» Ma carrière n’est pas derrière moi « 

L’ex-gardien des Diables n’a plus joué depuis avril 2011 : quels sont ses espoirs de s’installer bientôt dans le but de Genk ?

« La balle est dans mon camp  » : Logan Bailly (26 ans) sait qu’il a du boulot, que c’est à lui de jouer. Qu’il s’est enterré tout seul et devra se relever seul comme un grand. Son prêt à Genk jusqu’à la fin de cette saison, c’est pour lui la première bonne nouvelle depuis près d’un an. Parce qu’en 2011, il n’a connu que des galères (voir encadré). A Mönchengladbach, avec les Diables Rouges, à Neuchâtel, dans sa vie privée.

Il a quatre mois pour redevenir le super Logan du Limbourg, celui qui s’habillait en fluo et communiait avec les supporters, celui qui osait des sorties audacieuses à la limite de son rectangle. Il ajoute :  » J’ai tout appris ici, Genk a toujours été mon club, je suis heureux qu’il me donne cette nouvelle chance. Ma carrière n’est pas derrière moi. Je n’ai que 26 ans, je suis sûr que mes meilleures années doivent encore venir. « 

Analyse du come-back le plus spectaculaire du mercato.

Sa forme physique et psychologique

Première mission pour Bailly : convaincre Mario Been. Quand le Liégeois s’est présenté à l’aéroport de Düsseldorf pour accompagner le groupe en stage en Turquie, le coach hollandais ne le connaissait pas :  » Bailly, c’est un nom que j’avais déjà entendu mais je ne savais pas grand-chose sur lui quand la direction m’en a parlé. J’ai fait des recherches sur internet et découvert qu’il avait autrefois fait des chouettes trucs ici. Je vais suivre l’affaire, bien l’observer pendant le stage.  »

Been a été séduit après quelques jours ( » C’est un gars très frais qui sait jouer dans le but et plus haut sur le terrain, il vient pour être un vrai renfort, pas simplement pour grossir le noyau. « ) mais n’a pas encore vu son nouveau poulain en match. Et Bailly est inactif en compétition depuis début avril de l’année dernière. D’où son absence dans le groupe qui s’est déplacé à Zulte Waregem ce dimanche : pour lui, l’équipe Réserve est un premier passage obligé. Il doit d’abord y retrouver rythme et sensations avant de concurrencer Laszlo Köteles. Et le Hongrois est l’un des rares hommes en forme de Genk. Ça s’est encore vu ce week-end. Anthony Vanden Borre est plus que jamais nonchalant, JelleVossen transparent, Kevin De Bruyne décevant, Thomas Buffel croulant, Christian Benteke inconstant ; mais Köteles fait son boulot et a sauvé un point.

Le Bailly qui doit se faire une place dans le but a été scratché au printemps 2011 à Mönchengladbach. Et à Neuchâtel, où il est resté de juillet à décembre, il n’a pas joué. On ne lui a jamais versé son salaire (le plus important du groupe, pratiquement le même qu’à Gladbach), il a rouspété, est entré en conflit avec ses dirigeants et a été mis sur le côté. Selon son agent, Mogi Bayat, le fait que le club suisse ne l’ait jamais aligné en Première s’explique uniquement par cette dispute extra-sportive, cela n’avait rien à voir avec ses qualités de gardien.

Déjà mal dans sa tête au moment d’arriver à Neuchâtel, Bailly est tombé dans le pire club possible. Dirigé par un homme d’affaires tchétchène qui faisait régner la terreur, a multiplié les changements d’entraîneur, a viré plusieurs joueurs, est un jour entré dans le vestiaire en disant :  » La prochaine fois que vous êtes aussi mauvais, je vous tire dessus.  » Le patron a aussi essayé de saisir son coach à la gorge et il a fallu l’intervention de ses gardes du corps pour l’arrêter. La Fédération suisse a retiré des points à Neuchâtel pour non-respect de ses obligations financières et un créancier du club a demandé – sans succès – sa mise en faillite.

Logan avait peu de chances de se mettre en évidence dans un tel environnement. Surtout que son prêt en Suisse s’assimilait dès le départ à une grosse punition, à un terrible désaveu. Autrefois qualifié de nouveau super héros de la Bundesliga par Toni Schumacher ( » Ce gars est fait pour jouer au Bayern. « ), il était devenu le paria de Gladbach. Il avoue qu’il s’est laissé aller au fil des semaines à Neuchâtel, qu’il a arrêté de vivre comme un pro. Sa balance a réagi. Et subitement, début décembre, il a recommencé à tout donner. Il se levait parfois à 6 heures du matin pour aller courir. En un mois, il a perdu plus de cinq kilos. Et tout en fin d’année, il a cassé son contrat : il a prouvé à la FIFA qu’il n’était pas payé et elle l’a libéré.

Aujourd’hui, l’ex-grande gueule se fait discrète. Bailly refuse les longues interviews, il se contente du minimum syndical. Sa conférence de presse de présentation fut très brève.  » Genk m’a demandé de ne pas trop m’exprimer, mon agent me dit la même chose, et moi je n’ai de toute façon pas envie de parler pour le moment « , nous dit-il. Dans la presse flamande, Bayat a lâché :  » Bailly a fait toutes les fautes possibles qu’un footballeur peut faire. Il n’a pas non plus la réputation d’être un gars facile. Je suis avec lui depuis environ trois mois et j’ai été clair dès le premier jour : -Tu arrêtes tes conneries, sinon je ne travaille plus avec toi. Je le suis de très près. Il a compris qu’il devait tirer un trait sur son passé s’il voulait relancer sa carrière. Il a été très bas, ça ne peut aller que mieux. Physiquement, en tout cas, il est déjà au top. Il n’a peut-être jamais été aussi fort.  »

Au point de devenir rapidement titulaire ? On n’a pas grand-chose à reprocher à Köteles depuis le début de la saison. Le Hongrois est poli et diplomate ( » Je me réjouis de cette nouvelle concurrence. « ) mais ambitieux ( » Avec ou sans Bailly, je veux rester dans le but. « ).

Ses chances de retourner à Gladbach

En janvier 2009, le Borussia avait versé 3 millions à Genk pour transférer Bailly. A son actif, un trophée de joueur de l’année décerné par les supporters, et surtout une contribution importante dans un sauvetage en D1. Le club et la presse fermaient alors les yeux sur beaucoup de choses : ses looks déjantés, ses shootings photos pour des sous-vêtements, son goût pour les grosses cylindrées (Bentley, Audi, Ferrari, Lamborghini),…

Tout s’est déglingué en fin d’année 2010, quand il jouait derrière la défense la plus trouée d’Europe. Il est brièvement revenu dans l’équipe au début 2011 mais le ressort était cassé. Après une bourde monumentale contre Kaiserslautern, les journaux se sont déchaînés. Morceau choisi :  » Qu’on remette Bailly où il mérite d’être, c’est-à-dire sur le banc. Il y a ses dettes, ses problèmes relationnels, son procès pour coups et blessures, son surpoids et maintenant cette floche. Ça suffit. On se rend maintenant compte que Michael Frontzeck avait de bonnes raisons pour l’expédier en tribune.  » L’entraîneur des gardiens de Mönchengladbach a dit :  » Moi aussi, j’ai eu des problèmes privés pendant ma carrière, mais ils ne se reflétaient jamais sur le terrain.  »

En le prêtant à Neuchâtel, le directeur sportif Max Eberl lâchait :  » Bailly est jeune et personne ne discute son talent, mais il reste sur une saison extrêmement décevante, et surtout, il est devenu très impopulaire auprès de nos supporters. Ce prêt est la meilleure solution pour lui et pour le club.  » Il est sous contrat jusqu’en 2013 mais on l’imagine mal retrouver le noyau du Borussia l’été prochain. Il a été très bien remplacé dans le but par Marc-André ter Stegen, le gardien allemand qui monte : il n’a pas 20 ans, il multiplie les matches de fou et il est aux portes de l’équipe nationale. Et il est loin de la réputation de badboy de Bailly, c’est plus le beau-fils idéal. Dès que le Belge a quitté Neuchâtel, Mönchengladbach a fait savoir que tout serait fait pour collaborer à un transfert. Sans jamais soulever la possibilité qu’il retourne là-bas cet hiver.

Revenir chez les Diables, mission impossible

Bailly était titulaire à l’EURO Espoirs en 2007 puis aux Jeux de Pékin. En équipe A, ça coule moins de source. Première sélection en 2007 contre le Portugal mais deux années complètes dans l’ombre de Stijn Stijnen : les deux hommes se détestaient. Premier match en 2009 face à la Turquie. Et dernière apparition en octobre 2010 contre l’Autriche – le 4-4 de la honte. Bilan : 8 rencontres, 2 victoires, 5 défaites, 1 nul, 12 buts encaissés.

Aujourd’hui, il est à des années-lumière des Diables. Il n’est plus sur la même planète que Thibaut Courtois ou Simon Mignolet. Quelles chances pour lui de retrouver tôt ou tard son statut ? Allô Georges Leekens…  » Avec Bailly, on a une nouvelle preuve qu’une carrière peut se défaire aussi vite qu’elle s’est faite. Tout roulait pour lui, et en quelques semaines, tout s’est écroulé. Son cas me fait un peu penser à celui d’ AxelWitsel. Il reçoit le Soulier d’Or, tout le monde l’encense. Puis il y a l’accident avec Marcin Wasilewski, et subitement, toute la Belgique le démolit. Si tu es malin, tu te bats et tu reviens plus fort. Witsel l’a fait. Bailly doit maintenant l’imiter. Evidemment, rien ne sera simple pour lui par rapport à l’équipe nationale. Quand il a joué ses derniers matches, mes autres gardiens étaient généralement Silvio Proto et Jean-François Gillet. Aujourd’hui, devant tout le monde, il y a Courtois et Mignolet. Tu imagines ! Un gars qui fait fureur en Espagne et un qui s’illustre en Angleterre. C’est logique que je donne toujours ma préférence à des joueurs qui évoluent dans les plus grands championnats. Tu as Manchester City d’un côté, Genk de l’autre : si tu es coach fédéral, tu es plus impressionné par qui ? Maintenant, rien n’est exclu. Quand j’appelle Vadis Odjidja, Guillaume Gillet ou Olivier Renard, je montre qu’on peut encore être Diable Rouge en jouant en Belgique. Et j’ai aussi suffisamment prouvé que je me moquais des critiques dans la presse. Si je m’occupais de ça, il y a longtemps que Daniel Van Buyten et Timmy Simons ne seraient plus en équipe belge ! Genk offre aujourd’hui à Bailly une occasion en or pour rebondir. Le genre de chance qu’on ne reçoit pas 10 fois dans une carrière. S’il reste dans ses frustrations, ce sera très compliqué. S’il repart à zéro, ça peut marcher.  »

Pour Leekens, Bailly n’a pas été condamné sur son seul match contre l’Autriche, à Bruxelles.  » Nous ne jugeons évidemment jamais un joueur sur une rencontre. Notre cellule de scouting voit les Diables potentiels plusieurs fois et une des conclusions à l’époque était que Bailly avait perdu ses points forts, comme sa façon d’intervenir sur les ballons hauts. C’était frappant contre l’Autriche, aussi dans d’autres matches. Il était en pleine crise de confiance et je suppose que tous les buts pris avec Mönchengladbach à ce moment-là ont influencé son niveau avec l’équipe belge. Il n’était plus du tout dans son assiette. Il n’a pas le droit de dire le contraire. « 

Ses multiples changements d’agent : un révélateur

L’instabilité de Bailly apparaît aussi dans son art de passer d’un manager à l’autre. C’est Yves Baré qui l’accompagnait quand il était devenu professionnel. Bailly l’avait lâché quelques années plus tard et Baré nous avait alors confié :  » Ça m’a fait mal mais c’est la vie, il y a des footballeurs qui sont comme ça.  » Il a travaillé avec Antoine Ettori, frère de l’ancien gardien Jean-Luc. Puis, il est passé dans l’écurie de Michael Becker, qui est l’agent de Michael Ballack notamment et bosse en collaboration avec l’épouse de Marc Wilmots. Becker a mis fin lui-même au contrat, estimant que le style de vie de Bailly ne lui permettait plus de le respecter. En janvier 2011, Eric Depireux s’est aussi occupé de son cas. Il lui avait cherché un club mais Gladbach ne voulait pas entendre parler de son départ à l’époque. Et aujourd’hui, c’est Mogi Bayat qui est sur l’affaire. Après l’échec total de MomoSarr et le succès très mitigé de Christian Benteke, Bailly lui offre l’occasion de valoir une première satisfaction à Genk.

PAR PIERRE DANVOYE

 » Si tu es malin, tu ne restes pas dans tes frustrations, tu te bats et tu reviens plus fort. Comme Witsel l’a fait après l’affaire Wasilewski.  » – (Georges Leekens)

Quand Bailly a cassé son contrat à Neuchâtel, Mönchengladbach n’a pas du tout envisagé de le reprendre, malgré son contrat jusqu’en 2013. Son horizon là-bas paraît définitivement bouché.

Après l’échec total de Sarr et le succès très mitigé de Benteke, Bailly offre à Mogi Bayat l’occasion de valoir une première satisfaction à Genk.

 » Je n’ai que 26 ans, mes meilleures années doivent encore venir.  » – (Logan Bailly)

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