Lukaku est-il surprotégé ?

Romelu veut jouer tous ses matches. Mais Jacobs et Advocaat l’en empêchent. Pourquoi ?

Après les amuse-gueule sous forme d’entrées face à Zulte Waregem ou Mouscron, Romelu Lukaku a goûté à son premier plat de résistance, la semaine passée, sous la forme d’une titularisation pour une rencontre européenne, face à l’Ajax. Le forward des Mauves a laissé 50 % de déchet à cette occasion, même s’il fut à la base de la cerise sur le gâteau, lisez le but de l’égalisation de Jonathan Legear en fin de partie.

Dans la débâcle au Club Bruges, il ne monta sur la pelouse qu’à l’heure de jeu, dans un contexte sensiblement différent : le score était déjà de 3-1 en faveur des joueurs locaux, et suite à la sortie de Victor Bernardez, quelques minutes plus tard, le RSCA, réduit à dix, songea essentiellement à assurer ses arrières en monopolisant le ballon dans ce secteur. La nouvelle coqueluche du Sporting ne fut, dès lors, guère impliquée dans les élans offensifs : 11 services à peine, dont 5 furent prolongés pour un partenaire. Quant au 6e, non transmis à un coéquipier, il termina sa course dans le petit filet du but de Stijn Stijnen. Un ballon qui aurait mérité un meilleur sort. A l’image de sa reprise acrobatique, trois jours plus tôt, face aux Amstellodamois ( v. cadres).

Un ballon sur deux face à l’Ajax

Pas moins de 46 ballons reçus pour 23 transmis à l’un de ses partenaires lors de la rencontre face à l’Ajax, voilà qui représente très exactement une moyenne de 50 % de services (bons ou mauvais). Sur l’ensemble de la partie, Lukaku a pour ainsi dire été impliqué dans la man£uvre, toutes les deux minutes. Voire nettement moins encore, car avec une monopolisation du cuir frisant les 65 % du côté hollandais, les Mauves n’auront dicté la man£uvre que durant une bonne demi-heure de jeu à peine. De quoi augmenter sensiblement la moyenne du récepteur.

Il est frappant de constater combien le jeune attaquant est sollicité par quasiment tous ses coéquipiers. Hormis Roland Juhasz, tous les autres l’ont alerté au moins une fois en cours de match. Le pompon revient à Silvio Proto, avec 8 services sur autant de dégagements. Deux d’entre eux seulement auront eu une suite heureuse, faute, tantôt, de mauvais choix dans la transmission ou encore de la promptitude de l’opposant face à ceux à qui l’envoi était destiné, tels Matias Suarez ou Mbark Boussoufa.

Rom n’est pas qu’un point d’ancrage à l’avant. Il se multiplie aussi bien devant qu’au milieu ou à l’arrière. Reste que c’est surtout en zone médiane, et le plus souvent au ras du sol, que le coming-man sert d’appui, puisque, dans cette zone, on ne dénombre pas moins de 36 touches. Avec une certaine prédilection, malgré tout, pour ce qui se passe au centre ou du côté gauche. En matière de ballons reçus ou cédés, il est symptomatique de remarquer que l’aile droite est carrément laissée à l’abandon par lui. Autre constat : si le joueur sert souvent de relayeur au milieu de terrain, ce rôle d’acolyte s’amenuise plus il s’approche de la zone de vérité adverse : 4 ballons à peine lui ont été destinés en front de bandière tout au long des 90 minutes contre les Ajacides.

Mais on notera quand même que sur cette portion de l’aire de jeu, il en a chaque fois fait bon usage. Comme en témoigne le but de Jonathan Legear après une reprise acrobatique de sa part.

Le troisième homme

Avec trois buts à son actif depuis le début de la saison, Lukaku a d’ores et déjà réussi au-delà de ses propres espérances. Dans la hiérarchie des attaquants de pointe de la maison, il était censé occuper la troisième place derrière Tom De Sutter et le revenant Nicolas Frutos. La méforme persistante du premier jusqu’au dernier match ainsi que l’indisponibilité de l’Argentin en ont décidé autrement, au point de valoir au jeunot un rôle de titulaire, au poste le plus avancé.

 » Troisième attaquant, c’est un peu comparable au rôle de troisième gardien « , dit le papa, Roger Lukaku.  » En principe, tes chances de jouer ne sont pas grandes, dans la mesure où deux gars te précèdent. C’est sans doute la raison pour laquelle, dans la plupart des clubs, le choix se porte sur un jeune portier. Pour Rom, il n’en allait pas autrement. De toute façon, il n’avait rien à revendiquer. Son seul vécu, à la reprise, c’était une courte pige lors du deuxième test-match au Standard. Compte tenu de la blessure de Nico, je me disais que mon fils aurait peut-être l’occasion de monter au jeu, surtout si le match était plié. Là, j’en suis complètement baba. Je n’aurais franchement jamais cru que tout irait aussi vite. Mais il faut également regarder la réalité en face et mesurer que deux facteurs ont contribué à cette situation. Il y a tout d’abord ce concours de circonstances qui a voulu que Rom progresse dans sa propre catégorie, au point de passer du statut de n°3 à celui de n°1. Ensuite, je crois que la formule du championnat nouvelle mouture se prête à l’insertion de l’une ou l’autre promesse. Il faut s’en faire une raison : à ce stade de la compétition, les clubs ne risquent pas grand-chose. Un match perdu ne coûte jamais qu’un point et demi. Et un nul, trois fois moins encore. Dès lors, je ne suis pas surpris que les meilleurs multiplient les essais avec leurs jeunes. Le Standard s’y est pris avec Mehdi Carcela, Eliaquim Mangala, Arnor Angeli et Moussa Traoré, entre autres. A Anderlecht, il en est allé de même avec mon rejeton, Matias Suarez, Bouba Saré, Kanu, Cheikhou Kouyaté et Ondrej Mazuch. Tous ne feront sans doute pas figure d’incontournables jusqu’en fin de campagne, c’est sûr. Mais tout ce qui est pris n’est plus à prendre. Et tout ce qui a pu être emmagasiné et contre des adversaires du top comme l’Ajax, le Standard ou le Club Bruges constitue du pain bénit.  »

Fatigue, mot tabou

D’accord, mais un garçon comme Rom, âgé de 16 ans à peine, et qui combine le foot avec des études à l’Institut Saint-Guido, à Anderlecht, ne va-t-il pas se ressentir tôt ou tard des généreux efforts consentis ? C’est la question que beaucoup se posent et elle a le don d’agacer le clan Lukaku. Et le joueur en particulier.

 » Je ne lui en parle pas mais il lit les journaux et toutes ces allusions l’énervent « , observe papa Roger.  » A la maison, le mot fatigue est tabou. Rom ne comprend pas pourquoi les gens en font une obsession. Qu’ils s’intéressent au présent et pas à l’avenir, me répond-il sans cesse à ce propos. Il a la pêche et je ne vois pas pour quelle raison il faut s’en faire pour lui. Chez nous, tout est programmé pour qu’il ait le maximum d’atouts de son côté. Le matin, il est pris en charge par un bus scolaire qui l’amène à l’école. Sitôt les cours terminés, j’assure la relève et je le ramène à la maison dès qu’il n’y a plus la moindre obligation à remplir, ni au Sporting ni à l’école. Les jours où un seul entraînement est dispensé, on est chez nous vers 15 ou 16 heures. A ce moment-là, en fonction de l’état de fatigue du fiston, il y a deux possibilités : ou bien il se met au lit pour récupérer, ou bien il chatte avec ses potes. C’est peut-être vrai que, ces derniers temps, il utilise moins l’ordinateur ou la PlayStation mais je ne pense pas qu’il tire davantage la langue qu’il y a deux mois. De fait, tout se passe en parfaite collaboration entre l’établissement scolaire qu’il fréquente, le RSCA et la fédération, puisqu’il y évolue en sélection Espoirs.

A partir du moment où il participe à toutes les séances de préparation de la Première, il est automatiquement dispensé de toute activité footballistique à l’Institut. De huit heures par semaine, il est d’ailleurs passé à cinq heures, indépendamment de la rencontre du week-end. C’est dire si rien n’est laissé au hasard. Le club met tout en £uvre également pour évacuer le plus possible la pression. Voilà pourquoi, après les matches, il n’a pas le droit de s’exprimer dans la zone mixte. Personnellement, j’applaudis cette mesure car, à 16 ans, il arrive que les mots dépassent quelquefois l’entendement. Chez nous, à la maison, on fait le maximum aussi pour que Rom puisse se concentrer le plus possible sur le football. C’est moi, par exemple, qui me suis occupé des démarches administratives en vue de l’obtention du passeport qui lui était nécessaire pour ses voyages avec les Espoirs. Je me suis fait du mouron pendant une semaine car j’avais peur que les formalités prennent plus de temps que prévu. C’est lui qui m’a finalement rassuré en disant que je pouvais opter pour une formule expresse avec réception des documents au bout de trois jours. Le plus calme et le plus serein de tous, à la maison, c’est lui. Et je suis persuadé que tant qu’Anderlecht réalisera de bons résultats, il n’accusera pas le coup.  »

Où s’arrêtera Rom ? C’est une autre question qui est sur toutes les lèvres. Au plan physique, le garçon semble indéniablement au top. Tout au plus doit-il apprendre à gérer ses efforts.  » Face au Germinal Beerschot, il a répété à intervalles réguliers des sprints de plus de 40 mètres « , observe le papa.  » Certains étaient réfléchis, d’autres moins. Il a gaspillé de l’énergie pour rien. C’est un peu son problème : il est tellement enthousiaste qu’il court même derrière des ballons insaisissables.  »

Mario Innaurato, préparateur physique des Mauves, observe un autre point de détail :  » Ce qui est important pour lui, à l’heure actuelle, c’est ce qu’on appelle le volet invisible, à savoir la récupération entre les rencontres et les entraînements, ainsi que l’hydratation et l’alimentation.  »

Bientôt Diable Rouge ?

Après concertation avec la direction du RSCA, semble-t-il, le nouveau sélectionneur, Dick Advocaat a décidé de ne pas inclure Romelu dans la liste des joueurs en vue du double affrontement contre la Turquie et l’Estonie. Reste à voir tout de même si le fédéral pourra se passer longtemps du concours d’un élément comme Rom qui n’en finit pas d’étonner tout son monde. D’autant plus qu’il y a une place à prendre à la pointe de l’attaque, vu que Wesley Sonck a franchi la barre de la trentaine. Dans un premier temps, Rom est appelé à jouer avec les Espoirs contre l’Ukraine et la France. Mais nous ne serions pas surpris si, dès le premier mach amical de l’ère Advocaat, il faisait ses débuts chez les A. Et ce serait d’autant plus beau s’il s’agissait du Brésil !

« Il est tellement enthousiaste qu’il court même derrière des ballons insaisissables. (son père, Roger) »

« Advocaat a décidé de ne pas inclure Romelu en concertation avec la direction d’Anderlecht. « 

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