« M…, Everton ! »

Journal condensé un peu bling-bling mais très informé sur les événements de vendredi dernier dans la célèbre Principauté ; entre réunion ESM, tirages au sort UEFA, punition russe pour Man U en Supercoupe et arrivée d’Advocaat à la tête des Diables.

Arrivée tardive sur le tarmac brûlant de l’aéroport de Nice jeudi soir. Un transfert individuel nous attend et, très vite, la Toyota aux grands logos de Supercoupe fend l’air lourd de la canicule. Traditionnellement, l’UEFA descend sur Monaco à cette époque de l’année pour le match entre les vainqueurs de la C1 et de la C2 et les tirages au sort. C’est le grand début médiatique de la saison des clubs.

Sport/Foot Magazine est membre d’ESM et, à ce titre, l’UEFA l’a invité à sa Media Task Force. D’ailleurs, le programme officiel de la Supercoupe comprend deux pages consacrées au referendum ESM Golden Shoe, récompensant cette saison le buteur portugais de Manchester United, Cristiano Ronaldo.

On aperçoit les premières grosses bagnoles pilotées par des Russes fans du Zenit Saint-Pétersbourg qui filent vers Monte Carlo. Les fanions bleu clair sifflent aux fenêtres derrière lesquelles des blondes ne se cachent pas. En arrivant à Monaco, tout est encore plus clinquant que d’habitude. On est plongé dans une BD de LargoWinch. Les yachts, le casino, les Ferrari et la sécurité omniprésente. Cette fin de semaine, ce sont les grosses réunions de l’UEFA, les tirages au sort et la Supercoupe. La Principauté ne manque pas une occasion de faire parler d’elle, et surtout par le sport étant donné l’attirance qu’a pour lui le Prince Albert II.

En descendant au Méridien Beach Plaza Hotel, on tombe pile sur le Dr Michel D’Hooghe, le président du Club Bruges. Bonze de la commission médicale UEFA, il revient du célébrissime Sporting Club où la fédération européenne a décerné ses prix pour la saison. D’Hooghe est bronzé, relax et sympa mais il ne cache pas qu’il est un peu nerveux à la veille du tirage au sort de la Coupe de l’UEFA prévu pour le lendemain :  » D’abord par rapport à l’adversaire qu’on risque de tirer et puis sur l’état de forme du Club. On a évité les deux premiers matches de championnat du fait de la participation de nos Olympiens Jeroen Simaeys et Laurent Ciman à Pékin et ce n’est pas idéal. On n’aura jamais que deux matches dans les jambes avant notre premier match de C2 le 18 septembre… dont un à Tubize. Je ne dirais pas que le staff sportif m’a imposé cette solution, mais j’ai vraiment dû choisir entre la peste et le choléra.  »

Quand on lui demande des nouvelles du nouveau stade du Club, son visage s’éclaire puis s’assombrit :  » Le gouvernement flamand est pour notre projet mais le bourgmestre de Bruges est contre… Allez comprendre. Attention, je n’ai pas dit mon dernier mot : je ferai tout pour avoir le stade à Loppem, à l’intersection de toutes les routes importantes. Je crains toutefois que le Standard aura son nouveau stade avant nous. « 

On s’endort peu après dans une chambre de palace sans se préoccuper de la note de frais. Comme tous les invités de Michel Platini, j’ai une pensée pour le président de l’UEFA…

Verschueren reste lucide

Le lendemain, petit déjeuner à huit heures avec Jose Manuel Delgado, notre collègue portugais d’ A Bola qui a joué avec Luciano D’Onofrio au Portugal et qui est un ami. Il trouve bien des qualités à Laszslo Bölöni qu’il a suivi pendant son parcours au Sporting Lisbonne entre 2001 et 2003 :  » Il n’avait qu’un défaut : il ne restait pas assez serein quand il encaissait deux défaites d’affilée.  » On verra.

Après un second café, on tombe nez à nez avec Michel Verschueren, l’ex-secrétaire général et manager d’Anderlecht qui ne nous a plus adressé la parole depuis la fête des 50 ans d’ AlainCourtois en juin 2001 ! L’éternelle histoire des personnages publics qui acceptent moins bien les critiques que les compliments ? Verschueren :  » Non, là vous étiez allé trop loin parce que Verschueren a toujours accepté la critique, hein !  » Ah bon. En tout cas, le renard argenté d’Anderlecht ne nous en veut plus et c’est très bien comme ça.

Mais qu’est-ce qu’il fichait là puisqu’Anderlecht a été écarté de façon ignominieuse des coupes par Bate Borisov ? Ah oui, on se souvient juste à temps qu’il fait partie de l’European Club Association, l’ancien G14, menaçant regroupement des plus grands clubs européens que l’UEFA a fini par contrôler définitivement… On a évité de le vexer. Et l’élimination ? Verschueren :  » Mais on n’était pas prêts ! Ce n’est plus à moi de dire ce qui n’a pas été mais pourquoi avoir accepté, par exemple, qu’un Jelle Van Damme se fasse opérer après son mariage à l’intersaison… et soit du coup en retard à la reprise ? » Si Verschueren est sans doute devenu un peu plus philosophe qu’avant, il est resté extrêmement lucide…

On avait aussi rendez-vous avec le président mauve Roger Vanden Stock à Monaco où il devait venir en tant que membre de la commission des compétitions UEFA. Mais le décès de sa maman, quelques mois à peine après celui de son père, l’a obligé à annuler le voyage.

Il est 9 h 30, direction la Salle Atlantique du centre de congrès du Méridien Beach Plaza pour la réunion ESM. Quelques détails en exclusivité mondiale : tout d’abord, la remise du trophée Golden Shoe. Cristiano Ronaldo a dit à Delgado qu’il voulait le recevoir sur son île natale de Madère et qu’il serait disponible pour une grande interview ESM. Comme il se remet de son opération à la cheville, ce sera possible fin septembre. On a plus de problèmes avec notre autre referendum, celui de Coach de l’Année attribué à l’Ecossais Alex Ferguson. Le coach de Man U déteste les mondanités et préférerait recevoir le trophée entre deux portes sans accorder de longue interview. Il est très ami avec Marcello Lippi, le vainqueur d’il y a deux ans, mais n’est pas aussi sociable… Le patron de la Squadra nous avait accueilli chez lui, à Viareggio pour rappel !

Autre projet important d’ESM : une interview à Zurich avec Sepp Blatter, le président de la FIFA pour parler des problèmes du foot aux Jeux Olympiques et de la préparation de la Coupe du Monde en Afrique du Sud.

 » On nous a proposé des transferts pharamineux  » (Luciano D’Onofrio)

Il est midi, on s’embarque en costume beige et Ray Ban vintage pour le tirage au sort au Forum Grimaldi. Dix minutes à pied mais on accepte la voiture climatisée par ces chaleurs… A Monaco, il faut se la jouer comme ça parce que même les conducteurs de bus ont des looks de gravures de mode italienne. La veille, le jeudi après-midi, les tirages au sort des groupes de Ligue des Champions ont eu lieu sans les Belges. Aujourd’hui, pour la C2, il n’y a ni Anderlecht ni La Gantoise écrasée 4-0 à Kalmar, en Suède. Dans l’auditoire, il y a seulement des places numérotées pour le Standard de Liège et le Club Bruges. Avant de rentrer dans l’auditorium, on a échangé quelques mots avec un Platini pas peu fier d’avoir joliment dégonflé sa silhouette et encore sous le charme du Standard à Anfield :  » Vous avez bien joué mais ça ne m’étonne pas, je sais que vous avec des bons joueurs en Belgique pour l’instant. Mais il faut que ça revienne, hein ! Vous êtes un peu loin… « 

D’Hooghe est déjà assis quand Luciano D’Onofrio, le vice-président exécutif du Standard entre dans l’auditorium. Blazer bleu marine, chemise bleu clair en oxford, jeans sable et pieds nus dans ses chaussures. Classieux. On est assis juste à sa droite et on a dû entendre un million de fois : – Dommage à Liverpool… D’Onofrio :  » ç’aurait pu être une très belle histoire car dans les poules, on aurait pu montrer encore de plus belles choses. Milan Jovanovic, par exemple, n’était pas encore prêt, mais il le sera bientôt. En tout cas, toute l’Europe est consciente de la valeur de nos joueurs… Je ne veux pas citer de noms ou des sommes, mais en 36 heures, on nous a proposé des transferts pharamineux. Je m’étonne quand même que l’étranger n’ait pas été plus tôt au courant de la valeur des Rouches… L’effet Liverpool ? OK, appelez ça comme ça. « .

6.000.000 d’Anglais ont vu le match et la manière dont Bölöni avait préparé son équipe. D’Onofrio :  » Je savais qu’il poursuivrait sur la lancée de Michel Preud’homme, même s’il est différent dans l’approche des joueurs.  » Ces derniers paraissent en tout cas avoir déjà passé un nouveau cap de maturité tactique.

Le tirage de la C2 a commencé : la main innocente est celle de Can Bartu, un ancien joueur de Fenerbahce. La finale aura lieu dans sa ville d’Istanbul et il a la particularité d’avoir été footballeur et basketteur de haut niveau dans les années septante. Une fois, il marqua même deux buts pour le club de foot du Fener l’après-midi et 31 points pour celui de basket le soir ! Il donne un assist à Bruges (tête de série) avec les Young Boys Berne. Par contre, il est brutal avec le Standard (non tête de série) : Everton.  » M… !  » laisse échapper D’Onofrio. Il se ressaisit vite :  » Encore Liverpool. On aurait pu réserver le même hôtel. Les droits de télé seront bons mais j’aurais préféré tirer les Roumains qui étaient dans notre groupe. Si ce tirage n’est pas une réussite, je n’ai quand même pas peur d’Everton.  »

 » De nouveau dommage pour le Standard « , dit sportivement Filips Dhondt, manager général du Club Bruges.

 » Everton, ce n’est pas si fort « 

Mais que vaut Everton ?  » Ce n’est pas si fort « , affirme Gavin Hamilton, notre collègue de World Soccer.  » Le club est en crise, leur CEO s’en est allé à l’intersaison et n’a pas été remplacé. Les supporters sont fâchés parce qu’il n’y a pas eu de transferts importants pour augmenter le niveau. Le seul vrai atout d’Everton est son coach, l’Ecossais David Moyes, qui tente toujours de transmettre son enthousiasme à l’équipe. « . Le lendemain du tirage, ce ne fut pas frénétique chez les Toffees : 0-3 contre Portsmouth ! Entre-temps, l’arrivée de Louis Saha, l’avant trentenaire de Manchester United, a été officialisée.

L’après-midi tire à sa fin : il est temps d’aller tremper un orteil du côté de la plage privée de l’hôtel où un filet empêche les méduses de passer. Mais il faut vite partir pour le Stade Louis II et la Supercoupe. Les rues de Monaco sont envahies par des hordes de Russes sympas. Le stade est plein et aux couleurs bleu pâle du Zenit. Gag prémonitoire : en traversant la pelouse juste avant le début du match pour prendre place sur son banc, Sir Alex Ferguson trébuche sur un câble de télévision ! Il râle un bon coup et ça va se répéter.

Manchester est affaiblit sans C. Ronaldo, Owen Hargreaves et Ryan Giggs. Nani, par exemple, n’en touchent pas une tandis que Wayne Rooney et Carlos Tevez se marchent sur les pieds, l’Argentin étant le plus brillant. Le Zenit joue mieux et mène logiquement à la mi-temps (but de Pavel Pogrebnyak à la 44e). Les Russes enregistrent alors 58 % de possession du ballon contre 54 % sur l’ensemble du match parce que les Anglais sont meilleurs après le repos, contrant l’apport supplémentaire d’un Andrei Arshavin monté au jeu. Mais Danny marque le 2-0 à la 59e. Le Portugais qui vient d’être transféré de Dynamo Moscou pour 30 millions avait une entrée tonitruante dans l’équipe et est élu Homme du match. Nemanja Vidic réduit l’écart pour le champion d’Europe mais c’est le vainqueur de la Coupe de l’UEFA qui remporte son second trophée en quatre mois.

 » Je connais très bien la Belgique…  » (Dick Advocaat)

Il y avait longtemps qu’on n’avait pas assisté à une finale de Supercoupe aussi belle. Ferguson est le premier à reconnaître que son adversaire méritait amplement la victoire :  » Et surtout, plus j’avance dans mon métier et plus je me rends compte que pour gagner, il faut marquer le premier. Ce qu’ils ont fait. « 

Il regrettait que Paul Scholes ait été exclu et rate de ce fait le premier match de LC :  » Cependant on devrait se qualifier pour le tour suivant des éliminations directes car cette équipe va forcément encore progresser.  »

On savait que le boss de Man U était à L’pool mercredi dernier pour scouter les Reds qu’il va rencontrer en Premier League :  » Le Standard constitua une révélation pour moi. Dernièrement, les résultats des équipes belges ne sont pas bons mais le Standard jouait avec beaucoup de vitesse, d’organisation et une haute qualité dans les passes. En plus, il n’a jamais eu peur, bref il m’a impressionné.  »

Après le passage express et toujours un peu froid de Sir Alex en conférence de presse, voici le coach hollandais Dick Advocaat. Lui, c’est autre chose, véritable pile électrique, il est tout sourire. Malgré les préoccupations du conflit en Géorgie, le président de l’Etat russe Dmitry Medvedev vient de lui téléphoner pour le féliciter. Medvedev est l’ancien patron de Gazprom, le plus gros extracteur de gaz naturel au monde, une compagnie privatisée dans des conditions dignes d’un polar politico-financier et qui est le sponsor du club. Ce sera dur pour Advocaat de quitter le Zenit qu’il coache depuis deux ans et qu’il a placé sur la carte européenne mais la séparation se profile à l’horizon. Son contrat expire en décembre. Saint-Pétersbourg et la Russie voudraient le garder mais le bonhomme n’est pas sûr de pouvoir continuer la progression qu’il a en tête pour la Ligue des Champions et ça l’embête :  » Tous les matins, je me demande si Arshavin va rester. On a engagé Danny et il est excellent mais il est là pour jouer avec Arshavin, et pas le remplacer. On a aussi un problème d’arrière central car Nicolas Lombaerts en a encore pour de longues semaines avant de revenir à son meilleur niveau. On joue bien et on est dangereux pour tout le monde quand on reste très haut sur le terrain, mais on souffre quand on recule car on manque de taille derrière. Or, j’ai besoin de stabiliser ma défense parce que les Russes ont l’attaque et les combinaisons dans le sang.  »

Le Zenit se trouve à un tournant de sa courte histoire européenne et Advocaat ne restera que s’il a des garanties de pouvoir améliorer son équipe pour encore progresser. Autrement, il s’en irait. A bientôt 61 ans, il a fait fortune sur les terrains. D’abord modérément comme joueur et puis, surtout, comme entraîneur (PSV, équipes de Hollande et Corée du Sud, Emirats, Glasgow Rangers, etc.) Il serait à la recherche d’un nouveau défi qui entre dans le cadre de ses conceptions de beau football et le rapprocherait de ses racines. La Hollande, certes, mais aussi sa maison au nord d’Anvers car joueur, il avait passé un an à Berchem Sport en 82-83. Du coup, des collègues hollandais le voient devenir le prochain patron des… Diables Rouges !

Advocaat :  » Ecoutez, je suis employé du Zenit et les Diables ont René Vandereycken comme coach. Pas question de répondre autrement. Et j’espère que les Belges aborderont bien leurs prochains matches de qualification en Coupe du Monde. Si je connais le potentiel du foot belge ? Ecoutez, comme tout le monde j’ai vu l’équipe belge prester à Pékin et je connais toute sa nouvelle génération. « 

A-t-il seulement une idée de la rumeur qui le voit remplacer Vandereycken à court terme si la sauce Diables ne prenait pas ? En souriant, il lâche :  » Non, mais c’est vrai que je connais très bien la Belgique… « 

Le Stade Louis II est redevenu désert et retour à l’hôtel dans un Monaco où les Russes pavoisent dans le calme et la bonne humeur. Amarrés dans le port, quelques yachts arborent des drapeaux russes avec le nom du sponsor Gazprom. L’histoire est que tous les Russes qui comptent vont se retrouver à la disco Zebra pour une soirée (nuit !) privée donnée par Roman Abramovich, le boss de Chelsea. On se dirige plutôt vers le bar de notre hôtel où Platini est en train de rigoler avec le faux sévère Fabio Capello, entraîneur de l’équipe d’Angleterre.

 » J’ai assez souffert comme ça à la Fédération  » (Michel D’Hooghe)

Le lendemain matin, à l’aéroport, on retrouve Michel d’Hooghe qui rigole quand on lui dit que le Club est tombé sur un adversaire suisse comme l’AC Milan (Zurich) :  » Merci de la comparaison mais on ne va pas sous-estimer les Bernois. J’ai les infos sur notre victoire d’hier soir à Tubize : on a mal joué mais il fallait gagner. Finalement, c’est tout ce qui compte pour tout le monde. J’espère que le Standard et le Club passeront le prochain cap. « 

Son pronostic pour Belgique-Estonie de samedi ? Un peu horrifié :  » Ecoutez, j’ai été président fédéral pendant 14 ans et j’ai assez souffert comme ça. Pour gagner, il faut vouloir être offensif et jusqu’à présent, avec les Diables, on peut avoir de sérieux doutes sur cette volonté. Pourtant on a des bons joueurs. On l’a vu aux Jeux olympiques et mercredi passé à Liverpool, non ? »

L’avion de le SN Airlines est en vol et D’Hooghe jette un coup d’£il par le hublot :  » Monaco, c’est quand même un peu artificiel, n’est-ce pas. La vieille ville vaut le coup, mais je préfère quand même la Côte d’Azur de Roquebrune-Cap-Martin où j’ai passé mes vacances dans ma jeunesse. Cette lumière, ces odeurs…  » Le patron du Club pousse un soupir et se met à rêver. Sans doute à ses prochaines vacances toscanes au guidon d’une Vespa…

par john baete

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