» Louis, tu sais tout faire avec un ballon mais tu ne l’as jamais « 

Le sélectionneur de la Hollande et futur manager de ManU a joué quatre saisons à l’Antwerp, jadis. Retour sur le passé belge d’un Amstellodamois qui a toujours tout su mieux que tout le monde.

Louis van Gaal est omniprésent sur YouTube, grâce à ses altercations avec tous les journalistes du monde. Un jour, il a demandé à Ted van Leeuwen, rédacteur de Voetbal International :  » Suis-je si malin ou est-ce toi qui es bête ?  » A Jörg Dahlmann, journaliste de la chaîne allemande Sat. 1, qui voulait savoir pourquoi Mario Gomez ne marquait plus ?  » Une mauvaise période. L’entraîneur doit intervenir mais si vous ne le comprenez pas, c’est votre problème, pas le mien. Toujours ces questions négatives…  » L’image revient sans cesse, celle d’un entraîneur qui sait tout mieux que tout le monde, qui ne supporte pas l’opinion des autres.

Autre scène hilarante : René van der Gijp et Hans Kraay Jr. se remémorent le bon vieux temps au Sparta Rotterdam, pour lequel Van Gaal a joué de 1978 à 1986. Van der Gijp, son coéquipier pendant quatre ans :  » En principe, les gens ne changent guère, si ce n’est en apparence. Ils conservent certains traits de caractère. Louis a rapidement cru avoir un message. Un jour, à la mi-temps d’un match contre le NAC, frustré, il a dit à Barry Hughes : – Trainer, il faut faire quelque chose, ça ne peut pas durer. Hughes de répondre : – En effet, tu sors.  » Louis van Gaal, le joueur qui n’était pas capable de se juger, a entamé sa carrière belge en 1973 à l’Antwerp.

Une passe parfaite

Aloysius Paulus Maria van Gaal dispute deux matches amicaux contre Olse Merksem en mai 1973. Eddy Wauters lui soumet un contrat de deux ans. L’Amstellodamois de 21 ans, cadet d’une famille de neuf enfants, est sur une voie de garage à l’Ajax, qui vient d’enlever une troisième C1 d’affilée. Van Gaal, rejeté en équipe B, veut relancer sa carrière en Belgique. Wauters espère que Guy Thys parviendra à reconvertir l’avant en médian.

 » Louis van Gaal avait été busé par l’Ajax. Il est devenu réserve et joker à l’Antwerp « , raconte le régisseur de théâtre Luk Perceval dans O, Louis, le livre dans lequel Hugo Borst tente de dépeindre l’entraîneur autoritaire, avec lequel il est en dispute depuis 2007. Perceval a joué en équipes d’âge de l’Antwerp dans les années 70.  » Guy Thys voulait que les joueurs assistent aux matches des jeunes à domicile. Van Gaal m’a souvent observé. En fait, il était un des rares à obéir. J’étais très fier car quand il jouait, je dis bien quand il jouait, il était déterminant : il était l’homme de la passe parfaite. Un vrai régisseur.  »

En fait, il a disputé neuf matches de championnat durant sa première saison et trois la suivante.  » Il était encore très jeune et n’avait jamais joué en équipe-fanion de l’Ajax. Il n’était pas encore prêt à son arrivée à l’Antwerp « , explique René Desaeyere, titulaire incontesté de l’entrejeu pendant sept ans et voisin de la famille Van Gaal.  » Louis n’avait pas sa place dans cette équipe, deux fois deuxième. En plus, on ne pouvait aligner que trois étrangers. Or, nous avions Ove Eklund, Flemming Lund et Karl Kodat, trois internationaux. Après le départ d’Eklund, le club a enrôlé l’Autrichien Alfred Riedl.

En 1974, nous avons failli éliminer l’Ajax en Coupe UEFA. Non, Louis n’avait pas sa place dans ce qui est sans doute le meilleur Antwerp de tous les temps. Les titulaires étaient meilleurs que lui, même s’il avait un avis différent.  »

Trop lent et trop frêle

L’avenir allait le confirmer : il était un footballeur moyen. Une saison à Telstar, 248 matches en huit ans au Sparta et la retraite à l’AZ, en 1987. Guy Thys évoque Van Gaal sur www.rafcmuseum.be:  » Il était bon de la tête, fin technicien et doté de sens tactique mais il était lent. Il était difficile de l’impliquer dans un contre.  » Desaeyere confirme :  » Il voulait un rôle libre dans l’entrejeu mais c’était impossible. Il était tellement lent qu’il ne parvenait jamais au rectangle adverse. En plus, il était frêle.  »

Van Gaal demande des explications à Thys tous les vendredis, quand celui-ci ne l’a pas repris, une fois de plus. L’anecdote est devenue légendaire. Van Gaal :  » Trainer, je ne comprends pas. Vous connaissez le football, vous avez du succès mais je ne suis jamais dans le onze de base alors que je suis de loin le meilleur étranger. Je peux tout faire avec le ballon.  » Et Thys de répliquer :  » Louis, tu as raison. Tu es capable de tout avec le ballon mais le problème, c’est que tu ne l’as jamais !  »

Trente ans plus tard, Van Gaal ne parvient toujours pas à en sourire. Il réplique à Trouw :  » Je ne dirais jamais ça d’un joueur à la presse. Contrairement à moi, il ne protégeait pas ses joueurs. Un peu d’autodérision ? Vous n’imaginez pas à quel point j’en fais preuve avec mes joueurs, en parlant de ma carrière. Par exemple en parlant de ma lenteur.  »

Lex Kroon, qui a interviewé Van Gaal en novembre 2013, a eu le malheur de lui faire remarquer qu’il avait peu joué durant ses deux premières saisons en Belgique.

Van Gaal :  » Que voulez-vous dire ?  »

Kroon :  » Que vous n’étiez pas un footballeur génial…  »

Van Gaal :  » Qui dit ça ?  »

Kroon :  » L’entraîneur vous trouvait trop lent. A cause de votre morphologie.  »

Van Gaal :  » De quoi ?  »

Kroon :  » De votre morphologie. Guy Thys vous trouvait trop frêle et selon lui, vous vous déplaciez comme un buffle.  »

Monsieur Je-Sais-Tout

Guy Thys renvoie Van Gaal en équipe B. Eddy Wauters confie à Radio 1 :  » Il était très réactif. Au repos ou après un match, il ne se gênait pas pour dire dans le vestiaire ce qui n’avait pas fonctionné et ce qui devait changer, selon lui. Même quand il jouait en réserve, il signifiait ses devoirs à chacun.  »

Louis van Gaal bougeait lentement mais parlait énormément. Desaeyere :  » Un Monsieur Je-Sais-Tout, qui se donnait déjà des allures d’entraîneur. Il n’avait encore jamais joué à l’étranger et il se retrouvait dans un groupe de grande qualité. Louis avait une formation pédagogique, puisqu’il avait étudié l’éducation physique, mais il se comportait de manière malhabile au sein du groupe. Sa situation n’était pas facile mais il n’était pas non plus du genre à chercher prudemment sa place.

Après quelques semaines au Bosuil, il avait invité Guy Thys chez lui : – Vous devez vraiment discuter avec ma femme car elle connaît mieux le football que vous. Il était ainsi fait : il cherchait constamment la confrontation.  »

Desaeyere :  » Thys s’en fichait. J’ai rarement vu des entraîneurs auxquels on pouvait dire des choses pareilles. Il faisait ce que bon lui semblait mais il en a quand même vu de toutes les couleurs avec Van Gaal. Une fois, dans un café, la discussion était si animée que du doigt, Van Gaal le repoussait en arrière. Ils se sont retrouvés dehors tous les deux.  »

En 1975, Van Gaal prolonge de deux saisons. Il est régulièrement titularisé. En août, il ouvre la marque. L’Antwerp s’impose 2-1 face au RWDM, le champion en titre. Van Gaal fait une promesse : il va se laisser pousser la barbe jusqu’à ce qu’il inscrive deux buts au cours d’un même match. René Desaeyere revient sur l’épisode en 2001 :  » Il a gardé cette barbe rouge des mois. Nous avons bien ri. Il a fini par se raser car on ne voyait plus son visage.  »

Après la victoire 4-1 de l’Antwerp contre Aston Villa, la Gazet van Antwerpen qualifie la prestation de Van Gaal d’exemplaire. En 2004, Van Gaal confie au même journal avoir découpé et conservé l’article.  » Mais j’ai joué beaucoup de matches comme ça pour l’Antwerp, vous savez.  »

Un joueur de salon

Henk Houwaart, son coéquipier en 1975 :  » Louis était incroyablement sûr de lui. Il proclamait qu’il n’y avait que deux bons footballeurs aux Pays-Bas : Johan Cruijff et Louis van Gaal. Il faut oser mais bon, c’est par la brutalité qu’on conquiert le monde. Il faisait tout pour réussir. Nous allions souvent ensemble au fitness et sa souplesse me frappait. Pourtant, sur le terrain, elle n’apparaissait pas. C’était un footballeur de salon qui ne comprenait pas qu’il était trop lent.  »

Début octobre, l’Antwerp survit aisément à la tornade, au match retour contre Aston Villa. Le Daily Express est impressionné par… le libéro d’occasion.  » Avec Van Gaal, qui se mouvait avec la dignité et le sang-froid de Franz Beckenbauer, l’Antwerp avait un joueur d’exception.  » Après le banquet, la direction du club anglais veut négocier avec Eddy Wauters, qui refuse de céder Van Gaal : il doit rester dans la métropole mais quand Lund est de retour, l’Amstellodamois retrouve le banc.

Johan Boskamp, le moteur du RWDM de 1974 à 1982, raconte, dans le livre Houwaart, De Mos, Boskamp (Wim De Bock) :  » Van Gaal ne mâchait pas ses mots. Cruijff non plus mais il voulait faire fonctionner l’équipe. Il voulait des espaces pour faire la différence. Louis, lui, se plaignait. Ce n’étaient que des paroles, jamais des actes.  »

Une dernière anecdote, parue dans nos colonnes en mai 2000, de la bouche de René Desaeyere :  » J’ai dit à ma femme que nous devrions inviter Louis et Fernanda, sa première femme, décédée en 1994. Ce fut agréable jusqu’à ce que Van Gaal demande de la crème. Nous n’en avions pas : nous nous servions toujours de lait. Le visage fermé, il a répondu : – Ce café est imbuvable, alors. Sans crème, le café, c’est de la pisse de chat. C’était Van Gaal tout craché.  »

PAR CHRIS TETAERT

 » Il a toujours soutenu qu’il n’y avait que deux bons joueurs aux Pays-Bas : Johan Cruijff et Louis van Gaal.  » Henk Houwaart

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