Made in Italy

Si c’est non pour le Tour de France qu’il a gagné sept fois, c’est oui pour le Giro… qu’il n’a jamais couru.

Austin, Texas. Entourée de murs de protection qui empêchent d’en voir l’intérieur, la villa de Lance Armstrong est isolée sur une colline. Fin d’un après-midi ensoleillé et humide. Lance est en short et chemise, pieds nus. Il nous oblige à tomber la veste, parce que, comme il le dit :  » Le Texas ce n’est pas comme Paris, Milan ou New York : ici, la forme ne compte pas. « 

Quand avez-vous décidé de courir le Giro 2009 ?

Lance Armstrong : Pendant la deuxième semaine d’octobre mais l’idée me trottait en tête depuis pas mal de temps. C’était un des regrets de ma carrière. Mais j’aime la routine : comme j’ai gagné la première fois le Tour de France sans avoir participé au Giro, je n’ai pas voulu modifier un programme rodé. La situation actuelle est différente. Je comblerai cette lacune pour le centenaire du Giro et je retournerai en Italie où j’ai vécu près de cinq ans et où j’ai de nombreux amis. Et puis, il est possible de sensibiliser encore plus votre pays sur la lutte contre le cancer.

Vous viendrez pour gagner ou pour préparer le Tour ?

Je n’ai aucune expérience de la course. L’autre jour, je me suis entraîné avec Axel Merckx et lui ai posé un tas de questions. Je suis excité : j’irai sûrement pour tenter de gagner. Parce qu’il est fort possible que le Giro soit l’unique course de trois semaines que je puisse encore remporter. A l’heure actuelle, des doutes existent sur ma participation au Tour. Tout le monde connaît son importance mais avec les problèmes que j’ai avec les organisateurs, les journalistes et les supporters, je risque de me détourner de ma mission première : focaliser l’attention sur la bataille contre le cancer.

Vous pourriez donc ne pas aller au Tour ?

J’espère qu’une solution diplomatique et pacifique sera trouvée. Je veux être à Paris mais dans un état de complète sérénité.

 » L’agence mondiale antidoping est déjà venue me contrôler « 

Revenir à la compétition après avoir mis un terme à sa carrière est un choix que de nombreux champions ont effectué. Dans votre cas, comment vous est venue cette envie ?

Je suis toujours en mesure de me montrer compétitif et suis plus efficace dans la lutte contre le cancer sur un vélo. En juillet, j’ai suivi le Tour à la TV et l’envie d’y prendre part m’est revenue. La décision définitive je l’ai prise en août, le jour où j’ai terminé deuxième d’une course de moutainbike dans le Colorado.

Pourquoi avoir arrêté il y a trois ans ?

Parce que je voulais passer plus de temps avec mes enfants et suivre plus attentivement l’évolution de la fondation LifeStrong. Avant de prendre cette décision, j’ai demandé à ma famille ce qu’elle en pensait. Si Kristin, mon ex-épouse, et mes enfants y avaient posé leur véto, j’aurais renoncé à l’idée.

Certaines personnes prétendent que Don Catlin, le contrôleur appelé à garantir votre transparence sur le plan du doping, ne pourra pas être totalement indépendant puisque c’est vous qui le payez…

C’est le team qui paiera, pas moi. Catlin ne peut quand même pas travailler gratuitement. C’est une autorité dans le monde du dopage et sa réputation ne se discute pas. Et puis, je serai également contrôlé par les agences américaines et mondiale antidoping, l’UCI, le CIO, le comité olympique américain. Je serai à la disposition de tous, à n’importe quel moment. D’ailleurs, l’AMA est venue ici il y a dix jours. Les résultats seront rendus publics via internet.

Cette pleine transparence suffira-t-elle ?

Si je suis contrôlé chaque sainte journée, cela devient difficile de tricher. Et si contre le chrono, je marche aussi fort qu’avant et qu’en montagne, je roule au même rythme qu’il y a trois ans, vous ne croyez pas qu’il serait temps que l’on mette fin à la discussion ? Enfin, il y aura toujours quelqu’un pour dire : -Ok, en 2009 Lance était clean mais dans le passé ?

Vous avez récemment déclaré que  » le cyclisme ne devrait pas se pleurer dessus, punissons les coupables et repartons de l’avant « . Ce n’est pas facile de se montrer confiant après tant de cas de dopage illustres.

C’est vrai que la confiance a disparu entre les coureurs, managers, organisateurs, journalistes, sponsors et supporters. Mais nous sommes beaucoup plus contrôlés que dans d’autres sports. Il est donc plus facile de dénombrer plus de cas positifs. J’aimerais qu’il y ait autant de contrôles dans les autres disciplines. Vous croyez que les footballeurs accepteraient de se faire contrôler comme nous ?

Un ami de Bush qui parle comme un fan d’Obama

Citons un nom : Ivan Basso.

La première fois que je l’ai rencontré c’était en 1993 à Côme : il était très jeune, il était Junior. Nous avons toujours essayé de l’attirer dans notre équipe. Nous sommes devenus des amis en 2004 en raison de la maladie de sa mère,… qui n’y a pas échappé. Il est venu à la Discovery Channel en 2007 mais il ne nous avait rien dit de l’Opération Puerto et, du coup, nous avons donné l’impression d’être des idiots. Aujourd’hui, il a admis ses fautes, a payé et il me semble que le moment est venu de lui permettre de courir et de le laisser en paix. Je le verrai au Japon et je le mettrai parmi mes favoris du Giro.

Marco Pantani ?

Un personnage tragique, bien plus qu’un simple coureur : en Italie c’est une sorte d’icône. Un style de vie erroné, toujours entouré de gens sales. Je n’étais pas d’accord avec lui. Notre relation était tempétueuse. Nous avons plusieurs fois tenté de renouer le dialogue mais n’y sommes jamais parvenus. Un homme seul, qui a connu une fin terrible.

Vous êtes préoccupé par la crise mondiale ?

Oui. Nous devons trouver de nouvelles formes d’énergie. Nous ne pouvons pas nous permettre encore huit ans du même genre. L’économie est par terre, l’image des Etats-Unis écornée, nous sommes mêlés dans une guerre, qui nous a coûté des milliards de dollars. Je parle de l’Irak parce que j’estime que celle en Afghanistan est juste. Bref, nous devons changer.

Vous êtes un ami de Bush mais vous parlez comme un fan d’Obama.

Je n’ai jamais dit que j’étais démocrate. J’aime bien Barack Obama… mais aussi John McCain. George Bush je le connais depuis l’époque où il était gouverneur du Texas. Je le trouve sympathique mais je ne suis pas d’accord avec pas mal de ses choix.

Est-il vrai que vous briguez le siège de gouverneur du Texas ?

Peut-être en 2014. C’est une chose que j’ai en tête. Mais c’est un travail dur qui nécessite autant de sacrifices que le métier de sportif. Dans ce cas-ci aussi, l’avis de ma famille sera déterminant.

Un jour vous avez déclaré que votre plus grande erreur était d’avoir signé pour une équipe française, Cofidis ?

Je l’ai dit en rigolant bien qu’elle n’ait pas été correcte à mon égard. Alors qu’on venait de diagnostiquer la tumeur, que je commençais à peine le traitement et que je souffrais, Cofidis n’a rien trouvé de mieux que de casser mon contrat. Cela ne me semble pas être un beau geste.

par massimo lopes-pegna (esm) – photo: reporters

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