© BELGAIMAGE

Los cojones de Madrid

Getafe vous fait ressentir au plus profond de votre frustration que vous êtes un adversaire. L’adversité s’imprègne en vous. La peine et la douleur aussi. Celle de devoir subir cette oppression pendant 90 minutes. Getafe vous étouffe jusqu’à son dernier souffle. Des attaquants qui défendent comme des morts de faim pour permettre aux défenseurs d’aller marauder dans le pré adverse. Tout donner pour ne rien regretter. Cette saison, ils ne regrettent rien.  » Nooon, rien de rien, je ne regrette rien  » va devenir l’hymne du club. Et ils piaffent de bonheur de voir le malheur qu’ils sèment dans les certitudes des autres.

Un bon entraîneur est un réducteur d’incertitudes. José Bordalas fait encore mieux. Il est aussi un faiseur de certitudes. Le jeu qu’il propose et dont ses joueurs disposent avec délectation est fait de précision. Ça presse tout terrain et ça dresse sa toile. Les uns chassent le ballon, les autres se mettent dans les trajectoires de balle. Ou plutôt de passe. Contre eux, réussir une passe prend la saveur d’un but. Un but que les adversaires ne voient pas souvent.

Getafe, c’est la révélation de ce 16e de finale aller contre l’Ajax Amsterdam. L’Ajax, redevenu grand la saison dernière en allant donner la leçon sur les pelouses du Real Madrid et de la Juventus. Eh bien, dans la banlieue sud de Madrid, ils n’ont rien pu réciter. Pas un seul tir cadré sur tout le match. On croit rêver. On croit seulement. La réalité est que Getafe, dans un match, c’est un cauchemar.

Pour l’adversaire mais aussi pour l’arbitre. L’arbitre fait partie du jeu mais il a eu beaucoup de mal à faire respecter son esprit. Ce jeudi 20 février c’était l’excellent Monsieur Buquet. Trop souvent, on a lu dans ses yeux du dépit, de la résignation. Du genre :  » Si j’applique le règlement, Getafe ne finit pas le match. J’en exclus 6 « . Pas pour des agressions physiques, non. Pour des transgressions philosophiques. Ça simule dans tous les coins. Tellement que ça en devient gênant. Et l’arbitre est gêné. Et nous aussi. Après avoir répété 82 fois :  » Mais qu’est-ce que c’est que ce cinéma style Blockbuster américain de très mauvais goût « , eh bien on finit par abdiquer. On préfère en rire. C’est déjà ça.

Et puis, finalement, elle nous plaît bien cette équipe que toute l’Espagne se plaît à détester. Cette équipe qui a réussi la perf’ de faire siffler ses propres joueurs par les supporters du Barça. Tellement ceux-ci devenaient poussifs face à la frustration nommée Getafe. Ce club qui n’a même pas le dixième du budget de Barcelone et du Real Madrid. Et donc, ils jouent sans vedette. La vedette, c’est l’équipe et ça, c’est respectable. Elle possède même un joueur plus vieux que le club : José Molina, 37 ans, est né quelques jours avant le Getafe CF.

Un club créé par des supporters du voisin du Real Madrid. Et dirigé par un président qui se revendique supporter du Real. Ce qui fait évidemment jaser. Les autres clubs sont convaincus que le Real a déjà six points acquis en commençant le championnat. On ne jugera pas mais on constatera que cette saison, la seule fois où Getafe a pris trois buts c’était contre le puissant voisin madrilène. Cela dit, niveau jeu, vous prenez l’Atlético Madrid, vous le marinez pendant deux saisons et vous lui donnez le goût de Liverpool. Voici la performance de cette sorte d’alchimiste-entraîneur qu’est José Bordalas. Il reprend le club dans la zone rouge en deuxième division et un an plus tard il monte en Liga.

Surréaliste, à l’image du club qui compte 12.000 socios. Tellement dérisoire à l’échelle espagnole que le club décide en 2011 de lancer une campagne du pub. Le clip ? Une parodie de film porno des années 70 intitulé  » Zombies Calientes de Getafe « . L’objectif ? Inciter ses supporters à aller faire des dons de sperme dans une clinique madrilène afin d’enfanter de nouveaux supporters. Surréaliste et con à la fois. Tout ce qu’on aime. On saura ce jeudi, s’ils ont réussi à rendre stérile le talent ajacide. Ce que le géant voisin du Real n’a pas réussi la saison dernière. S’ils y parviennent, on saura où sont les cojones de la capitale espagnole.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire