M. le Conseiller

Les nombreuses vies de l’attaquant de Lommel: joueur, nouveau citoyen belge et politicien.

Lommel vit une saison sans problème. Les Limbourgeois ont parfaitement surmonté leur relégation en D2 et ils survolent leur championnat. Le titre est pratiquement acquis et la fête pourrait déjà être programmée, car l’équipe de Harm van Veldhoven a creusé un écart quasiment insurmontable sur son plus proche poursuivant, Turnhout.

Pourtant, ce soir, les Limbourgeois ont un rendez-vous important. Dans un derby toujours très disputé, Lommel va affronter le Racing Genk, en demi-finale de la Coupe de Belgique. Sa mission n’est pas impossible car le tenant de l’épreuve vit une saison plutôt décevante. D’ailleurs, Alost, La Louvière et Lokeren peuvent en témoigner: affronter Lommel n’est pas un cadeau. Surtout dans ce qui est redevenu l’enfer du Limbourg.

Mirek Waligora est un des joueurs-clefs de la saison. Agé de 31 ans, cet avant de poche vit une année de rêve: le 30 novembre, son fils David est né, et le 14 juin, il avait obtenu la nationalité belge.

« J’étais en fin de contrat. Si je voulais un jour évoluer en Grèce ou en Espagne, je devais émarger à la Communauté Européenne, pour échapper à la limitation du nombre d’étrangers. Plusieurs managers me l’ont conseillé. Ma femme Jolanta se plaît beaucoup ici. Au bout de sept ans, elle y a même plus d’amies qu’en Pologne. Elle veut à tout prix rester ici. Notre enfant est né belge. Je devais m’adresser à l’ambassade de Pologne pour lui obtenir la double nationalité. J’y tenais, afin qu’il ait le choix à 18 ans. Mais la Pologne va bientôt rejoindre l’Union Européenne et ça va tout faciliter. Mon double passeport a changé peu de choses. Auparavant, ceux qui fuyaient en Allemagne étaient considérés comme des traîtres. Ces temps sont révolus. Maintenant, je dois remplir moins de paperasses si je veux visiter l’Amérique, par exemple. Retourner en Pologne? J’hésite mais ma femme aura son mot à dire. Je reste polonais. Je suis né là-bas, j’y ai grandi jusqu’à mes 24 ans. J’ai la mentalité polonaise. Parfois, ma famille me manque. Les Belges sont plus distants que nous. Ils placent des barrières, même vis-à-vis de leur famille et de leurs amis. Quand je rends visite à mes deux soeurs, je ne dois pas leur téléphoner avant. Je suis le bienvenu n’importe quand.

J’apprécie beaucoup la convivialité limbourgeoise. Je viens de Cracovie, une cité d’un million d’habitants, une ville estudiantine très ouverte à la culture. Elle est comparable à Bruxelles ou à Anvers. Ici, j’habite un petit village, au milieu de la nature. Je suis d’un naturel paisible, je n’aime pas être au centre de l’attention générale. C’est encore possible à Lommel. Certes, tout le monde me connaît, mais on ne m’ennuie pas. En plus, nous n’habitons plus dans un immeuble de vingt ou trente étages comme en Pologne. Nous ne sommes plus enfermés dans une sorte de caserne. Jamais je n’ai été confronté au racisme. Ma famille est d’un naturel aventurier. Mon père a travaillé comme chauffeur en Irak et au Portugal. Ma mère et lui ont déménagé aux Etats-Unis. Mon propre départ pour la Belgique n’était donc pas surprenant. Je m’y suis bien implanté.

Je suis un enfant du communisme. Nous n’avons manqué de rien car ma mère travaillait dans un magasin. La Pologne est devenue une démocratie. Tout s’est occidentalisé. Les gens doivent étudier ou travailler dur pour avoir une situation. La vie était plus facile avant. Le chômage atteint 40 %, mais si les jeunes étudient, ils peuvent gagner beaucoup d’argent dans le secteur des technologies. Toutefois, il n’y a pas encore de classe moyenne ».

Le 8 octobre, Waligora a été élu conseiller communal

Mirek Waligora: « Les gens avaient manifestement confiance en moi puisque j’ai obtenu 984 voix de préférence. Je ne m’attendais pas à un tel succès car je n’ai pas de famille ici et je ne suis qu’un joueur banal. La nouvelle a même fait la Une de quelques journaux polonais. J’étais candidat sur la liste SP, à la demande du bourgmestre, Louis van Velthoven, notre plus fervent supporter. J’ai accepté par respect pour ce qu’il a réalisé. La Ville est un peu notre sponsor. Ma connaissance de la politique belge reste très limitée. Il m’a fallu un cours accéléré pour m’y retrouver dans tous les niveaux de gouvernements, de parlements et dans les statuts (il rit). Mais cette activité ne me prend pas beaucoup de temps. Je dois seulement assister aux réunions du parti. Je n’ai pas de véritable ambition politique. Seul le conseil communal m’intéresse. Pas question de devenir bourgmestre car Lommel en a déjà un très bon. Pour l’instant, je siège dans deux groupes de travail sur le sport, la culture et la jeunesse. Je ne veux pas que les jeunes Lommelois traînent dans la rue, pas plus que dans les cafés ou devant leur ordinateur. Il faut surtout les préserver de la drogue, leur faire prendre conscience de ce danger et leur offrir des loisirs sains, dans les clubs sportifs ou les mouvements de jeunesse. La drogue est terrible. Je veux qu’ils en prennent conscience. La nouvelle salle de sports est presque prêt. Les enfants pourront y pratiquer tous les sports possibles et imaginables, du judo au tennis.

Maintenant, je suis au courant de tout. J’ai été élevé dans la foi catholique mais ça ne m’a pas empêché de choisir le parti socialiste… Il s’intéresse au sort de tous les gens. C’est important à mes yeux. Peut-être vais-je être bientôt confronté aux travaux d’aménagement de notre stade et aux budgets nécessaires. Il faudra trouver des places de parking supplémentaires d’ici 2005. Ce sera sans doute sous la forme d’un parking souterrain. Mais un jacuzzi et un sauna seraient également bienvenus (il éclate de rire)« .

Le joueur entretient des relations amicales avec le bourgmestre. De là à penser que cela le rend intouchable…

« Je ne suis pas le protégé du bourgmestre. Nos liens n’ont aucune influence sur ma situation sportive. Harm ne tolèrerait d’ailleurs aucune immixtion dans ses fonctions. Pour l’instant, tout se déroule comme dans un rêve. Comment faire mieux? Nous sommes en tête et en demi-finale de la Coupe. J’ai beaucoup évolué depuis mon arrivée à Lommel. Au bout de sept ans, j’ai acquis de l’expérience, j’ai appris à participer à la récupération du ballon, j’ai obtenu des responsabilités. Je suis très polyvalent. Je peux évoluer avec le même bonheur dans l’entrejeu ou comme deuxième avant. Délivrer des assists reste ma spécialité. Je ne suis pas un finisseur. Disons que je suis un préparateur à 60 % et un buteur à 40 %. La saison dernière, j’ai inscrit neuf buts et délivré sept assists. J’en suis maintenant à sept buts et 25 assists. C’est énorme car il n’y a ni coups francs ni penalties dans ces chiffres.

Je suis heureux à Lommel. Je suis épargné par les blessures, et bientôt, nous allons fêter le titre. Une seule chose m’a été refusée: un transfert vers un club d’un niveau supérieur. Je le regrette, surtout quand je vois le parcours de Khalilou Fadiga, Marc Hendrikx et Jochen Janssen. Je n’ai certainement pas encore retiré le maximum de ma carrière. L’été passé, j’ai prolongé mon contrat de trois saisons. Je n’envisagerais un départ que s’il s’assortissait d’une nette amélioration financière et sportive. Mais au fond, je suis devenu un clubman. Je préfère rester à Lommel que d’atterrir sur le banc d’une équipe étrangère et ne pas être satisfait.

Un fossé incroyable sépare la D1 de l’étage inférieur, essentiellement sur le plan de la relance et de la vitesse d’exécution. Parfois, en D2, on attrape mal au cou, avec tous ces longs ballons. Heureusement, nous aurons limité notre purgatoire à une seule saison. Je préfère Anderlecht à Hekelgem. Je déteste jouer à proximité d’une autoroute (il rit). »

Frédéric Vanheule

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