» M’éclater « 

L’attaquant polonais a purgé ses quatre matches de suspension et s’apprête à effectuer sa rentrée contre le Cercle Bruges.

Suspendu pour les quatre premiers matches du championnat après avoir été exclu à Beveren (son ancien club !) la saison dernière, Marcin Zewlakow a trouvé le temps long.

Dimanche prochain, il pourra effectuer sa rentrée face au Cercle Bruges, un match que les Hurlus devront à tout prix remporter après leur 3 sur 12 initial.

Vous sentez-vous des fourmis dans les jambes ?

Marcin Zewlakow : Un peu, oui. Le football me manque. Un ou deux matches de suspension, passe encore. Mais quatre, c’est énorme.

Qu’avez-vous fait pour être sanctionné de la sorte ?

Je me suis rendu coupable d’un petit geste, pas bien méchant selon moi, mais que l’arbitre assistant a interprété comme répréhensible. Je n’ai pourtant pas une réputation de joueur violent. En cinq ans, c’est seulement mon deuxième carton rouge. J’ai été sévèrement puni pour un moment d’énervement dans le feu de l’action. J’espérais voir ma suspension réduite en appel mais le verdict a été confirmé. Lorsqu’on écope de quatre matches de suspension, l’appel n’est pas suspensif. Avec trois matches, il l’aurait été. J’aurais donc pu commencer le championnat, cela aurait un peu coupé ma punition. Je n’ai plus disputé de match officiel depuis la fin de la saison dernière. Plus de trois mois, donc. Le temps m’a semblé très long. Lorsque les entraînements ont repris, il me manquait ce point de mire, cet objectif pour lequel tous les joueurs se préparent : le coup d’envoi du championnat. Je savais que je devrais encore patienter un mois de plus que mes coéquipiers. Heureusement, pendant la période de préparation, j’ai pu disputer les matches amicaux. Cela m’a mis un peu de baume au c£ur. Je ne me suis jamais senti écarté du groupe. Mais, lorsque le championnat a commencé, ce fut dur. J’ai dû rester dans la tribune alors que j’avais une folle envie de monter sur le terrain pour aider mes équipiers. Je ne tenais pas en place sur mon siège. J’ai eu tendance à culpabiliser. Lorsque je voyais mes coéquipiers à la peine, je me disais que c’était de ma faute. Je ne veux pas fuir mes responsabilités. Je ne suis plus un gamin, et j’assume les conséquences de mon geste. Je retiendrai la leçon. Aujourd’hui, j’ai purgé ma peine. Je peux de nouveau regarder devant moi et je m’en réjouis. D’autant que l’équipe semble renaître. Les supporters ont de nouveau foi en leur équipe. En les entendant, cela m’a fait encore plus mal de me sentir inutile.

En manque de compétition

Votre calvaire prendra bientôt…

Si l’entraîneur le veut bien, oui. Il était temps. La compétition, c’est comme une drogue : lorsqu’on y a goûté, on ne peut plus s’en passer. En sentant le gazon, j’ai envie de m’éclater sur la pelouse. C’est une véritable punition qui m’a été infligée. Heureusement, je vois le bout du tunnel. Cela me fera du bien, aussi, de pouvoir me préparer comme tous les joueurs convoqués pour le match. Jusqu’ici, j’ai participé aux entraînements et aux matches amicaux, mais lorsque le championnat a repris, les joueurs qui étaient sélectionnés répétaient la tactique d’un côté et ceux appelés à jouer avec les Réservistes s’entraînaient ailleurs. J’étais, forcément, intégré au deuxième groupe. Le fait de me retrouver à nouveau parmi les titulaires provoquera chez moi une montée d’adrénaline, j’en suis sûr.

L’Excelsior a loupé beaucoup d’occasions pendant votre absence…

Je ne veux jeter la pierre à personne. Ceux qui étaient sur le terrain ont fait leur possible. J’aurais sans doute pu leur être utile. Mais on ne saura jamais si, avec moi, Mouscron compterait aujourd’hui davantage de points au classement.

Craignez-vous de manquer de compétition ?

Ce n’est pas vraiment une crainte. Je verrai bien, lorsque je réintégrerai l’équipe Première, si je retrouve le rythme directement. Avec les Réservistes, j’ai déjà pu me réhabituer aux duels. Ce n’est pas pareil, mais qu’y puis-je ? Si je ne tourne pas directement à plein rendement, je ne chercherai pas d’excuse.

Millwall ? Non, merci !

A un moment donné, vous avez été courtisé par Millwall, où évolue actuellement Bob Peeters. Pourquoi n’êtes-vous pas parti ?

Je ne sentais pas bien ce transfert. C’est difficile d’expliquer pourquoi, mais je n’étais pas pleinement enthousiaste à l’idée de m’expatrier là-bas. D’abord, c’est une équipe de Division One, l’équivalent de notre D2. Si, un jour, je dois quitter Mouscron, j’aimerais que ce soit pour un club où j’effectue réellement un pas en avant. Et puis, pourquoi le nier ? J’ai un faible pour l’Excel. Je me sens bien à Mouscron, je dispose de bonnes conditions de travail au Canonnier et ma famille s’est épanouie dans la Cité des Hurlus. Je n’avais pas envie d’abandonner la proie pour l’ombre.

D’aucuns ont affirmé que la naissance prochaine de votre deuxième enfant, en décembre, vous a retenu en Belgique…

C’est un peu court comme explication. Cela a influencé ma décision, c’est sûr, car la famille occupe une place importante dans mon existence. Ce n’était donc qu’un élément parmi d’autres. Je sais qu’en football, il faut parfois prendre des risques et consentir des sacrifices, mais j’ai estimé que le jeu n’en valait pas la chandelle. A Mouscron, je joue régulièrement. Rien ne dit que cela aurait encore été le cas en Angleterre. En Belgique, on me connaît. Je joue dans ce pays depuis plusieurs années. On sait ce que je vaux et on m’apprécie pour ce que je suis. Dans les Iles, j’aurais dû recommencer à zéro, démontrer ma valeur à des gens qui n’avaient peut-être jamais entendu parler de moi.

La situation dans laquelle s’est empêtré votre frère Michal, sur le banc à Anderlecht, a-t-elle aussi influencé votre décision ?

Probablement. Lorsque je discute avec Michal, il me fait part de son expérience. Il se trouve dans une situation qu’il n’avait jamais connue jusqu’ici. Il se pose des questions, se met à douter. Forcément, j’ai réfléchi à cette situation. A la limite, il est préférable de jouer régulièrement dans un club moyen que de faire banquette dans un grand club.

Un vent nouveau sur le Canonnier

Vous avez déjà 26 ans : vous n’aurez peut-être plus 36 occasions de réaliser un beau transfert…

Je ne suis pas persuadé que c’est en changeant constamment de club qu’on a le plus de chances de progresser. Financièrement, j’aurais certainement gagné plus d’argent en Angleterre. Ce n’est pas négligeable, mais dans l’état actuel, je ne suis pas à plaindre avec ce que je gagne à Mouscron. Lorsqu’on veut tenter sa chance dans une autre formation, il faut s’y préparer. Je n’avais pas eu le temps de le faire. J’ai été contacté par l’intermédiaire de Jerzy Engel, mon ancien coach au Polonia Varsovie et en équipe nationale polonaise. Lors du premier contact, j’ai refusé catégoriquement. Millwall est revenu à la charge, en m’expliquant que des émissaires se déplaceraient en Belgique pour me visionner. Je n’ai pas sauté de joie à l’annonce de cette nouvelle. Je ne me sentais pas prêt, mentalement, à m’exiler. Et puis, je n’avais pas l’impression que Millwall me voulait vraiment. J’étais un joueur parmi d’autres, inscrit sur une longue liste de candidats potentiels. Mon engagement ne constituait pas une priorité. C’est sans doute mon intuition qui a parlé, mais je n’avais pas envie de brusquer les événements. Quelque chose me disait que ce n’était pas le moment de partir. Je sentais aussi qu’avec l’arrivée de Georges Leekens, un vent nouveau soufflait sur le Canonnier. L’ambiance est redevenue positive, la combativité revient. Je retrouve l’ambition de réussir un bon championnat et j’avais envie de vivre cela.

D’autant que vous avez soif de revanche après une saison 2002-2003 plutôt morose…

Je sens que je n’ai pas encore donné ma pleine mesure au Canonnier. Je peux encore progresser dans ce club et j’espère offrir aux Hurlus davantage que ce que j’ai apporté jusqu’ici. Qui sait, aussi, si le fait de briller sous le maillot de l’Excel ne me permettra pas de récupérer ma place en sélection polonaise. L’équipe nationale, c’est une formidable vitrine et rien ne dit que, grâce à elle, je n’obtiendrai pas de meilleures opportunités que Millwall.

Car cette place en sélection polonaise, vous l’avez un peu perdue…

Pas un peu : je l’ai perdue, n’ayons pas peur des mots. Il faut appeler un chat, un chat. Lorsqu’on n’a pas été sélectionné pendant six mois, on peut affirmer qu’on ne fait plus partie du groupe.

Partir par la grande porte

Qu’est-ce qui n’a pas marché, la saison dernière ? Etiez-vous à ce point orphelin de votre frère Michal ?

Au début, je me suis senti un peu perdu, c’est clair. Michal et moi, nous sommes jumeaux et nous avions toujours vécu ensemble. La séparation fut douloureuse. Mais ce n’est pas la seule explication. Je revenais d’une Coupe du Monde qui avait été décevante pour la Pologne. J’étais un peu fatigué, physiquement et mentalement. Les critiques ne nous avaient pas épargnés, au pays. J’avais sans doute besoin d’opérer une petite coupure. J’étais saturé de football. Lorsque le championnat a repris, j’étais à côté de mes pompes. Claude Bakadal a été titularisé à ma place. Il ne le devait pas uniquement à ma baisse de régime, mais aussi à ses mérites propres, car il était en grande forme à l’époque. Cela m’a fait un choc de me retrouver sur le banc. Cela m’a réveillé. Je me suis dit que je devais me reprendre, pour récupérer ma place. J’y suis parvenu. Mais l’équipe a plongé. Il y a eu une hécatombe de blessés. L’entraîneur a été obligé de modifier sa composition chaque semaine. Hélas, pour Lorenzo Staelens, sa principale mission consistait à boucher les trous sur la feuille de match. Nous n’avons pas joué deux rencontres d’affilée avec la même formation. Nous nous sommes enfoncés dans une spirale négative. Lorsqu’on commence à couler, c’est difficile de remonter. L’ambiance s’en est ressentie : on a sans doute trop vite baissé les bras, à certains moments. Le moral était cassé. La résignation a gagné les rangs. On se demandait : à quoi bon faire tant d’efforts, pour aussi peu de résultats ? J’espère que, cette saison, la leçon aura été retenue. Les six derniers mois ont laissé de mauvais souvenirs aux joueurs et aux supporters. Je ne pouvais pas partir sur une fausse note. Le jour où je partirai, je veux que ce soit par la grande porte, en laissant un bon souvenir.

Beaucoup de joueurs auraient raisonné différemment, en saisissant la première bouée venue pour abandonner un navire qui coule…

C’est trop facile, de partir quand cela va mal. Je ne suis pas ainsi. Je veux me ressaisir. Je sens la rage en moi, l’envie de rebondir. Je voudrais aussi que le grand public retrouve une autre image de Mouscron. C’est en bonne voie. Georges Leekens a déjà modifié quelques détails qui font toute la différence.

Adepte de la discipline

C’est un entraîneur que vous ne connaissiez pas ?

J’en avais entendu parler, forcément, mais contrairement à certains joueurs du groupe, je n’avais encore jamais travaillé avec lui. En apprenant qu’il reviendrait au club, des anciens m’ont directement prévenu de ce que je pouvais en attendre. C’est un adepte de la discipline, mais cela ne me dérange pas. J’y ai été habitué en Pologne. Dans mon pays, on a encore le respect de la hiérarchie. Au Polonia Varsovie, je connaissais parfaitement ma place. Lorsque j’ai débuté en équipe Première, je me faisais tout petit dans un coin du vestiaire, et j’écoutais. Lorsqu’on partait à l’entraînement, c’était à moi et aux autres jeunes à porter les ballons, les cônes, les buts. Quand un ancien demandait quelque chose, il fallait l’exécuter comme un ordre, comme à l’armée. Parfois, j’ai dû me faire violence, car j’estimais que sur le terrain je n’étais pas inférieur et que j’avais donc droit aux mêmes privilèges, mais il fallait patienter pour monter en grade. En Belgique, je n’oserais pas affirmer que les jeunes sont trop gâtés et qu’on leur offre tout en cadeau, mais le respect de la hiérarchie est moins grand. Chacun veut être placé sur le même pied.

Percevez-vous l’arrivée de nouveaux comme le signe de l’ambition retrouvée ?

Lorsque des nouveaux joueurs arrivent, cela stimule les anciens. Ils prennent conscience qu’ils ne peuvent pas se reposer sur leurs lauriers. Chacun fournit un effort supplémentaire et cela ne peut être que bénéfique. Il faut prendre le train en marche, sous peine de le louper.

Jusqu’à la saison dernière, les joueurs qui partaient devaient être remplacés par des jeunes.

Je ne veux plus revenir sur la saison dernière. Pour moi, la page est tournée. Je veux simplement prendre un nouveau départ.

Daniel Devos

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