« Ma recette du bonheur »

Le sprinter liégeois estime que son club peut gagner le Clasico et le titre. Mais il se méfie des Mauves… et toujours de Bruges !

Il file sur le flanc droit du Standard comme un mustang. Quand Wilfried Dalmat déboule, personne n’est capable de le prendre au lasso. Epris de libertés quand il foule les pelouses, le pur-sang de la prestigieuse écurie liégeoise constitue une des sensations de la saison.

Venu de Mons sur la pointe des sabots, il a largement justifié son transfert. Ce n’était pas évident car Sclessin n’est pas le Charles Tondreau. A Liège, les caractères sont façonnés au feu de la gagne avec des caractères forts qui ne supportent pas les accessits. Il faut être solide à tous points de vue pour mériter sa place dans un vestiaire de tels compétiteurs qui veulent répéter leur titre, affirmer des ambitions internationales, etc.

Révélation de la saison, Dalmat ne manque pas de vécu ou de références en D1 ainsi que sur la scène européenne. Mais il sait que tous les acquis de sa première saison sous la casaque rouche seront bel et bien remis en question à l’occasion du prochain et très attendu voyage à Anderlecht.

Le Standard sera-t-il champion ?

Wilfried Dalmat : Oui, je le pense sincèrement. En 2009, on a rectifié le tir face aux équipes à notre portée. Nous n’avons jamais snobé ces formations mais il y a eu une forme de déconcentration après nos matches européens : cela ne peut plus arriver. Quand il est sérieux et solidaire, le Standard peut battre n’importe quelle équipe, même Anderlecht au stade Constant Vanden Stock. Par rapport au Sporting, le Standard a un plus gros collectif, plus d’individualités dans chaque ligne qui sont capables de forger une différence gagnante à chaque moment de la rencontre. Anderlecht a aussi des éléments déterminants mais moins que nous. Cela ne signifie pas qu’Anderlecht ne dispose pas de bonnes cartes. Je me méfie : il ne faut pas vendre la peau de l’ours. Son attaque a marqué plus de buts que la nôtre : notre coach nous l’a rappelé. C’est significatif. Tom De Sutter trouve petit à petit ses marques. Il s’agira d’être vigilant. On dit qu’Anderlecht est faible en défense. Il lui manque Van Damme, un des meilleurs défenseurs que j’ai affrontés en Belgique. Il n’y a quand même pas un fossé énorme entre les deux clubs. Je m’attends à un match âprement disputé.

Préférez-vous gagner le titre ou la Coupe de l’UEFA ?

L’Europe ou le championnat ? Ma préférence va au titre. Je n’ai jamais été champion. Ce serait fabuleux d’aider ce club à confirmer son succès de la saison précédente. On ne lâchera rien en coupe d’Europe mais c’est plus hypothétique et aléatoire. Anderlecht-Standard ne sera pas décisif pour le titre. Le championnat sera encore long et je n’oublie pas le Club Bruges qui n’est pas loin.

 » J’ai tout de suite été emballé par la jeunesse et le talent de ce groupe « 

Votre intégration au Standard a-t-elle été plus facile que prévue ?

Oui, je pense qu’on peut affirmer cela. Les hasards de ma carrière ont fait que je me suis retrouvé dans pas mal de clubs. Je connais les changements d’habitudes et les efforts d’adaptation que cela entraîne. Il faut comprendre le style de jeu de chaque équipe. Cette période d’ajustement mutuel a été réduite à sa plus simple expression au Standard. Mon apport correspond probablement à l’attente du club. Moi, d’autre part, je constate que le football prôné par le club me va bien et me met dans des conditions idéales de progrès.

Pas facile quand même de faire son trou dans une équipe championne ?

L’accueil fut sympa, pas compliqué. L’effectif avait acquis des habitudes de gagnant, et c’était à moi de prouver que je pouvais apporter un plus. A Mons, j’ai lutté deux ans dans le bas du classement. Je me suis endurci, surtout avec Albert Cartier. Nous nous sommes battus comme des guerriers durant six mois pour rester en D1. Lutter, je connais. Il ne faut surtout pas négliger la stabilité de l’effectif. L’équipe a peu changé. En gros, il y avait deux nouveaux : Benjamin Nicaise et moi. Cette tranquillité facilite l’adaptation des arrivants. J’ai tout de suite été étonné, surtout emballé, par la jeunesse et le talent de tout ce groupe. L’intégration est plus aisée quand le niveau d’ensemble est élevé. Je savais que le Standard était paré mais on s’en rend encore mieux compte en fréquentant ces excellents footballeurs au quotidien. Ce sont de grands joueurs du championnat belge.

De grands joueurs du championnat belge seulement ?

Ben oui, il faut tout relativiser. Il y a des joueurs pour le championnat de France, d’Italie, d’Espagne, d’Allemagne ou d’Angleterre. Eux, pour le moment, ce sont de très bons éléments de la D1 belge. Et il y en a quatre ou cinq qui ont déjà le droit d’espérer militer un jour dans une grande compétition européenne : Steven Defour, Axel Witsel, Dieumerci Mbokani, Milan Jovanovic et Oguchi Onyewu.

On les attend tous à Anderlecht : leur éclat international ne serait-il pas plus relevé sur des pelouses moins pourries que celles de notre D1 : autrement dit, le football belge soigne-t-il assez sa présentation ?

Mercredi passé, devant ma télé, j’ai zappé entre France-Argentine et Belgique-Slovénie. Ce n’était pas la même affiche et, en plus des vedettes présentes sur le terrain, il y avait Diego Maradona sur le banc argentin. Le stade était comble et la pelouse impeccable favorisait le beau jeu, l’illumination frisait la perfection, la magnifique retransmission télévisée incitait à ne pas quitter le spectacle des yeux. France-Argentine était filmé comme à Hollywood, Belgique-Slovénie pas. Quel contraste, c’était une autre planète. La qualité télévisuelle et le manque de lumière donnaient l’impression que Belgique-Slovénie était un match de Provinciales. Le foot belge ne soigne pas assez sa présentation d’ensemble et c’est ce qui fait aussi la différence entre les petits et les grands championnats.

 » Marcos est un Brésilien, ça veut tout dire « 

Y a-t-il eu des déclics dans votre intégration ?

C’est venu petit à petit pendant la campagne de préparation. Cela a vite collé avec Marcos. Il y a de la complémentarité entre nous. Marcos est un Brésilien, ça veut tout dire. Il perçoit bien les moments où il doit me lancer en profondeur ou me donner le ballon dans les pieds. Quand il entend mettre le nez à la fenêtre et participer au jeu offensif, je libère le couloir avant de prendre les précautions tactiques d’usage pour le couvrir. Nos dédoublements sont intéressants. J’aime bien jouer à gauche aussi car cela met mon opposant direct, habitué à contrer des gauchers, mal à l’aise. Dans mes autres clubs, il m’arrivait occasionnellement de me replier mais je travaille quand même plus cet aspect défensif au Standard. J’ai aussi tissé ma toile avec Defour et Witsel. Ils n’ont que 20 ans mais sont déjà matures dans leur championnat. J’ai beau avoir 26 ans, je reste jeune. Dans ma tête, j’ai 21 ou 22 ans et quand je vois leur façon de vivre leur foot, j’ai envie de faire pareil. Je suis cool, je ne me prends pas la tête et je leur offre ma tranquillité, même quand cela carbure à la super pour nous. Je sais d’où je viens. Le chemin qui m’a mené au Standard a été long et difficile, maintenant, je nage dans le bonheur. La conquête de la Supercoupe a été intéressante mais ce sont surtout les duels européens contre Liverpool et Everton qui ont fait du bien : le Standard était en confiance.

Vous soignez votre boulot défensif mais ce sont surtout les raids offensifs qui font votre réputation…

Mon point fort consiste à remonter au plus vite le ballon dans le camp adverse. Cela peut passer par un déboulé, une passe décisive, des dribbles ou une percussion. Je baisse parfois un peu trop la tête. C’est une attitude typique mais je ne perds quand même pas mes repères quand je fonce avec le regard collé sur le ballon. Je sais très bien ce qui se passe autour de moi. Je le vois. Sans cela, je ne pourrais pas servir mes équipiers. J’ai parfois des discussions afin d’éviter de m’emmêler les pinceaux. C’est nécessaire quand on a des attaquants si différents l’un de l’autre. Igor de Camargo adore les petits ballons piqués en cloche. C’est l’attaquant le plus fort de D1 dans les duels aériens. J’essaye de le servir, de préférence au deuxième piquet. Dieu, lui, il est capable de tout…

Dieu est capable de tout : c’est écrit dans la Bible…

C’est vrai mais au Standard aussi. C’est du talent à l’état pur. Personne ne garde le ballon aussi bien que lui. Jova, c’est mon pendant à gauche. Il adore dribbler lui aussi et se présenter au plus vite en zone de conclusion. A quatre, on forme un quatuor d’attaquants très complémentaire. Dans le fond, je ne sais pas si on joue en 4-4-2, en 4-3-3 ou en 4-2-3-1. Ce sont des schémas trop figés : tout dépend de la donne sur le terrain et, à certains moment, c’est du 4-2-4. Je me définis comme un attaquant mais si tout le monde adore attaquer, tout le monde doit aussi défendre.

Cela doit faire plaisir d’entendre que vous êtes le transfert de l’année au Standard ?

Je ne me grise pas. Je suis là et je fais mon maximum pour répondre à l’attente de ceux qui sont venus me chercher à Mons. Je pense avoir fait de bonnes choses mais transfert de l’année ou pas, je laisse le soin à d’autres de juger. Je ne me définirai jamais comme un titulaire indiscutable. Je suis un des engrenages de la machine, rien de plus ou de moins. J’ai eu aussi un petit creux. Je l’avais déjà ressenti avant que Jérémy Sapina ne me blesse à Sclessin contre Mouscron. Ce soir-là, touché aux ischio-jambiers, j’ai demandé mon remplacement à la mi-temps. J’ai raté deux matches de championnat et deux rendez-vous européens contre le Partizan de Belgrade et la Sampdoria.

 » Je ne me fais pas de soucis pour Nicaise « 

Vous êtes venu à venu à deux de Mons : Nicaise joue moins que vous. L’encouragez-vous ?

C’est mon pote. J’aimerais qu’il joue un peu plus. Quand le coach fait appel à lui, il répond présent par sa hargne, son envie, son expérience aussi qui lui permettent de gérer un résultat. Je ne me fais pas de soucis pour lui : il rendra encore de grands services à cette équipe, c’est garanti sur facture.

Tout est beau mais il y a quand même eu des tensions dans le groupe…

Vous songez à l’incident entre Jova et Dieu ?

Oui…

Je ne dirais pas que c’était une tempête dans un verre d’eau. A 2-0, le match était plié mais cet énervement maladroit en public aurait pu être évité : c’est le côté négatif. Mais cet éclat a aussi du positif aussi et que les mecs ne lâchent rien. A 2-0, ils ont envie d’en mettre un troisième. Il y a parfois des réactions qu’on ne peut pas contrôler. Après, dans le vestiaire, on a remis plein de choses à plat. Puis, le Standard a bien négocié son voyage à Courtrai.

Que vous apporte Böloni ?

Sa science, son expérience. C’est un amoureux du football qui veille à chaque détail. Il s’appuie beaucoup sur la vidéo pour la tactique. Ses analyses du pressing, des occasions de but et des erreurs sont intéressantes. C’est grâce à la Belgique que je peux vivre ma passion à ce niveau : je ne l’oublie pas. Je suis sous contrat jusqu’en 2011. Je ne songe pas du tout à partir. D’autres rêvent de grands championnats. Cela ne me dérange pas. Tout le monde peut être ambitieux et envisager de gagner plus d’argent (pourquoi le cacher ?), c’est normal pour des professionnels : certains y arriveront car il y a du talent au Standard. Moi, je suis bien à Liège avec ma femme Katia, notre enfant et trois quarts.

Un enfant et trois quarts ?

Notre petit Kelyan (20 mois) attend un petit frère qui viendra au monde en avril : il a déjà parcouru les trois quarts du chemin.

par pierre bilic – photos : reporters/ thys

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