« Ma revanche sera terrible »

Privé de stage par mesure disciplinaire, l’attaquant burkinabé jure de casser la baraque au deuxième tour.

Tandis que ses coéquipiers meublaient la trêve hivernale à Belek, sur la riviera turque, Moumouni Dagano en était réduit à s’entraîner avec le noyau B du RC Genk, resté en Belgique. Le coach des Limbourgeois, Sef Vergoossen, n’avait guère apprécié que son puncheur africain ait loupé un rendez-vous avec l’un des kinés du club, alors qu’il y avait déjà eu maldonne avec le même joueur, quelques fois, dans le passé déjà. Pour le Hollandais, c’était la goutte d’eau qui faisait déborder le vase et, en guise de punition, Moumou fut forcé de faire l’impasse sur le voyage en Asie.

Moumouni Dagano: Tout repose sur un malentendu. Le dimanche 5 janvier, je devais me présenter aux soins au domicile même du kiné. Comme celui-ci n’habite qu’à trois minutes de mon domicile, je lui avais dit que je l’avertirais, par téléphone, de l’heure à laquelle je comptais passer chez lui. Au moment où j’ai voulu le contacter, il n’y avait personne à la maison. J’ai encore essayé de nouer le contact, un peu plus tard, puis j’ai laissé tomber, croyant que j’avais sans doute mal compris l’arrangement qui avait été prévu. En vérité, j’aurais mieux fait d’insister. Cela m’aurait évité tous les désagréments que j’ai vécus après coup.

Aux dires de l’entraîneur, ce n’est pas la première fois que vous loupiez un rendez-vous ou que vous vous présentiez en retard à une séance de préparation.

C’est vrai, mais ma responsabilité n’était jamais complètement engagée dans ces cas. De fait, comme je ne possède toujours pas de permis de conduire, je suis tributaire des autres pour venir au stade. Tantôt je fais la route avec Justice Wamfor, tantôt encore c’est Didier Zokora qui me véhicule. Si je ne suis pas à l’heure, dans ces conditions, eux ne le sont pas davantage. Malgré quoi, les remarques s’adressent toujours à moi. Enfin, presque toujours. Car MaestroNDLA: Didier Zokora- en a pris pour son grade aussi, cette saison. Mais chez lui, c’était essentiellement pour son manque de discipline sur le terrain. Nuance.

Pour des raisons diverses, d’autres joueurs ont également subi les foudres du staff technique ces derniers mois: Akram Roumani, Jan Moons et même Wesley Sonck entre autres. Le Racing ne s’assimile vraiment plus au long fleuve tranquille qu’il était encore la saison passée.

Il y a eu pas mal de remous depuis le début de cette campagne, c’est l’évidence même. Le club éprouve manifestement des difficultés à faire l’apprentissage du succès. L’année dernière, l’équipe a réussi au-delà des espérances. Personne, dans ces conditions, n’y trouvait à redire même si, à l’époque déjà, il y avait eu l’un ou l’autre manquement à la discipline collective de temps en temps. A présent que les résultats ne correspondent pas complètement à l’attente, les mêmes faits posent subitement problème ou sont amplifiés exagérément. D’accord, il m’arrive de sortir le soir pour m’amuser ou me changer les idées. Mais ni plus ni moins que l’année passée. »Je n’ai pas la grosse tête »

Le jour où vous auriez dû vous présenter chez le kiné, vous étiez, semble-t-il, rentré aux petites heures chez vous. Une habitude dont vous seriez coutumier.

Ou bien j’ai un sosie à Genk, ou bien les gens ont l’imagination fertile. C’est fou, en tout cas, le nombre de fois qu’on m’a déjà signalé en ville alors qu’au même moment, j’étais peinard dans mon lit.

D’après le président, Jos Vaessen, vous faites de mauvaises fréquentations qui sont de nature à expliquer votre premier tour en demi-teinte.

Mon cercle de connaissances est exactement le même qu’il y a un an. S’ils m’entraînent sur la mauvaise pente, pourquoi ne m’a-t-on pas fait la remarque voici douze mois, vu que mon comportement et ma manière de vivre n’ont pas changé? Je ne pense pas, non plus, avoir attrapé la grosse tête entre-temps. Le seul reproche qu’on puisse me faire, c’est peut-être d’être trop gentil et de me multiplier à gauche et à droite pour faire plaisir à tout le monde. Mon problème, c’est que je ne sais pas facilement dire non. Je suis prêt à tout pour rendre service. En agissant de la sorte, j’empiète peut-être sur des plages de repos qui me seraient nécessaires. Si je manque de fraîcheur, ce n’est pas parce que ma vie nocturne est trop agitée mais parce que mon emploi du temps est trop chargé. L’année passée, il n’y paraissait pas. Cette saison, compte tenu de notre implication sur trois tableaux, j’ai ressenti cette fatigue. Au même titre que la plupart de mes partenaires d’ailleurs. Vu l’étroitesse du noyau, il était impossible de courir trois lièvres à la fois. A présent que nous ne sommes plus concernés ni par la Ligue des Champions ni par la Coupe de Belgique, je m’attends à un redressement spectaculaire en championnat. Et je veux y contribuer par des prestations éclatantes. Ma revanche sera terrible.

Six buts et deux assists, à mi-championnat, c’est maigre par rapport à Wesley Sonck qui, lui, a continué sur sa lancée de 2001-2002 en inscrivant 15 goals et en délivrant quatre assists dans le même temps. Pourquoi êtes-vous rentré dans le rang et lui non?

Wes réagit plus sereinement face aux événements. En début de saison, il n’était pas plus inspiré que moi. Mais il a eu la chance de gagner en confiance grâce à quelques performances de la meilleure veine en Ligue des Champions. Personnellement, cette compétition m’a anéanti. J’étais tellement obnubilé par le désir de bien faire que je suis passé à côté de mon sujet. La multiplication des matches et les piètres résultats ont eu pour effet de me lessiver physiquement et mentalement. Si j’avais pu bénéficier d’un tout petit coup de pouce, dans cette période, il n’est pas interdit de penser que je me serais pleinement ressaisi, comme ce fut le cas pour mon compère à l’attaque. En lieu et place, j’ai touché le fond en loupant l’immanquable face à l’AS Rome alors que je n’avais plus qu’à pousser le ballon au fond des filets. Cette phase-là m’a poursuivi pendant des semaines. Au moment où j’avais enfin évacué ce souvenir fâcheux, une autre mauvaise surprise m’attendait sous la forme d’une malaria. Du coup, je pouvais faire une croix sur le premier tour. Dans le même temps, Wes, lui, fut plus heureux en trouvant enfin le chemin des filets en Ligue des Champions à Athènes. Dès ce moment, il a définitivement pris son envol. « J’ai encore tout à prouver »

Sa réaction envers vous ne fut pas des plus tendres au moment où vous vous êtes emmêlé les pinceaux au stade olympique romain. Pour quelqu’un de fragile, comme vous, sur le plan psychologique, la cohabitation avec Wesley Sonck est-elle toujours facile?

Il y a des moments où il pousse effectivement le bouchon trop loin. Certains éprouvent des difficultés à encaisser ses remarques et moi-même, je le rappelle à l’ordre lorsqu’il exagère vraiment. Mais la plupart du temps, je lui pardonne car si Wes est exigeant avec les autres, il l’est aussi, en tout premier lieu, avec lui. Dans pas mal de domaines, il constitue l’exemple à suivre pour moi. Et c’est sûr qu’il me manquera lorsque l’heure sera venue de nous séparer. Je présume qu’il en sera ainsi en fin de saison car il a fait le tour de la situation à Genk, manifestement. Soulier d’Or, Footballeur Pro de l’Année, meilleur buteur du championnat et révélation en Ligue des Champions, il n’a plus grand-chose à gagner en jurant fidélité au Racing. Moi, en revanche, j’ai encore tout à prouver: hormis un titre de champion et le Soulier d’Ebène, mon palmarès n’est pas très fourni. Voici quelques mois, j’étais déçu en apprenant que des touches avec Lens et Marseille ne s’étaient pas concrétisées. Finalement, il est heureux qu’il n’en soit pas allé ainsi. Car la Coupe d’Europe a démontré que je ne suis pas encore prêt à m’illustrer à un échelon supérieur. Il faut d’abord que je confirme à Genk et je vais m’y atteler dès le deuxième tour.

Vous n’aurez pas bénéficié de la même préparation que vos coéquipiers en raison de votre maintien en Belgique. N’en auriez-vous pas eu besoin, d’autant plus que vous avez longuement souffert des séquelles de la malaria?

Idéalement, j’aurais dû être logé à la même enseigne que les autres. Il y avait d’autres manières de me punir, comme une amende par exemple. Je sais que tout le monde n’a pas apprécié la sanction qui m’a été infligée. Comme le président Jos Vaessen, entre autres. Quoi qu’il en soit, je n’ai pas perdu mon temps pendant que mes partenaires étaient en Turquie. Journellement, j’ai fait du fitness et de la musculation à titre individuel, tandis qu’en soirée j’ai participé aux entraînements du noyau B. Je suis complètement requinqué et prêt à frapper un grand coup au deuxième tour. Je ne devrais peut-être pas le dire tout faut, mais j’ai le sentiment que 2003 sera mon année. Je veux mettre tout en oeuvre, en tout cas, pour décrocher une nouvelle qualification européenne avec Genk et je n’ai pas encore dit mon dernier mot non plus dans la lutte pour le Soulier d’Ebène. Pour le moment, j’ai conscience que des garçons comme Désiré Mbonabucya et Aruna Dindane ont davantage marqué les imaginations que moi depuis le début de la compétition. Mais je vais me rattraper. Et me racheter une conduite aussi. D’ailleurs, je l’ai dit aux dirigeants: désormais, je serai toujours au lit à 23 heures. Sauf les soirs de match, car il faut quand même que je prenne ma douche et que je réponde aux questions des journalistes (il rit)

Bruno Govers

« La Ligue des Champions m’a anéanti »

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