette finale de Coupe au cours de laquelle vous n’êtes même pas monté au jeu ?

Benjamin Mokulu : On a gagné. Ça a rendu la soirée un peu moins frustrante. L’exclusion de De Ceulaer est tombée très tôt dans le match. Mais si je nous avais, pendant quelques instants, pensés mal barrés, je savais aussi que jouer à dix nous réussit plutôt bien. Ça nous est arrivé plusieurs fois cette saison et nous nous en sommes souvent bien sortis. Les Courtraisiens ont eu une bonne période mais à un moment, physiquement, je les ai sentis cuits.

Quand avez-vous compris que vous ne joueriez pas ?

La veille du match. L’entraîneur a dévoilé sa composition d’équipe et j’ai appris que je commencerais sur le banc. Je me suis pris une grosse claque. En même temps, c’est le choix du coach. Je ne peux que m’y plier et la victoire lui donne raison. J’étais titulaire en quarts et en demi-finales. Je me dis que j’ai quelque part contribué à ce succès. Nous parlons peu l’entraîneur et moi. Nous n’entretenons pas de très bons contacts depuis quelques semaines. C’est la dure loi du foot. Tout à coup, tout a changé. Je n’ai rien à me reprocher. Je m’entraîne bien. Je suis toujours à l’heure. Mais je n’ai pas envie de dire n’importe quoi. Des choses qui pourraient me porter préjudice. Tout ce que je peux faire, c’est attendre et jouer du mieux que je peux quand on m’en offre l’occasion. Je ne me sens plus trop à l’aise dans ce club mais j’ai encore deux ans de contrat. On verra comment les événements vont tourner. J’ai eu un pincement au c£ur samedi mais ça ne m’a pas empêché de célébrer la victoire jusqu’à trois heures du matin. Sur le chemin du retour, je ne fêtais pas notre succès comme les autres mais le bonheur de tes potes est aussi le tien. Puis quelques équipiers ont trouvé les mots pour me réconforter.

Fin 2011, vous êtes déjà entré dans l’histoire du football belge. Vous avez égalé le record du but le plus rapide détenu par Peter Odemwingie (NDLR-11 secondes).

C’était en quarts de finale aller de la Coupe. Contre La Gantoise. Je n’ai pas fait grand-chose. C’est De Ceulaer qui a abattu tout le boulot. Moi, j’ai juste eu à pousser le ballon au fond. Si Benji avait marqué lui-même, c’eût été deux secondes plus tôt.

Etes-vous étonné par la saison de Perbet à Mons ?

Pas du tout. Je le connais depuis la D2. Quand je jouais à Ostende, il évoluait à Tubize. Et il m’impressionnait déjà. Il est ensuite arrivé à Lokeren en même temps que moi. C’est un vrai finisseur. Il est toujours au bon endroit. Il sent le but. Il ne rentrait juste pas dans les projets de l’entraîneur. Comme Malki qui a déjà inscrit 21 buts cette saison avec Roda. Je suis content pour eux. Un joueur de foot, ça a besoin de confiance. Elle te permet de découvrir et révéler des qualités que tu ne soupçonnes pas. Ils sont tous deux le signe que la roue peut très vite tourner.

Vous êtes d’ores et déjà qualifiés pour la Coupe d’Europe. Les play-offs n’auront pour Lokeren strictement aucun enjeu.

Ils serviront à préparer la saison prochaine. J’imagine que c’est ainsi que l’entraîneur voit les choses. Il pourra donner du temps de jeu aux jeunes. Leur permettre de faire leurs armes sans la moindre pression. Perso, j’espère jouer le plus de matches possibles pour me mettre en évidence. Je ne suis pas trop pour les play-offs. Ça m’agace un peu mais c’est le règlement… ça peut être à ton avantage mais regarde Anderlecht qui domine la saison régulière et dont tu divises l’avance par deux ! Cela ne me ferait vraiment pas rire.

Vous êtes au final passés tout près de ces play-offs 1…

Nous voulions faire aussi bien que la saison dernière mais nous sommes passés à côté de notre début de championnat. Deux ou trois changements ont un peu perturbé notre système. Nous n’arrivions plus trop à nous comprendre. Le coach a fait ses changements, ses transferts. Ça a un peu chamboulé l’équipe et le calendrier nous a réservé un début de saison corsé avec Anderlecht, le Standard, Bruges… Nous avons aussi enchaîné les nuls en novembre et décembre. Nous pouvions dominer des rencontres entières, nous créer des tas d’occasions, nous encaissions toujours en fin de match. Je vais mettre ça sur le dos de la malchance. Nous avons quand même souvent tapé le poteau, buté sur des gardiens qui sortaient le match de leur vie. Sur un contre, un adversaire tirait avec le tibia et le ballon tombait dans la lucarne.

 » Au moins Vermeersch, il dit la vérité « 

Mais les moments compliqués vous connaissez… Vous avez réalisé vos débuts en D1 au Brussels lors de la saison 2007-2008. L’année où le club culbute en D2…

J’avais 16 ans. J’évoluais en Réserve. Un mec s’est blessé en équipe première. J’ai rejoint le noyau A et j’ai eu l’occasion de disputer quatre ou cinq rencontres de D1. Pour la petite histoire, j’ai inscrit mon premier but au sein de l’élite contre Lokeren et donc face à Copa aujourd’hui devenu mon équipier. Je suis convaincu que tout est allé trop vite. Enfin, ça fait partie de l’apprentissage. J’ai connu très jeune les moments difficiles. Maintenant, je sais ce que c’est. A 16 piges, tu rêves d’autres débuts parmi l’élite. L’ambiance est évidemment plombée. Dans ce genre de circonstances, on cherche toujours des coupables. Et les coupables au fil de la saison, ce sont devenus les jeunes. On a un peu payé les pots cassés. De semaine en semaine, on nous rétrogradait en Réserve. Et ça a fini par être mon tour. On m’a ensuite signifié que le club ne comptait plus sur moi.

Vous êtes alors prêté à l’Union Saint-Gilloise.

L’entraîneur des Réserves m’a signifié que je n’avais plus grande chance de remonter en Première et que j’avais tout intérêt à me faire prêter. Quand j’y réfléchis, avec du recul, j’étais trop gentil sur le terrain. Je n’avais pas de caractère. Comme si je pensais déjà être arrivé alors que je n’étais nulle part. Quand je me vois maintenant jouer, je réalise que je m’y croyais… Comme je le disais, tout est venu trop vite. Je n’ai pas été préparé du tout à ce qu’il m’est arrivé. Je n’ai pas eu le moindre conseil. Les cadres comme Christ Bruno et Alan Haydock marchaient un peu sur les jeunes à l’époque.

Cartier était très dur avec nous mais maintenant, je reconnais que c’était un type de comportement approprié. On n’a pas eu le droit à des séances punitives en forêt ou ce genre de choses. Il était encore gentil en ce temps-là… ( rires) Mais il avait une mentalité à la française. Avec lui, les jeunes ne pouvaient jamais se retrouver derrière Haydock ou Bruno lors des tests physiques. On devait toujours les dépasser sinon on n’avait aucune chance de jouer. On devait toujours porter le matériel. Afficher beaucoup de respect envers les anciens.

Ça a été facile pour vous de redescendre en D2 ? Ce à quoi beaucoup de jeunes de l’élite rechignent à faire, quitte à s’enterrer.

Ça ne m’a pas ébranlé. J’allais encore à l’école, à Bruxelles. Ça ne me dérangeait pas le moins du monde. Ce qui par contre m’a plus turlupiné, c’est que dans un premier temps je n’étais pas titulaire. Je me suis donc posé des questions. Puis, je me suis mis à claquer des buts. Six, je pense, en neuf matches. Retour au Brussels après 6 mois où j’apprends qu’on ne compte plus sur moi. Vermeersch est un fameux personnage. On va dire que c’est un businessman. Il a un peu de mal à communiquer. Je peux comprendre qu’il veuille faire des affaires. Ce que j’aime avec lui, c’est que quand il pense quelque chose, il te le dit dans les yeux. Alors que d’autres ne te répondent plus au téléphone. Je préfère un homme qui me dit les choses en face même si elles ne me font pas plaisir qu’un homme qui se cache. Enfin bref, je voulais au moins évoluer en D2 et j’ai pris la direction d’Ostende. J’y suis resté un an et demi. Huit buts la première année. Mais onze en quinze matches au début de la suivante. La D2 a été dans mon cas une très bonne école. Beaucoup de jeunes en ont peur. Refusent d’y descendre. Je trouve que c’est une bonne expérience mais il faut être sûr de soi. Conscient de son potentiel. Convaincu de pouvoir remonter. C’est assez dur dans les duels. Ça joue moins au football. Mais ça m’a appris à m’imposer physiquement. « 

Pourquoi avoir ensuite choisi Lokeren ?

J’avais aussi la possibilité de signer à Saint-Trond et à Gand. Les deux présidents sont d’ailleurs encore un peu fâchés sur moi. Je ne leur ai pas dit non. Mais je ne leur ai pas dit oui non plus. Je voulais réfléchir. Eviter de me précipiter. J’ai parlé avec mon manager et surtout mon père qui prend beaucoup de décisions avec moi. Quand mon père me donne le feu vert, j’y vais les yeux fermés… Le Standard était intéressé aussi. Il voulait que je reste à Ostende et que je signe à Liège à la fin de la saison, une fois que j’aurais été libre. Ça n’arrangeait pas plus Ostende que moi. Je voulais vraiment partir. Quitte à ne pas jouer pendant six mois. Mais au moins m’entraîner avec des joueurs de D1 pour prendre le rythme. Lokeren avait un très bon projet sportif. Beaucoup de Slaves évoluaient à Daknam de ce temps-là. Et les dirigeants m’ont signifié que beaucoup partiraient et que si l’équipe se maintenait, j’aurais beaucoup de chances de m’exprimer et même d’être titulaire. Jouer rapidement dans une équipe solide de D1, ça m’intéressait. Encore aujourd’hui, je pense que j’ai fait le meilleur choix. A Gand, il y avait déjà six attaquants. Je n’aurais pas été prioritaire en venant de D2. A Lokeren, dès que nous avons été sauvés, ils ont aligné les jeunes et ça a plutôt bien marché. Ça a permis à des mecs comme Tshimanga, De Bock et moi d’éclore. Bloqué par Copa et Lazic, Stéphane Delose a eu moins de chance. Enfin bon, de manière générale, on nous a mis dans de super conditions. « 

Quels sont vos plus grandes qualités et vos plus gros défauts ?

Mon principal atout, c’est ma protection de balle. Et malgré ma taille, ma corpulence, je pense que je suis assez rapide. J’ai pris du poids, de la musculature. Je cours un peu moins vite mais je peux toujours laisser un adversaire derrière moi. J’ai par contre parfois l’impression de manquer de concentration devant le but. Je pense que je pourrais déjà être à dix ou onze réalisations cette saison. Et avec un peu de chance, j’en aurais sans doute trois de plus au compteur. Je suis déjà à quatre ou cinq poteaux cette année. Ça ne veut pas. Je répète à chaque fin de séance. Je réceptionne des centres et encore des centres. Faut bosser. Le foot, je l’ai appris dans un parc à côté de la Gare du Nord. Dès qu’il y avait un rayon de soleil, on allait jouer. Même quand il pleuvait d’ailleurs. Avec Vincent Kompany. Le grand frère. Et mon pote, son frangin, François. On s’est rencontré là. C’est bizarre hein mais on crée beaucoup de liens avec un ballon… Il a la poisse François avec les blessures et on attend beaucoup de lui parce que c’est un Kompany. Je pense qu’il va y arriver un jour. Il ne va pas lâcher l’affaire. Il a du caractère. Il y avait aussi Andrea Mutombo, Geoffrey Mujangi Bia et Arnaud Sutchuin qui joue aujourd’hui à Roda. Quand j’étais gosse, on me surnommait Okocha.

 » Lokeren ne dit pas si le Standard a appelé « 

Vos parents vous ont encouragé ?

Je viens d’une famille africaine recomposée. En tout, on est 19. Treize garçons et six filles. Je suis le seul que mon père a laissé faire carrière dans le football. Pour lui qui venait du pays, on était en Belgique pour avoir une bonne éducation, un diplôme. Il ne fallait pas lui parler de foot. Avec le temps, il est ici depuis quarante ans maintenant, il s’est assoupli. Mes frangins lui en veulent un peu. Genre – Pourquoi lui mais pas nous ? Je pense que l’un ou l’autre d’entre eux aurait pu faire quelque chose. Si je ne m’étais pas épanoui dans le football, je ne sais pas ce que j’aurais pris comme direction. J’aurais terminé mes secondaires et je me serais mis à bosser. Je n’étais pas fait pour les études. Et j’ai faim d’argent. Je ne sais pas rester sans. Ma mère est assez âgée. Elle ne travaillait déjà plus quand j’ai signé mon premier contrat pro. On ne roulait pas sur l’or.  »

On parlait encore récemment de vous à Sclessin. A partir de quand estimeriez-vous votre carrière réussie ?

Fin de saison dernière, je n’attendais pas un transfert spécialement mais quand tu es jeune, tu veux avancer, progresser et sans dénigrer Lokeren regarder plus haut. Le Standard a-t-il appelé ? Je n’en sais rien. Les dirigeants de Lokeren ne veulent pas en parler. Et perso, je laisse mon manager gérer. Sinon, c’est le genre de trucs qui me perturbent et m’empêchent de me concentrer. Quand je veux quelque chose, il faut que je l’aie. Sinon, on m’entend. Le Standard, ce serait un grand pas en avant dans ma carrière. En plus, ce serait mon premier club francophone. Néanmoins, en Belgique, le maillot qui me fait rêver, c’est celui d’Anderlecht. C’est un club que j’aime beaucoup et puis c’est à Bruxelles. Mais ce qui m’attire par-dessus tout, c’est la Premier League. Je serais content de moi si je parvenais à m’installer dans n’importe quelle équipe de l’élite anglaise. C’est le championnat qui me fait rêver. Il est physique et j’aime aller au contact. A 14 ans, j’ai passé des tests à Birmingham et à Aston Villa. Rien que les complexes étaient bluffants. Les réactions étaient positives à Birmingham mais je n’ai pas accepté. C’était une erreur. J’étais trop attaché à la Belgique. Ça m’a fait peur. J’aurais habité dans une famille que je ne connaissais pas et ça m’a vraiment effrayé. Connaissant mes qualités, si j’avais suivi ma formation là-bas, je ne serais pas à Lokeren aujourd’hui.

Qui sont selon vous les meilleurs défenseurs de notre championnat ?

Le meilleur, c’est Juhasz. Il est très difficile à passer et forme une belle paire avec Kouyaté. Juhasz est intelligent, malin. Faut pas te jeter les yeux fermés sur un type pareil. En plus physiquement, il est solide. Faut ruser. Malgré tout, parfois, quand je vois ce qui joue dans les grands clubs belges et que je compare avec mon équipier Jérémy Taravel, je ne comprends pas. Il est trop fort. Je le vois tous les jours à l’entraînement. Il n’a que 24 ans. Je ne m’explique pas sa situation mais je suis convaincu qu’il évoluera plus haut.

Quelles sont vos idoles ?

J’aime beaucoup Didier Drogba et Zlatan Ibrahimovic. Ils sont des exemples pour moi. Mais celui dont je suis le plus grand fan, c’est Ronaldo. Pas Cristiano. L’autre. Il avait tout. Un vrai phénomène. Parfois encore, avant mes matches, je regarde ses buts pour m’inspirer. Je regarde ses gestes et je me dis : faut que je réussisse un truc comme ça ce soir moi aussi.

Peut-on espérer vous voir un jour sous le maillot des Diables ?

Je n’ai encore rien décidé. Tout le monde croit que j’ai opté pour le Congo. Mais je n’ai fait que disputer un match amical contre le Gabon à Paris avec la sélection fin de saison dernière. Ça a été une chouette expérience. Très sympa. Ambiance à l’africaine. L’entraîneur veut constituer un noyau pour la prochaine Coupe d’Afrique. C’est un beau projet mais on verra où j’en serai quand il s’agira de décider une fois pour toutes. Je me laisse un an ou deux. Sportivement, j’ai plus de chance de jouer avec le Congo. Avec les Diables, je devrais probablement au mieux me contenter d’une place sur le banc. Il y a du monde. La concurrence est rude. Mais tout reste possible. Je ne sais pas où m’amènera ma carrière. J’ai défendu les couleurs de la Belgique en équipes d’âge. Je n’ai par contre jamais mis un pied au Congo. Ce sera peut-être pour les vacances prochaines.

PAR JULIEN BROQUET

 » J’ai pris une grosse claque mais fait la fête : le bonheur de tes potes est aussi le tien.  »  » Au Brussels, les cadres comme Bruno et Haydock marchaient un peu sur les jeunes. « 

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