« MA FORCE DE BUFFLE, c’est inné « 

Il tchatche comme il joue et comme il avale les kilomètres : c’est concret, ça va vite et droit au but. VDD se raconte. Sans se la raconter. Confessions sur fond de carbonades flamandes, PMU, rugby, art martial vietnamien, Vanderhaeghe, Gattuso, invasion française, job de mairie,…

Du coffre, des allers et retours d’un rectangle à l’autre, un impact sur le jeu de toute l’équipe, de la personnalité,… Le Forrest Gump ch’ti version poche, qui a signé à Ostende mais a choisi de rester jusqu’en fin de saison à Mouscron pour assumer l’opération maintien, dit tout sur sa vie et sa carrière.

Tu es un gars du Nord avec un nom de famille flamand, c’est ça ?

Kevin Vandendriessche : Exactement. J’ai des origines belges et même hollandaises, mais ça remonte assez loin. Mon père et mes oncles n’en savent pas beaucoup plus, donc oui, il faut remonter loin ! Les dernières générations ont vécu dans le Nord de la France. Je suis ch’ti, pas belge.

Ch’ti, ça veut dire un humour un peu con et des moqueries ?

Mais non… C’est simplement un langage un peu spécial et des habitudes. Moi, par exemple, j’aime bien aller boire mon petit café dans un bar PMU. Là, j’entends les clients plus âgés parler en ch’ti. C’est amusant.

Pour toi, en sport, il n’y a pas que le foot, il y a aussi les chevaux !

Oui, je suis un vrai passionné. Je ne monte pas, ça me fait un peu peur. Mais j’aime bien passer du temps dans les hippodromes. Je suis un habitué de celui de Marcq-en-Baroeul, tout près d’ici. Je suis déjà allé voir des courses à Vincennes aussi. J’aime l’univers des paris, et maintenant, je commence à bien connaître le truc. Au début, j’ai perdu pas mal parce que je n’y connaissais rien. Maintenant, je gagne plus régulièrement. Je suis toujours perdant au final mais je me refais petit à petit.

Ça reste une loterie, non ?

Oui, surtout le trot attelé. C’est là-dessus que je joue en général. Tu peux miser sur le meilleur cheval du monde, s’il commence à galoper après deux minutes, il est disqualifié et tu as perdu ta mise.

Tu n’investirais pas dans un cheval de course ?

J’y pense, oui. Le jour où j’aurai un peu d’argent de côté, je pourrais le faire, confier mon cheval à un entraîneur et vibrer encore un peu plus dans ce milieu. Il ne faut pas nécessairement avoir une fortune. C’est comme avec un joueur de foot, le but est de dénicher un bon cheval pas trop cher et qui pourra faire des merveilles.

Au café des sports avec Debuchy

Qu’est-ce qu’il y a de belge chez toi ?

J’aime bien les frites et les carbonades flamandes. (Il se marre). Non, sérieusement, c’est plutôt au niveau du caractère, je pense. J’ai grandi dans la région de Lille mais je me sens plus proche des Flamands que des Français du Nord. J’ai le même mental, l’état d’esprit d’un guerrier, je ne lâche jamais rien, je cours énormément à chaque match et je ne me prends pas la tête pour un rien. C’est aussi pour ça que, directement, je me suis bien trouvé à Mouscron. Les supporters disent que je suis le joueur qui incarne le mieux la mentalité mouscronnoise, ça veut dire qu’ils voient mes efforts, ma dépense d’énergie.

Tu as joué à Lesquin. On connaît cette commune pour son aéroport mais on a l’impression qu’il n’y a rien d’autre là-bas, c’est la rase campagne. Le terrain de foot était le long des pistes ?

(Il rigole). C’est vrai qu’il n’y a pas grand-chose à Lesquin. C’était un petit club, la cinquième division en France. Mais c’est là que j’ai commencé à me faire un petit nom. Avant ça, je n’avais connu que Fretin. Là, c’était un club de quartier, je ne sais même pas dans quelle division jouait l’équipe Première.

Mais ça a été le premier club de Mathieu Debuchy, quand même !

Ah oui ! C’est toujours la star du village. Quand je jouais encore à Fretin, on avait rendez-vous au café des sports pour partir en déplacement, et là, il y avait du Mathieu Debuchy un peu partout : des posters, des dédicaces, un maillot qu’il avait porté avec Lille. Il a joué au LOSC, il est international, il est maintenant à Arsenal, c’est normal qu’il ait une cote pareille dans son village. J’ai joué avec son frère à Lesquin et à Wasquehal.

Taper avec les poings et les pieds

C’est difficile de trouver un reportage sur toi qui n’aborde pas ton physique. Plutôt atypique pour un joueur de foot…

Tout à fait. Je fais 1m83 et 84 kilos, je suis même monté à 87. Ce n’est pas classique. Mon poids de forme, je ne le connais pas, je me cherche encore. Parfois, je perds quelques kilos et j’ai l’impression que ça va me faire du bien, mais alors, je me sens un peu faible.

On t’a parfois dit que tu étais plus fait pour le rugby ou le catch ?

J’ai surtout des épaules très larges, oui on m’a déjà dit que je pourrais être bon en rugby. Mais je n’ai jamais essayé. Par contre, j’ai fait un peu de sports de combat quand j’étais plus jeune, j’ai fait un art martial vietnamien où ça tapait avec les poings et les pieds.

J’ai lu ceci :  » Quand VDD va au contact, on ferme les yeux « … Toi, tu ne les fermes pas.

C’est vrai. Mais je n’arrache pas tout le monde non plus. C’est quand tu te retiens que tu as le plus de risques de te blesser. Donc, quand j’y vais, j’y vais. Mais je n’ai jamais eu d’incidents. Je me suis ouvert une fois le crâne, c’est tout. Et je n’ai jamais blessé personne.

C’est un handicap de ne pas être passé par un centre de formation ?

Non parce qu’au final, je réussis à faire tranquillement mon petit chemin. Est-ce que je ferais la même carrière si j’étais allé dans un centre ? Pas sûr. Il me manque certaines choses, par exemple la rigueur tactique et de la technique, mais je n’ai que 25 ans, je vais encore progresser sur ces points-là.

Quand Philippe Saint-Jean t’a repéré à Wasquehal, il a dit que tu avais  » une force de buffle  » !

Ça fait plaisir… (Il rigole). Et c’est la vérité. Mais je ne travaille pas pour ça, c’est inné. Quand on va à la salle de muscu, je n’en fais pas plus que les autres.

On te surnomme aussi  » le bulldozer du Canonnier « .

Au moins, je me suis fait un nom !

Et on te compare à Yves Vanderhaeghe.

Oui, on dit que j’ai son style. Il ne lâchait rien.

Pas retenu à Lille et Lens

Pourquoi tu es devenu capitaine alors que tu n’es à Mouscron que depuis 2012 ?

Déjà, on n’était pas nombreux l’été passé quand les entraînements ont commencé ! Il y avait une quinzaine de joueurs, dont pas mal de jeunes. Rachid Chihab a bien dû choisir quelqu’un. Il ne m’a pas donné beaucoup d’explications, il m’a donné le brassard et m’a dit : -Tiens, c’est pour toi cette saison.

Tu rêvais de Lille et de Lens, ces clubs n’ont pas voulu de toi. Tu auras toujours un goût de trop peu ? Tu tenais vraiment à faire carrière dans un grand club du Nord ?

Ça aurait été bien, oui. J’ai fait des tests, quand il y avait des journées de détection. On ne m’a pas retenu, c’est comme ça, je ne pouvais rien faire d’autre. Guingamp est venu me chercher, j’ai foncé. Mais j’étais trop jeune, pas prêt à quitter ma famille, à partir seul à 650 bornes. J’étais trop renfermé sur moi-même, je voyais toujours les mêmes têtes et ça n’a pas trop bien marché. Mais bon, j’ai appris, je me suis endurci. Si je devais repartir aujourd’hui, ça ne me poserait plus de problème.

Et Mouscron est allé te chercher à la mairie de Wasquehal…

C’est tout à fait ça. J’ai d’abord refusé parce que c’était la D3. A ce moment-là, j’étais sous CDD avec la possibilité de passer en CDI. Donc, je suis resté à la marie, je faisais de la comptabilité, j’ai toujours aimé les chiffres et les maths. Un an plus tard, Mouscron m’a recontacté. J’avais mon contrat à durée indéterminée, je pouvais prendre une pause-carrière et le club était entre-temps arrivé en D2. Donc, la donne avait bien changé, la question se posait autrement… J’ai foncé, j’ai signé à Mouscron avec la garantie de pouvoir reprendre mon boulot à la mairie quand je le souhaite, pendant dix ans.

Transcendé par la Ligue des Champions des Mauves

Tu as assommé Anderlecht en décembre, ce 4-2 sensationnel était d’abord le tien : l’état de grâce total ce soir-là ?

Mon match-référence depuis que je suis pro, c’est sûr. Et le premier doublé de ma petite carrière… C’est difficile à expliquer comment on peut se sentir subitement aussi bien. Avant le match, je n’étais pas trop dans le coup, je n’avais pas trop les jambes. Mais dès que l’arbitre a sifflé le début, je me suis complètement retrouvé, les jambes étaient là.

Le Standard vous avait pris de haut en début de saison et s’était fait ramasser. Anderlecht a fait la même erreur ? Ce n’est pas normal d’être atomisé à Mouscron quand on prend des points à Arsenal et à Dortmund…

C’est vrai, ce n’est pas normal. Peut-être que les joueurs nous ont pris de haut, mais Besnik Hasi, sûrement pas. Il avait bien dit que ça ne serait pas simple pour eux. Mais on leur a mis une grosse pression dès les premières minutes, ça les a mis hors du match. Et peut-être que leurs résultats en Ligue des Champions nous ont transcendés encore un peu plus. Pour une équipe comme Mouscron, ce sont aussi les matches les plus faciles. Si on perd, c’est normal, dans la logique des choses. Si on prend des points, c’est du bonus. On est plus relâchés contre le Standard ou Anderlecht.

Comment tu vois ta future aventure, à Ostende ?

Ce sera un pas en avant. Avec un Fred Vanderbiest qui m’apprécie beaucoup, ça je le sais depuis pas mal de temps. Il reconnaît probablement son caractère dans le mien, je crois qu’on est faits pour bien travailler ensemble.

PAR PIERRE DANVOYE – PHOTOS: BELGAIMAGE

 » Je vais au duel, je ne ferme pas les yeux mais je n’arrache pas tout le monde non plus.  »

 » Fred Vanderbiest reconnaît probablement son caractère dans le mien. Je crois qu’on est faits pour bien travailler ensemble.  »

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