MA GRIFFE

Depuis son arrivée à Bruxelles, le gardien des Diables Rouges a connu des heures délicates avant d’imposer son talent

Sur le chemin de la gloire sportive, les obstacles sont de taille. Il ne suffit pas d’accumuler des rencontres dans un club de province pour se tailler une réputation de chevalier conquérant. Non. Apprendre son métier à l’ombre de toute pression est une chose. Confirmer ses bonnes dispositions sous les projecteurs, devant un parterre de connaisseurs et de critiques en est une autre. A 22 ans, Silvio Proto a testé le fossé qui existait entre La Louvière et Anderlecht. Après avoir connu les affres de la déstabilisation, il a pu rétablir son équilibre in extremis. Au contraire de Tristan Peersman, il y a un an, Proto ne s’est pas découragé face à la concurrence et a finalement émergé. Alors que son entraîneur Frankie Vercauteren avait prôné la tournante entre ses deux gardiens, les fragilisant tous les deux mentalement, il a changé son fusil d’épaule, préférant confier les clés de la cage au jeune gardien. Retour sur trois premiers mois bien remplis.

Un transfert qui s’éternise

 » C’est vrai que cela a mis trop de temps avant de se conclure « , explique Proto.  » Les deux parties n’étaient tout simplement pas satisfaites. D’un côté, il y avait mes exigences financières et de l’autre, ce que le club était disposé à donner. Il a fallu trouver un juste milieu et cela ne fut pas simple. Ça a beau faire partie du jeu des négociations, cela a quand même duré trop longtemps à mon goût. Tout aurait été plus simple si j’avais pu partir en stage avec le groupe. Finalement, ma préparation fut beaucoup trop courte. Au début des tractations, Anderlecht refusait de traiter avec mon manager Piero Allatta et puis finalement, cela s’est arrangé entre les deux parties et si vous demandez à Herman Van Holsbeeck, il vous dira qu’il est content de Piero.

Aurais-je négocié avec Anderlecht si j’avais connu tous les obstacles à surmonter ? Oui. Beaucoup de gens voulaient me voir au Sporting et il s’agissait de mon choix aussi. Anderlecht est le plus grand club en Belgique et, à l’étranger, je n’aurais pas reçu la garantie d’être le numéro un. J’ai eu quelques contacts avec le Standard mais cela n’a pas été plus loin « .

Et La Louvière ?

 » Un certain moment, lorsque mon transfert semblait bloqué à Anderlecht, je me voyais rester un an supplémentaire. J’en avais discuté avec ma petite amie et je n’écartais pas cette idée. J’aurais essayé de faire une grosse saison et j’aurais été en fin de contrat en juin. C’est sûr qu’il ne s’agissait pas de la meilleure solution pour moi. La Louvière manque d’ambition et le seul objectif, année après année, est d’assurer son maintien. Tout cela parce que le président est le seul gros investisseur. Mais je n’oublie pas que c’est le club qui m’a lancé en D1 et qui m’a permis d’atteindre l’équipe nationale. Je suis d’ailleurs triste de voir la position qu’occupe actuellement La Louvière où chaque année, c’est un éternel recommencement « .

Des débuts mauves difficiles

 » Tout découle de mon arrivée tardive. Ce n’est jamais bon pour l’intégration d’un joueur et je suis certain que si j’avais participé à cette préparation, je me serais senti beaucoup mieux. Ceci dit, c’est tout à fait normal que je ne sache pas prester aussi bien dans un club dans lequel je débarque par rapport aux performances que je réalisais à La Louvière. J’y suis resté quatre ans et je connaissais tout le monde.

A Anderlecht, aux entraînements, je faisais preuve de trop de nervosité. J’étais nouveau et je devais prouver ma valeur. Je voulais trop bien faire et c’est toujours dans ces situations-là que l’on commet des erreurs. J’ai vécu la même chose en équipe nationale. Je ne me suis pas adapté immédiatement. Cela est venu après deux ou trois convocations « .

La pression

 » Cela m’a fait un gros choc de faire la une des médias après mon premier match amical à Southampton. Ils n’en avaient que pour moi et c’est à ce moment-là que je me suis rendu compte que je n’étais plus à La Louvière. C’est leur boulot de faire vendre les journaux mais je ne pensais pas que c’était à ce point-là. Je n’ai que 22 ans et je n’ai pas encore l’expérience d’un gardien de 35. Je possède encore des faiblesses et à mon âge, c’est tout à fait normal.

Au début, à Anderlecht, la pression est tellement énorme que tu te concentres à fond sur ton métier. Or, pour un gardien, il faut prendre du plaisir sur le terrain et je commence seulement à en trouver. Maintenant, je peux rigoler aux entraînements. A La Louvière, on partait toujours comme outsider. Si on gagnait, c’était bien et quand on perdait, c’était normal. Ici, c’est gagner qui est normal. C’est vraiment plus simple d’évoluer dans un plus petit club. J’avais déjà eu un aperçu de la pression en équipe nationale, notamment avant la rencontre en Serbie & Monténégro mais j’ai l’impression que c’est encore plus fort à Anderlecht. Je ne pensais pas que les faits puissent être autant extrapolés. Après Southampton, mes coéquipiers sont venus me trouver et m’ont dit : – Bienvenue à Anderlecht. Ici, tu ne dois pas lire la presse. Je me suis alors repositionné et cela m’a rendu plus fort. A certains moments, je l’avoue, ces critiques m’ont donné un coup de fouet. Il fallait que je n’offre plus aux médias l’occasion d’écrire du mal de moi et il n’y avait qu’un seul moyen : effectuer de bons matches « .

Le turnover

 » Je me suis dit : – Si tu as la chance de jouer, fais le maximum. Pour cette raison, je n’étais pas satisfait de ma prestation contre Genk. Je restais sur une impression de ne pas avoir montré assez. Je ne preste pas pour satisfaire les médias mais avant tout pour l’équipe et, contre les Limbourgeois, j’avais le sentiment de ne pas lui avoir donné assez. La tournante ne fut pas facile à gérer. Un gardien a besoin de l’accumulation de matches pour prendre confiance. Daniel Zitka et moi, nous acceptions le turnover, même si on aurait préféré que le staff choisisse un titulaire. Il s’agissait du choix de l’entraîneur et on était derrière lui. Frankie Vercauteren nous disait qu’il avait deux bons gardiens et que le club allait être confronté à une succession de rencontres. Dans cette optique, pourquoi n’en utiliser qu’un quand on en a deux de même valeur ? Désormais, ce discours a un peu évolué puisque cela fait quelques matches d’affilée que je suis aligné et je n’ai pas cherché à discuter de ce changement puisque je joue…

Je n’ai pas eu l’impression de participer à un jeu de dupes. J’avais donné ma préférence à Anderlecht parce que je rentrais en ligne de compte pour le poste de numéro un mais si l’entraîneur ne m’a pas aligné d’entrée, c’est qu’il avait ses raisons. Je n’étais pas encore en condition et cela ne m’aurait pas rendu service de me titulariser d’entrée. J’ai travaillé ardemment et je savais que si l’on me donnait ma chance, je ferais tout pour ne pas retourner sur le banc « .

L’évolution

 » Je sens qu’en passant à Anderlecht, j’ai franchi un palier. Tu acquiers inévitablement un autre statut en portant la vareuse mauve. Quand je regarde dans le rétroviseur, je vois certains changements par rapport à mes débuts. L’expérience m’a rendu plus relax. Je prends les rencontres beaucoup plus sereinement. Je suis moins stressé et je vis mon métier de façon plus professionnelle. Mon jeu a également évolué. J’essaye encore d’améliorer mes relances au pied et de me perfectionner dans tous les domaines. Je ne sais pas si j’ai instauré une griffe Proto mais si je devais la définir, je parlerais avant tout de ma mentalité. Je suis un gagneur et je ne me décourage pas facilement. Vous dites que certains gardiens commencent à imiter mon style de jeu comme Michael Cordier mais je ne me suis rendu compte de rien. Moi, je continue à travailler toujours dans la même direction car j’ai de la chance d’avoir en Jacky Munaron un entraîneur qui gère son staff de la même façon que Michel Piersoul à La Louvière. Ce sont tous les deux des perfectionnistes sur la technique « .

Equipe nationale

 » Cela m’a fait du bien de jouer l’amical contre la Grèce alors que j’étais sur le banc anderlechtois. Je n’ai jamais douté et c’est en grande partie parce que j’ai vu que l’entraîneur fédéral me conservait sa confiance. Je faisais la part des choses entre les Diables Rouges et Anderlecht. En sélection, je me trouvais en terrain connu tandis qu’à Anderlecht, je devais encore apprendre tous les rouages du club. On pourrait croire que le match contre le Betis ( NDLR : il commet d’entrée une grosse erreur qui ne prête pas à conséquence avant de sortir plusieurs grands arrêts) constitue un tournant.

Pour moi, c’est le match contre la Grèce qui a servi de déclic. Le climat n’était pas évident et pourtant, alors que tout le monde se demandait à quel niveau j’étais, j’ai sorti deux bons ballons. A ce moment-là, j’ai vu (et tout le monde s’en est également rendu compte) que je n’avais pas perdu mes qualités. Je sens également que j’ai besoin de l’adrénaline de la compétition pour me surpasser. Ce n’est pas un hasard si j’ai loupé mes débuts à Southampton et en Réserves face à La Louvière. Je n’étais pas assez concentré. J’ai besoin de me sentir sous pression. A La Louvière, c’était déjà pareil. Je reste sur une super saison mais si on analyse la préparation 2004-2005, on verra qu’elle était catastrophique de ma part. Il faut aussi relativiser car à Southampton, je commets des er- reurs mais je n’ai pas été si mauvais que ça « .

Privé de Coupe du Monde

 » Je rate un gros événement et c’est d’autant plus dommage qu’ Aimé Anthuenis avait instauré une bonne ambiance dans le groupe. La déception était palpable après le déplacement en Bosnie. On savait que l’on ne réussirait pas à mettre trois buts à l’Espagne. Il s’agissait de ma première campagne qualificative et malgré l’échec, j’en ressors grandi. Pour les prochains matches officiels, il faudra tirer les enseignements et se remettre en question si on veut participer à l’Euro « .

Ligue des Champions

 » Je crois qu’on aurait pu revendiquer davantage que le zéro pointé. Il nous faut chaque fois une mi-temps pour acquérir le rythme car le niveau est beaucoup plus élevé. Que ce soit Chelsea, le Betis ou Liverpool, on s’est rendu compte que nos adversaires évoluaient à un niveau supérieur. Mais si on a été dominés, on aurait pu quand même prendre un point. On perd trois fois sur le plus petit score et il aurait suffi d’un corner ou d’un coup franc dans les dernières minutes pour égaliser. On pointe du doigt le nombre d’occasions que le Betis et Liverpool se sont créées face à nous mais le gardien est quand même là pour sortir quelques tirs. Il participe au jeu.

Au final, on doit simplement souligner le fait que l’on perd à trois reprises 1-0… Je n’avais pas débuté à Chelsea mais j’ai été préféré à Daniel Zitka pour le Betis. Après cinq minutes, je commets une erreur de jeunesse mais je devais faire preuve de caractère et essayer de ne pas couler. Le match était encore long. Il restait 85 minutes et j’ai su me rattraper « .

Le championnat

 » Le Standard est un candidat sérieux au titre. Les Liégeois font de bons résultats au bon moment. Comme ils n’ont pas de rencontres européennes à leur programme, ils sont plus frais physiquement et mentalement. Pour eux, leur Ligue des Champions, ce sont les rencontres à Genk ou face à Bruges. Ils se trouvent en une position favorable mais vont-ils continuer à ce rythme ?

Après un début tonitruant, on entend qu’Anderlecht est actuellement dans le creux. Il ne faut pas insinuer cela car après, les joueurs vont commencer à douter. Il suffit de se pencher sur notre parcours quasi parfait à domicile ! Ce n’est pas à moi à dire ce qui manque à Anderlecht. On parle beaucoup d’erreurs défensives mais avant le sommet contre Bruges (2-2), on restait sur trois matches sans encaisser le moindre goal. Au jeu des pronostics, il ne faut pas oublier Bruges. Contre nous, le Club a montré qu’il possédait des ressources. Sa victoire en Ligue des Champions, à Vienne, lui a donné un coup de fouet « .

Vie privée

 » Mes occupations n’ont pas changé depuis mon passage à Anderlecht. J’ai déménagé dans une autre région car je voulais me retrouver dans un cadre où personne ne me connaissait. J’aime le calme et la sérénité. Cela me sert dans mon travail. On est davantage sollicité médiatiquement à Anderlecht car le club est beaucoup plus exposé mais je mets certaines barrières et malgré mon emploi du temps chargé, je laisse de la place à ma vie privée. Car c’est mon entourage qui m’a permis de ne pas verser dans le doute. Il me rassurait sans cesse. Je n’ai pas non plus été oublié par les supporters qui m’envoyaient du courrier pour me soutenir. Les critiques ne font pas plaisir mais les marques de sympathie si « .

STÉPHANE VANDE VELDE

 » JE N’AI PAS L’IMPRESSION DE JOUER UN jeu de dupes « 

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