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Luka particulier

En janvier 2016, Luka Jovic, nouvel attaquant du Real Madrid, rallie Benfica depuis l’Étoile Rouge de Belgrade. Un transfert géré en sous-marin par des membres du directoire de Mouscron.

L’histoire se répète et l’épisode a des allures d’ Un jour sans fin. En avril 2016, la commission des licences refuse dans un premier temps de l’octroyer à Mouscron, alors pointé du doigt par Louvain, Saint-Trond et Westerlo pour ses liens avec des agents. Sept joueurs hurlus sont conseillés par Lian Sports, l’agence de Fali Ramadani, homme derrière la reprise de juin 2015, en compagnie d’un autre super-agent, Pini Zahavi.

Si les deux businessman n’apparaissent pas officiellement, Marc Rautenberg, associé de Ramadani, siège au conseil d’administration mouscronnois. Une position interdite pour un manager que le directoire de l’Excel nie, mais rappelée par un transfert. En janvier 2016, Rautenberg est à Benfica pour négocier la signature d’un attaquant encore inconnu du grand public : Luka Jovic.

Tour de magie

Ce n’est un secret pour (presque) personne. Fin juin 2015, le duo Zahavi-Ramadani fait de Mouscron une place stratégique de son échiquier, par l’intermédiaire d’un fonds maltais. Aux côtés de quelques locaux, entre Edward Van Daele, Michel Franceus et YvesDekegeleer, le fils et le neveu Zahavi, Gil et Adar, Johannes Diederich et Marc Rautenberg s’installent au conseil d’administration.

En janvier 2016, Marc Rautenberg, qui siège au CA de Mouscron, est à Benfica pour négocier la signature d’un attaquant encore inconnu du grand public : Luka Jovic…

Diederich, qui y figure jusqu’en avril 2018 et une nouvelle reprise par le Thaïlandais PairojPiempongsant, représente officiellement les deux holdings maltais successivement derrière le club et possède également sa propre société de management, Soccertalk. Rautenberg, collaborateur de Fali Ramadani chez Lian Sports, mandate dans la première moitié de 2015 Jean-Luc Gripond, ancien président du FC Nantes, pour reprendre le club, puis chapeaute début 2016 l’énième  » rachat  » de l’Excel, qui passe d’un fonds à un autre sans pour autant changer de proprio.

Un schmilblick capable d’en décourager plus d’un, mais qui met au moins en lumière une chose : des agents sévissent dans le board de Mouscron. Mieux, ils exercent à l’international. Toujours début 2016, un jeune gamin à peine majeur se fait remarquer sous les couleurs de l’Étoile Rouge de Belgrade, où Ramadani a pignon sur rue. Luka Jovic, auteur de quelques pions en Serbie, intéresse le Benfica Lisbonne.

En tout cas, Ramadani et Rautenberg rencontrent en janvier Luís Filip Vieira, président des Lisboètes, pour conclure le deal. Ou plutôt le montage. Jovic, né en 1997 à Bijeljina en Bosnie et qui bouffe des bornes très jeune dans la vieille voiture de son père pour effectuer les allers-retours jusqu’à la capitale de la Serbie, arrive cette fois au Portugal par l’intermédiaire d’une boîte aux lettres.

Si l’histoire ne raconte pas lequel des deux procédés reste le plus confort, Football Leaks, relayé en Belgique par Le Soir, donne une petite idée. Fin janvier, Luka Jovic signe à Benfica via Limassol, où Pini Zahavi tire les ficelles de l’Apollon. Sauf que l’attaquant, international serbe, ne met jamais les pieds à Chypre. En réalité, l’Apollon n’est qu’un club-écran au milieu d’un large système de triangulation, qui permet de passer d’un point A à un point C, de faire circuler les dividendes en évitant bon nombre de contraintes financières. Le tour de magie, qui concerne plusieurs hurlus, est pensé en partie depuis Mouscron.

Rachat fantôme

Malgré ce coup de baguette, payé à hauteur de 6,6 millions d’euros par Benfica, Jovic ne dispute que quelques bouts de matches avec le noyau A des Aigles et doit se contenter de la réserve, où il score deux fois en onze rencontres. En parallèle, les supercheries mouscronnoises du très discret tandem Zahavi-Ramadani commencent à se voir.

Gol Football Malta Ltd (GFML), propriétaire officiel de l’Excel et filiale de l’agence de Pini Zahavi, suscite les interrogations et doit encore s’acquitter d’1,25 million d’euros. En février 2016, les parts de GFML sont rachetées par Latimer, aussi référencé sur l’île paradisiaque de Malte, pour la coquette somme de dix euros.

Latimer, qui a à sa tête Adar Zahavi, fort d’un capital de 1.200 euros, injecte dans la foulée 2,4 millions dans les caisses du Canonnier, montant qui serait un prêt de GFML. Marc Rautenberg, décrit ici et là comme un  » indépendant  » ou  » un consultant financier « , gère le rachat fantôme. La présence du Suisse dérange. Surtout, elle est proscrite, dans le sens où un agent ne peut interférer directement dans les décisions d’un club.

Les décisionnaires mouscronnois craignent pour leur licence, dont le dépôt est fixé au 15 février 2016. Rautenberg démissionne ainsi quelques jours avant que l’ancien président du REM, Edward Van Daele, aille défendre le dossier devant la commission. Selon les révélations de Sport/Foot Magazine en mai suivant, Edward Van Daele, qui laisse la présidence en juin 2016 à Patrick Declerck, aurait même antidaté le procès-verbal relatant le départ de l’agent suisse afin de coucher tout soupçon.

 » C’est n’importe quoi « , nous disait l’avocat de formation, en novembre dernier.  » Quand on a vu que la réglementation changeait, on a évolué et on a adapté nos structures pour qu’il n’y ait plus d’agents dans le club.  » Et d’ajouter :  » Il y a aussi beaucoup de mauvaise foi. On a souvent cherché à torpiller Mouscron, par tous les moyens. Quand on s’en prend à un petit club comme celui-ci, on se trompe de cible. La fraude ne se trouve pas dans les petits clubs qui se battent pour exister.  »

Boîte aux lettres

Alors, peut-être qu’elle s’y construit. Refusée par la commission, la licence est finalement accordée à Mouscron par la CBAS et un autre tour de passe-passe en mai 2016. Barré à Benfica, Luka Jovic cherche quant à lui à prendre l’air, pour de vrai.

Ses statistiques faméliques, comparées à un transfuge onéreux et un montage ubuesque, le poussent finalement dès 2017 vers un prêt de deux à l’Eintracht Francfort, autre institution du giron Ramadani.

Le gamin de Bijeljina explose en Allemagne, au point de signer en faveur du Real Madrid, la semaine dernière. Du Canonnier au Santiago Bernabeu, il n’y a qu’un pas. Et l’une ou l’autre boîte aux lettres.

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