» MA CARRIÈRE EST UN ENFER « 

De capitaine des espoirs du Standard à scout et bras droit de Dudu Dahan en passant par Gand, Roulers, Israël et la Pologne, Thom Mpoto est le parfait exemple d’un  » foot business  » qui touche les plus jeunes. A seulement 21 ans, il se livre sur un parcours tortueux.

« Mpoto ? Un joueur exceptionnel, le Patrick Vieira du Standard.  » Les propos de Christophe Dessy, directeur du centre de formation, sont élogieux, et mettent en valeur un joueur passé par l’Académie RLD durant trois saisons. Le grand Thom arrive à Liège à quinze ans après être passé par Rixensart et le Brussels.  » Tout allait pour le mieux ! En U17, je suis nommé co-capitaine d’une équipe qui terminera championne. Dans le vestiaire, j’étais le leader. Il y avait les Blancs d’un côté et les Noirs de l’autre. J’étais le relais des deux groupes et respecté de tous « . Sauf que la parfaite union entre lui et le club liégeois prend une tout autre tournure.  » Je ressens via le comportement de certains qu’on ne me veut plus. Je me demande alors qui essaye de me mettre de côté. Je jouais titulaire jusqu’à ce que Julien de Sart, qui s’était longtemps blessé, ne revienne dans l’équipe. Finalement, je suis évincé à son profit du jour au lendemain. J’étais dégoûté.  » Mpoto, sans contrat à ce moment, a une discussion avec Christophe Dessy qui lui fait comprendre que son futur au Standard risque d’être compliqué. Le joueur, en plein doute, succombe alors aux belles paroles d’agents. Le tournant d’une carrière annoncée prometteuse.

GAND ET ROULERS

Franco Iovino et Dudu Dahan entrent en concurrence pour enrôler le gamin. Le premier lui promet un avenir radieux à Gand, le second lui dit de rester chez les Rouches malgré sa situation. Le choix est vite fait.  » Je me rends dans le bureau de Michel Louwagie en décembre 2012 pour signer le contrat dans le dos du Standard. Je termine la saison sur le banc avant de débarquer à la Gantoise pour la reprise. Manu Ferrera m’annonce à mon arrivée que je dois jouer avec le noyau C et les joueurs non désirés, que je ne pars pas en stage. Je suis déjà KO, j’ai les larmes aux yeux. Iovino, furieux quand il apprend ça, me dit de ne pas aller m’entraîner dans de telles conditions. On finit par trouver un accord avec la direction pour me prêter à Roulers, alors détenu par Didier Frenay et Franco Iovino.  »

Le jeune Thom débarque chez les Roulariens avec l’étiquette de  » joueur de Frenay « .  » L’entraîneur, Sergiy Serebrennikov, ne faisait pas appel à mes services alors qu’on me promettait une place de titulaire « . Malgré sa situation de réserviste, c’est pour une histoire de jeu vidéo que ce beau bébé d’un mètre 90 sera mis sur le carreau.  » On parlait avec des coéquipiers de GTA V. Comme tous les adeptes du jeu, on part dans un délire et on s’imagine frapper le président avec une batte de baseball. On en rigole. L’écho arrive directement dans ses oreilles et il s’empresse de venir dans le vestiaire pour savoir qui avait évoqué ce scénario. Je vois alors les gars me regarder, se retourner vers moi et je ne sais rien faire. Que des hypocrites ! ». Thom est prié de plier bagage et de retourner à la case départ, synonyme de case prison à ses yeux. Après avoir goûté à deux plans foireux, Thom et son entourage décident de rompre le contrat qui le liait avec le clan Frenay. Au fond du gouffre, le jeune se retrouve sans rien. Avant que l’agent israélien Dudu Dahan ne refasse surface…

ISRAËL

Ce dernier voit les choses en grand pour son nouveau poulain. Mais il conseille le jeune de s’envoler pour son ancien club de D2 israélienne (où il est encore très influent), le Hakoah Maccabi Ramat Gan. Challenge accepté. Gand prête Mpoto six mois en Israël.  » Dahan m’explique que Duchâtelet était furieux quand il a appris mon départ du club. Je me rends compte qu’on m’aimait plus que je ne le pensais et que c’était une erreur de quitter le Standard. Je m’en voulais encore plus quand je remarquais que les joueurs de Dudu étaient sur la pelouse chaque week-end.  »

Thom pose ses valises à Ramat Gan, dans la banlieue Est de Tel Aviv. L’opportunité semble tombée du ciel.  » Je pars seul, je me sens seul mais je m’accroche. Avec toutes mes histoires, je n’allais plus avoir 50.000 propositions. Je suis mort de faim et je veux tout donner pour me relancer « . À croire que Thom, si affamé, mange la poisse à la petite cuillère.  » Je fais des débuts fracassants avec de superbes prestations qui m’offrent une place de titulaire. Après quelques semaines, quand je reprends goût au football, je suis à nouveau stoppé dans ma lancée après qu’un adversaire m’ait cassé le nez. Je n’ai jamais vraiment récupéré de ce coup, je devais jouer avec un masque en carbone mais ce n’était pas possible. Je jouais sans la protection et je devais mettre le frein à main dans mes interventions. C’est délicat pour un joueur qui va au charbon durant nonante minutes « . Relancé, Mpoto est sur le point de prolonger son bail de 6 mois mais il se voit interdire cette prolongation car le club est en proie à de gros soucis financiers.  » Je ne suis plus payé mais Dudu me donne de l’argent sans que je ne lui demande. Il s’est occupé de moi comme un père… Il me faisait sortir et visiter les environs car j’étais seul.  »

ROUMANIE ET POLOGNE

De retour au bercail, son agent essaie tant bien que mal de le placer en Belgique mais Mpoto ne trouve pas crampon à son pied.  » Je savais que ça allait être compliqué. J’ai disparu de la circulation. Ma carrière est un enfer et je dois en subir les conséquences. Il me parle d’un intérêt roumain en D2. J’ai accepté le challenge avant que mon père s’y oppose. Il voyait que mes potes du foot commençaient à percer et que je stagnais. Il ne voulait plus qu’on m’envoie dans quelque chose de farfelu, il voulait du concret et je suis donc resté coincé en Belgique. Jusqu’à l’appel de Dahan qui veut m’envoyer en test en Pologne, au Zawisza Bydgoszcz (D1). Je dois payer le billet alors que je n’ai pas d’argent puisque le club israélien ne m’a toujours pas payé. Le mec est riche et ne me le paie pas alors que c’est mon manager. Croit-il encore en moi ? Je n’ai pas le temps pour penser à la question. Je finis par m’arranger avec ma famille et j’arrive dans le club polonais, dans un climat hostile où j’ai des difficultés à m’acclimater. Alors qu’il est très vague sur cette affaire à Bydgoszcz, Dudu m’annonce qu’il s’agissait avant tout d’un test moral, qu’il voulait savoir jusqu’où j’étais capable d’aller pour réussir. Fier de moi, il m’annonce que plus jamais il ne me lâcherait. Durant cette période, j’apprends que mon oncle et ma tante sont décédés dans un accident de la route au Congo lors de leurs vacances. Alors que je pouvais enfin me retrouver quelque chose de fiable dans une bonne équipe, je refuse le deal pour être auprès de mon cousin, bouleversé par les événements. Là, c’est la goutte de trop, c’est comme si on voulait me faire passer un message. À chaque fois, je passe à cinq centimètres d’une occasion formidable « .

SERAING ET LA FIN

Le père du joueur, soucieux, entre en contact avec Seraing sans rien dire à Thom.  » J’intègre la réserve du club où l’on me dit que je dois reprendre du rythme avant de retrouver les A. Vincent Ciccarella, directeur sportif, déclare qu’il ne me faudra que quelques semaines pour y parvenir. Des mois voulait-il dire… Lorsque je me retrouve en avril avec les A, je suis enfin disponible pour les matches mais le club m’apprend que je ne peux pas jouer pour une histoire d’affiliation. Il ne faut pas se foutre de ma gueule non plus ! J’effectue une préparation de feu et j’entrevois le bout du tunnel lorsque je me retrouve face à Steven Defour dans un match amical. Alors que les prolongations de contrat arrivent, Ciccarella me déclare que je ne serai pas prolongé pour des raisons de partenariat avec Metz. Je me rappelle avoir marché seul à minuit ce jour-là. Toutes les émotions possibles m’ont traversé l’esprit. Fin août, je vais à l’Union belge pour consulter mon statut de joueur et ils me disent que j’appartiens à Seraing. Si je ne signais pas avant le 31 août quelque part, je devais purger à Seraing jusque fin avril 2016. J’appelle Dudu dans l’empressement pour qu’il essaye de me trouver quelque chose mais il me dit qu’un miracle ne peut pas se produire en cinq jours. J’allais donc me retrouver sans club toute une saison, d’où l’arrêt de ma carrière.  »

SCOUT POUR DAHAN

 » Dans la situation critique que j’ai vécue, il ne fallait pas espérer grand-chose même si mon agent était Jorge Mendes… Tout aurait été à base de tests et je n’en voulais plus. Avec l’allure que ça prenait, je ne pouvais pas ambitionner plus que la D3 ou la Promotion… et un retour aux études par conséquent. J’avais trop décroché pour retourner sur les bancs de l’école. C’est alors que Dudu Dahan m’a proposé de collaborer avec lui. Il m’a toujours dit qu’il aurait une place dans ses affaires si j’en avais besoin.

Je suis devenu son scout et je fais de l’assistance pour les joueurs de Dudu sur le sol belge. Je rencontre des plus jeunes et ça me permet d’évoquer le parcours que j’ai eu. En les encadrant, je peux les conseiller pour ne pas commettre les mêmes erreurs. C’est une fonction que j’affectionne et j’espère apprendre, à travers mon récit, beaucoup de choses à des mômes, souvent insouciants « .

PAR SÉBASTIEN FERRANTE – PHOTOS BELGAIMAGE/CHRISTOPHE KETELS

 » Je m’en voulais encore plus d’avoir quitté le Standard quand je remarquais que les joueurs de Dahan étaient sur la pelouse chaque week-end.  »

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