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L’Excelsior Mouscron a créé la première grosse surprise du championnat.

L’Excelsior Mouscron a créé la première grosse surprise du championnat. Cette équipe, déforcée par le départ de ses meilleurs éléments et que certains condamnaient déjà à la lutte contre la relégation, a battu Anderlecht, grandissime favori de la compétition, sans que l’on puisse considérer cette victoire comme usurpée. Anderlecht est apparu fort timoré, peut-être trop sûr de son coup face à une formation qui, sur papier, n’avait guère d’arguments à lui opposer, et avec sans doute déjà la tête à Benfica. Il n’a réagi que lorsqu’il était mené, mais ses efforts furent vains : il s’est systématiquement cassé les dents sur une défense hurlue solidaire et bien organisée. Tonci Martic, désormais l’un des leaders de l’Excel, a tiré à tête reposée les leçons de cette rencontre d’ouverture.

Ce résultat a surpris tous les observateurs. Et vous aussi ?

Tonci Martic : J’avais le sentiment qu’un exploit était possible. Ou, du moins, je l’espérais. Pourtant, rien ne plaidait en notre faveur : déjà, avec l’équipe des saisons précédentes qui recelait davantage de talents confirmés, nous éprouvions de grosses difficultés à battre Anderlecht à domicile. Mais, ce qui me rendait optimiste, c’était le souvenir de la victoire conquise il y a deux ans : à l’époque, sous la houlette de Lorenzo Staelens, l’Excel alignait aussi de nombreux jeunes mais s’était imposé 1-0 parce qu’il affichait la même mentalité qu’aujourd’hui. Anderlecht n’aime pas être confronté à une équipe qui exerce un pressing. On sait qu’Aruna Dindane, lorsqu’il reçoit le ballon dans les pieds et parvient à pivoter, est toujours très dangereux. On ne lui en a pas laissé l’occasion : on exerçait un pressing à deux sur lui. L’Excel a formé un bloc solidaire. Pour évoluer de cette manière, il faut être concentré et prêt à se battre pendant 90 minutes. Il faut aussi avoir des attaquants qui forment la première ligne de défense. Tout cela, nous l’avions. Nous étions très présents dans les duels et les encouragements du public nous ont aidés à puiser dans nos réserves.

La répétition générale contre Troyes n’avait pourtant pas été brillante et des inquiétudes étaient nées…

Effectivement, beaucoup de gens s’étaient posé des questions après ce dernier match de préparation. Comment expliquer ce revirement ? La grosse différence, c’était le travail défensif des attaquants. Contre Troyes, il était inexistant. Contre Anderlecht, il était très efficace. Cela nous a permis, en milieu de terrain, de rester bien en place et de ne pas dépenser trop d’énergie pour combler les brèches. Ce qui laissait assez de fraîcheur pour la reconversion offensive.

Sans vouloir jouer les oiseaux de mauvais augure : lors de l’unique victoire conquise par Mouscron contre Anderlecht, l’Excel avait réalisé sa plus mauvaise saison…

On peut même pousser la comparaison plus loin : cette saison-là, nous avions gagné le match inaugural 0-3 au Standard. Nous avions donc également créé la grosse surprise lors de la première journée. Mais l’Excel actuel est plus fort que celui d’il y a deux ans : les jeunes, comme Jean-Philippe Charlet, ont deux années d’expérience en plus. Cela dit, restons calmes. L’expérience m’a appris à garder un juste milieu. Autant il ne fallait pas tomber dans le pessimisme le plus noir après la répétition générale ratée contre Troyes, autant il faudra éviter de verser dans l’euphorie parce qu’on a battu Anderlecht. On n’a joué qu’un match, il en reste 33. Contre Anderlecht, on a formé un bloc solidaire et on a joué en contre-attaque. A Genk, on pourra encore procéder de la même manière. Mais après, contre St-Trond, le contexte sera différent. Il faudra probablement faire le jeu. Ce sera une autre sorte de test.

Saint-Jean est un formateur

Vous avez connu successivement Hugo Broos, Lorenzo Staelens et Georges Leekens comme entraîneurs. En quoi Philippe Saint-Jean se différencie-t-il de ses prédécesseurs ?

Hugo Broos et Georges Leekens incarnaient l’expérience. Lorenzo Staelens a été victime des circonstances. Il fut un grand joueur et connaît le football sur le bout des doigts, mais à cette époque-là, il n’était peut-être pas encore prêt pour entraîner en D1. En outre, il a joué de malchance en devant composer avec une kyrielle de blessés. De ce fait, il a été contraint d’introduire trop de jeunes en même temps. Philippe Saint-Jean est un vrai formateur. On voit qu’il a travaillé longtemps avec des jeunes et sa présence est très profitable pour tous les joueurs qui ont intégré l’effectif cette saison. C’est un homme très posé, qui parle bien. Je crois qu’il est capable de faire progresser une équipe, et des joueurs individuellement. Les entraînements me semblent bien dosés, car personnellement, je me sens bien physiquement. Mais il est encore trop tôt pour tirer des conclusions. Son travail, on ne pourra véritablement le juger que sur le long terme. A Mouscron, il a introduit un nouveau système de jeu. Je pourrais même parler de systèmes de jeu au pluriel, car on change de dispositif en cours de match. Ses entraînements, dès lors, sont très tactiques pour l’instant, mais c’est logique puisqu’on doit acquérir d’autres habitudes. Au début, nous-mêmes, nous étions sceptiques. Mais lorsque la tactique est bien appliquée, elle peut perturber très fort l’adversaire.

Le tout est d’éviter qu’elle ne vous perturbe vous-même…

Exactement. Or, au début, c’était le cas. Et ce n’est pas parce qu’on a battu Anderlecht qu’il n’y aura plus de ratés. On n’a pas encore tout assimilé. Mais, progressivement, le système se met en place. Il faudra du temps : tout le monde doit penser et agir de la même manière, car si une partie des joueurs conservent leurs vieux réflexes et continuent d’évoluer comme ils en avaient l’habitude, c’est l’anarchie et on court à la catastrophe. Il faut beaucoup se parler, beaucoup se coacher. Des matches, on en perdra cette saison, c’est une certitude. Mais, si l’on continue à faire bloc et à respecter les consignes, on peut ennuyer beaucoup de monde. Le 4-3-3, je l’ai pratiqué de longues années à Hajduk Split. S’il est bien appliqué, il peut se révéler très efficace.

Etiez-vous également inquiet, à l’image de beaucoup de gens, en constatant tous les départs qui ont décimé l’effectif durant l’entre-saison ?

Oui, je dois l’avouer. Mais je commence à avoir l’habitude : c’est ma huitième saison à Mouscron, et quasiment chaque année, on a perdu des joueurs-clefs. J’aimerais connaître une entre-saison durant laquelle, même sans acquérir le moindre joueur, on parviendrait à conserver l’entièreté de l’effectif. Malheureusement, la situation financière ne le permet pas. Pour compenser les départs, l’Excel a engagé de bons joueurs, mais la plupart d’entre eux n’ont jamais connu la D1. La direction a transféré en fonction de l’avenir. Huit joueurs arriveront en fin de contrat, et comme le budget a été revu à la baisse, on doit déjà s’attendre à quatre ou cinq nouveaux départs l’année prochaine. Dix joueurs ont donc été acquis, mais tous ne joueront pas immédiatement : ils devront d’abord s’intégrer afin de pouvoir éventuellement prendre la relève dans 12 mois. D’ailleurs, si l’on est attentif, on se rend compte que seuls deux nouveaux ont été alignés dans l’équipe de base, vendredi : Patrice Noukeu et Patrick Dimbala. Il est trop tôt, actuellement, pour dire qui va exploser : souvenons-nous que, la saison dernière, Luigi Pieroni était sur le banc au départ.

Pas de fonds de jeu à Anderlecht

Comment avez-vous trouvé Anderlecht ?

Anderlecht est une grande équipe, personne ne peut le nier. Au niveau des individualités, elle n’a pas d’égale en Belgique. Cette saison, elle s’est encore renforcée : le simple fait d’avoir conservé l’essentiel de son effectif est déjà un avantage. Et l’arrivée de Mbo Mpenza relève encore le niveau. Mais le Sporting a joué de façon trop individualiste. Je n’ai pas vu de fonds de jeu chez les Mauves. Personne ne créait de l’espace pour un partenaire. La défense anderlechtoise était aussi trop rajeunie. Vincent Kompany est le plus grand espoir belge, mais il a encore besoin d’un joueur d’expérience à ses côtés. Un Glen De Boeck ou un Hannu Tihinen, qui malheureusement pour lui, sont blessés. Peut-être les joueurs anderlechtois avaient-ils déjà la tête à Lisbonne, c’est possible, ou ont-ils cru qu’il leur suffirait de paraître pour vaincre. J’ai peur pour eux s’ils jouent de la même manière sur la scène européenne. Mais, bien sûr, un match n’est pas l’autre.

Le Sporting a-t-il péché par excès de confiance ?

C’est fort possible. Les Bruxellois ont probablement pensé que, même sans livrer un grand match, l’un des leurs parviendrait tôt ou tard à faire la différence face à une équipe mouscronnoise annoncée partout comme décimée. La leçon de l’EURO 2004 est-elle déjà oubliée ? On a vu, sur les pelouses portugaises, qu’une équipe qui fait bloc était capable de poser de gros problèmes à des formations bien plus talentueuses sur le plan individuel. Souvenons-nous de la Grèce.

Daniel Devos

 » L’Excelsior actuel est plus fort que celui d’il y a deux ans « 

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