Chaque fois qu’un Norvégien débarque, il y a comme un courant d’air frais…

On nous a décrit Rune Lange (23 ans) comme une bête de rectangle, un tigre des seize mètres ou un tueur au sang-froid. Ce n’est ni un sprinter, ni un technicien, ni un spécialiste du jeu de tête. Et à côté de Koller, sa pointure 47 lui donne l’air d’avoir de petits pieds. Mais il est fort physiquement et mentalement. Intelligent, aussi. Pas spectaculaire, donc, mais efficace. C’est ce qu’on dit de lui.

Et bien qu’il n’ait pas joué depuis quatre mois, tout Bruges espère qu’il fera la différence dans la course au titre.

Vous avez été meilleur buteur de Fleya, Tromsdalen et Tromsö. A quoi est-ce dû?

Je ne sais pas. J’ai dû apprendre cela tout petit mais c’est sans doute en partie inné.

En octobre 96, Tromsö a remporté la Coupe de Norvège en battant Bodo Glimt, l’équipe de Trond Sollied, par deux buts à un.

Oui mais je ne suis arrivé qu’en juillet 97. Cependant, j’étais dans la tribune.

Trond Sollied était-il un bon perdant?

Pas sûr ( il sourit). C’était son dernier match avant son départ pour Rosenborg. Cette victoire faisait mon affaire car elle me permettait de jouer la Coupe d’Europe en arrivant. Nous avions éliminé Zagreb et j’avais inscrit le but de la qualification aux prolongations. Nous ne sommes tombés qu’en 1/4 finale contre Chelsea, qui allait remporter l’épreuve.

Connaissiez-vous personnellement Trond Sollied?

Pas vraiment. Lorsque j’avais 17 ans, j’avais fait un stage de deux ou trois jours à Bodo Glimt, avec une sélection régionale. Juste avant que je ne signe à Tromsö, Rosenborg s’est intéressé à moi et je crois que c’est lui qui m’avait téléphoné pour que je passe un test d’une semaine mais je voulais rester dans ma ville et puis, je ne fais jamais forte impression lors des tests car je suis un joueur collectif et il me faut un temps d’adaptation.

En novembre 98, Coventry avait proposé 200 millions à Tromsö pour vos services mais vous avez refusé. Pourquoi?

J’ai assisté au match contre Everton et j’ai discuté avec le président ainsi qu’avec Gordan Strachan mais mon manager et moi n’étions pas d’accord sur le contrat. De plus, je n’avais que 21 ans, je n’avais qu’une saison de D1 derrière moi et je me disais qu’il était trop tôt pour quitter la Norvège. Coventry luttait pour son maintien et voulait m’engager pour cinq ans et demi. Je n’étais pas sûr qu’il s’agisse d’une bonne décision.

Depuis, on n’a cessé de parler de vous.

On m’a cité à Leeds, Arsenal, West Ham, Derby, Middlesbrough, Dortmund et Bordeaux. J’ai souvent été visionné et mes managers ont beaucoup discuté mais Tromsö se montrait chaque fois trop gourmand. Pourtant, je n’avais jamais été international A.

Vous disiez ne pas être prêt pour Coventry mais, deux ans plus tard, vous partiez à Trabzonspor. Pour l’argent?

Oui. J’étais meilleur buteur de Norvège et je m’estimais prêt pour l’aventure. C’était également un nouveau défi car, à Tromsö, j’avais fait le tour. De plus, Trabzonspor était un des quatre grands clubs turcs.

Pourquoi avez-vous snobé Rosenborg, qui disputait la Ligue des Champions et avec lequel Tromsö était tombé d’accord?

En championnat, j’aurais rencontré les mêmes équipes. J’admets que je n’étais jamais allé en Turquie et que je ne savais rien du football de ce pays, hormis que Galatasaray avait remporté la Coupe de l’UEFA mais j’avais envie d’essayer. Je savais que le football y était différent, plus individuel, ce qui ne me convenait guère mais je me disais que cela me rendrait peut-être plus complet.

Les fans de Trabzonspor passent pour les plus dangereux de Turquie. Même la police a peur d’eux.

(il rit) Les gens sont fanatiques. Je pourrais vous raconter des tas d’histoires mais je n’ai pas à me plaindre. La semaine avant que je vienne à Bruges, mes voisins m’ont amené à souper parce qu’ils savaient que j’étais malade. A l’aéroport, j’ai dû parler pendant une heure et demi avec le personnel de sécurité qui m’a souhaité bonne chance.

On vous avait présenté comme le transfert le plus cher de l’histoire de Trabzonspor et le meilleur attaquant ayant jamais évolué en Turquie. Comment avez-vous été accueilli?

(Il rit). Pour aller discuter mon contrat à Antalya, je devais changer d’avion à Istanbul. Sur le tarmac, des tas de gens m’attendaient déjà. Je me suis demandé ce qu’il se passait car Istanbul est à 1.200 km de Trabzon.

Selon les médias turcs, c’est Urbain Braems qui vous a conseillé à Bruges mais il dément.

La presse turc raconte parfois n’importe quoi. D’ailleurs, Bulak nous interdisait de parler aux journalistes. Pourtant, nous lisions chaque jour des interviews de nous.

Vous n’avez inscrit qu’un but au cours des cinq premiers matches de championnat et vous avez perdu votre place.

Au début, j’ai dû m’habituer à la chaleur. Au moindre mouvement, je transpirais et je dormais difficilement. Même les Turcs se plaignent de la chaleur. Alors, un Norvégien… De plus, je communiquais difficilement car la plupart de mes équipiers parlaient uniquement le turc et nous jouions l’individuelle sur tout le terrain. Après six matches sur le banc, j’ai commencé à mieux jouer et j’ai inscrit sept buts en douze matches, ce qui n’est pas si mal.

Le 31 décembre, le président a dû céder sa place. L’entraîneur a démissionné le lendemain et vous êtes parti.

On n’avait pas respecté mon contrat. Il était écrit que si je n’étais pas payé dans les 45 jours, j’étais libre. En janvier, j’attendais depuis plus de 120 jours. J’allais aux nouvelles deux à trois fois par semaine et on me disait chaque fois: tomorrow. Sans parler du reste: on m’avait donné une voiture tellement vieille que, quand il pleuvait, je devais conduire la tête dehors pour ne pas risquer l’accident.

A Trabzonspor, on dit que vous avez coûté 14 millions de DM mais à Tromsö, on parle de 8,75 millions de DM. Manifestement, ce transfert vous a rapporté.

Ne croyez pas que c’est moi qui ai empoché la différence. Les médias turcs disent que de l’argent s’est perdu chez les dirigeants, les managers et peut-être l’entraîneur. Ma prime à la signature n’était pas forte. J’ai même laissé à Tromsö les 10% auxquels j’avais droit.

Un tribunal norvégien vous a rendu votre liberté mais la FIFA attend le jugement en appel avant de se prononcer définitivement. Pensez-vous que Bruges ne devra rien verser à Trabzonspor?

Oui car c’est écrit dans mon contrat. Si la FIFA décide autre chose, c’est qu’elle ne respecte pas la valeur d’un contrat.

Retournerez-vous un jour en Turquie?

Oui… en vacances. Et pas à Trabzon mais à Antalya ou Istanbul.

Vous plaisez-vous à Bruges?

C’est une belle ville, un bon club. C’est bien de pouvoir jouer chaque année pour un trophée. En principe, il me faut un peu de temps pour m’adapter et je ne serai vraiment rentable que la saison prochaine. Entre-temps, je ferai de mon mieux. Je suis content que la lutte pour le titre soit aussi serrée. L’équipe est solide, compte beaucoup de bons joueurs, la rivalité est saine et l’ambiance, excellente. J’aime le football développé par Bruges: offensif, en 4-3-3, avec beaucoup de mouvement, de la profondeur, des ailiers et des centres.

Connaissez-vous Anderlecht?

Oui car Ole-Martin Aarst fut mon équipier à Tromsö et Anderlecht m’avait visionné en même temps que lui. J’avais parlé avec Paul Courant.

Pour votre premier match, à Beveren, vous étiez à peine sur le terrain que vous vous êtes déjà retrouvé nez contre nez avec Fouhami. Pourquoi?

Il a essayé de me marcher dessus lorsque j’étais à terre. Mais après le match, nous nous sommes serré la main. Je suis fair play et je n’aime pas les coups chinois. Celui qui n’est pas sportif peut s’attendre à une réplique mais je n’ai jamais été exclu.

De quoi rêvez-vous? Du championnat d’Angleterre? De l’équipe nationale?

Non. Je serais très heureux de porter le maillot de la Norvège mais ce n’est pas une fin en soi. Notre équipe ne joue pas bien: c’est trop défensif. Le plus important, c’est de s’amuser sur le terrain et en dehors.

Sollied estime qu’un attaquant de Bruges doit inscrire au moins 20 buts par an? Est-ce difficile?

Quand on joue 34 matches dans un club pareil, c’est un minimum. Mais l’important, c’est que l’équipe marque. Si un attaquant n’inscrit que 15 buts mais que nous sommes champions, Trond sera content.

Etes-vous déjà sorti avec Sollied et Aarst?

Avec Tromsö, nous sommes venus deux années de suite en stage à Gand. Je connais donc un peu le pays. Après le match, les Norvégiens ont l’habitude de sortir et je crois que c’est pareil en Belgique.

Pendant le carnaval, Trond Sollied a été aperçu à Alost déguisé en Elvis Presley.

C’est vrai?

Malheureusement, nous n’avons pas de photos mais il y a des témoins.

Même si j’aime bien sa musique, Elvis, c’est pas vraiment mon style. Je préfère Pink Floyd, Aerosmith, Bon Jovi ou U2. J’aime bien aussi Lenny Kravitz et Madonna. Au carnaval, j’adopterai son look (il rit).

Christian Vandenabeele

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