« Ma Belgique »

Le coach français est chez nous depuis cinq ans et a déjà su se faire une bonne idée de notre petit royaume…

Vous avez un pied dans la corporation journalistique belge… Que vous apporte cette collaboration avec BeTV lors des soirées de Ligue des Champions ?

Albert Cartier : Ce sont toujours de bons moments durant ma semaine en Belgique. On forme une bande de copains et je prends toujours beaucoup de plaisir à les revoir. Sur le plateau, j’essaie d’apporter mon expertise, tout en étant complémentaire avec les autres invités. Comme dans toute bonne équipe, il faut un équilibre. Intervenir au bon moment, parler ni trop ni trop peu. Au départ, on était très technico-tactique. Désormais, on essaie de rendre nos analyses plus accessibles au grand public, tout en étant très concret. Pendant le visionnement d’une rencontre en direct, on fait régulièrement des arrêts sur image, on retient certaines phases pour les ressortir à la mi-temps ou à la fin du match. J’apprends aussi beaucoup au contact de personnes formées dans d’autres sports, comme Jean-Michel Saive ou Giovanni Bozzi.

Un potentiel mal exploité

Vous travaillez en Belgique depuis cinq ans. Quel regard portez-vous sur le football belge ?

C’est un championnat plus compliqué que certains veulent bien le dire. D’ailleurs, certains joueurs étrangers qui avaient une très bonne réputation chez eux se sont plantés ici. Le football belge est, à mes yeux, un petit football anglo-saxon qui jouit d’une médiatisation moindre que les championnats voisins mais qui n’en demeure pas moins compétitif. On pratique souvent un jeu direct, physique et viril, mais pas méchant comme c’est parfois le cas ailleurs. Quelques joueurs font la différence, comme Mbark Boussoufa, Steven Defour, Bryan Ruiz ou Elyaniv Barda. Ce qui fait la force du championnat de Belgique, c’est sa diversité. La qualité n’est pas celle de la Premier League, les assistances ne sont pas équivalentes à celles de la Bundesliga, mais on doit cesser de dire qu’il n’y a pas de qualité. Il y a aussi de bons jeunes joueurs en Belgique : regardez les performances des Espoirs aux Jeux Olympiques, ou celles des jeunes du Standard et de Genk. Faire de la formation, c’est recruter, former, puis mettre en vitrine. Jusqu’à il y a quelques années, on n’osait pas faire le dernier pas en Belgique, c’est-à-dire offrir une chance à ces jeunes de talent. On martelait toujours : -18 ou 19 ans, c’est trop tôt pour jouer en D1 ! On ne doit pas en aligner six ou sept en même temps, mais au moins leur donner l’occasion d’apprendre leur métier. Comme on le fait avec Eden Hazard à Lille. Il joue tantôt 90 minutes, tantôt 30 minutes. On ne le grille pas, mais il reçoit du temps de jeu. Un gros problème constaté en Belgique, ce sont les compétitions qui ne sont pas structurées comme il le faudrait. Il n’est pas normal que la Coupe de Belgique soit complètement laissée à l’abandon. Ne pourrait-on pas trouver trois sponsors importants pour la rendre attractive ? Floquer le logo de RTLTVI sur les maillots, comme on le fait avec les sponsors de la Coupe de France ? Dans l’Hexagone, la Coupe de la Ligue se jouait avec les équipes Réserves jusqu’au jour où l’on a offert des millions d’euros et une place en Coupe de l’UEFA. Aujourd’hui, les plus grands clubs en font un objectif. Et on ne fait pas la fine bouche lorsqu’un club de Ligue 2 arrive en finale. Au contraire : cela ajoute du piment. En Belgique, on organise les quarts de finale en aller-retour pour éviter qu’un petit ne s’aventure trop loin. C’est n’importe quoi. Comme la réforme du championnat. On veut un championnat à 16 équipes ? Très bien. Pourquoi pas à 14, voire à 12 ou à 10 ? Cela pourrait marcher également. Mais je me pose une question : si l’on n’avait pas des clubs comme Roulers, Dender ou Tubize, où joueraient Vittorio Villano et d’autres jeunes joueurs qui doivent se faire les dents ? En D2 ? Croyez-vous vraiment qu’ils deviendraient de bons joueurs dans l’antichambre ?

Passionnante Belgique

Le parcours européen du Standard s’est achevé la semaine dernière…

On reste avec le sentiment qu’il aurait pu passer. On avait davantage craint l’échec face à Everton, Séville ou la Sampdoria, que face à Braga. C’est le foot. Et cela démontre que, dans une confrontation par aller-retour, c’est toujours le match aller le plus important.

Dans l’optique d’une reconquête du titre, cette élimination est-elle favorable au Standard ?

Je ne le pense pas. Elle sortira les joueurs d’une certaine dynamique, les privera de matches de haut niveau où ils ont dû élever leur rythme. Croyez-moi, ils ne demandaient pas mieux que de pouvoir affronter le Paris Saint-Germain au tour suivant. Malgré tout, je fais d’Anderlecht mon favori pour le titre. J’avais annoncé le Standard champion l’an passé, j’annonce le Sporting cette année. Parce que, malgré tout ce qu’on a pu écrire sur cette équipe, elle est bien présente. Cela dit, si vous me demandez le club belge n°1 à l’heure qu’il est, je répondrai le Standard. Pour ses performances sur la scène européenne, mais aussi pour son public, ses infrastructures et sa formation. L’Académie Robert Louis-Dreyfus, par rapport à Neerpede, c’est le jour et la nuit. Le Standard sort des jeunes, Anderlecht pas.

En tant que Français, comprenez-vous nos querelles communautaires ?

Je trouve dommage qu’on résume l’avenir de la Belgique à des problèmes linguistiques. Personnellement, je trouve que la Belgique est belle, sympathique, passionnante, motivante. J’y ai trouvé mon bonheur, mon épouse peut en témoigner. Récemment, elle l’a encore confié à des amis : – AlbertrayonneenBelgique ! Elle a passé la semaine des vacances de carnaval ici, avec mes deux filles. L’aînée, âgée de 23 ans, passera ce mois-ci son concours d’entrée pour devenir avocat. La cadette, âgée de 17 ans, passera son BAC en juin et est déjà venue visiter les écoles d’architecture de Bruxelles, pour une spécialisation en design d’intérieur. Il n’est pas exclu que, l’an prochain, je m’établisse avec toute ma famille en Belgique.

 » Les Diables de René seraient les miens « 

On évoque parfois l’idée d’un entraîneur étranger pour éviter les querelles communautaires chez les Diables Rouges. Comment considérez-vous notre équipe nationale ?

L’équipe que René Vandereycken avait réunie lors du dernier match amical contre la Slovénie était, à mes yeux, l’équipe idéale. A condition, bien sûr, d’y adjoindre les joueurs blessés comme Vincent Kompany et Marouane Fellaini. Je ne vois pas ce qu’il aurait pu changer à ce groupe-là. Si j’avais été à sa place, j’aurais sélectionné exactement les mêmes joueurs. Après avoir cherché pendant deux ou trois ans, il a touché au but. Cela ne signifie pas que les Diables se qualifieront d’office pour la Coupe du Monde 2010, car entre-temps des points ont été perdus en cours de route, mais le chemin pour l’avenir est tracé. Il faut, évidemment, tenir compte de la forme ou de la méforme des uns et des autres, puis adapter le schéma tactique en conséquence. Ceci dit, René sait très bien ce qu’il doit faire. Il faut le laisser travailler et le soutenir. En France, les entraîneurs de Ligue 1 ne critiquent jamais le directeur technique national. En ce qui me concerne, je suis derrière Vandereycken à 100 %.

par daniel devos

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