Long terme

Pour l’adjoint des Mauves, le retour au stade Edmond Machtens était chargé de significations.

Le stade Edmond Machtens a vibré comme au bon vieux temps, dimanche après-midi. Avec plus de 10.000 personnes, ce qui ne s’était plus vu depuis longtemps, on avait retrouvé l’ambiance folklorique des derbies d’antan. Mais cette fois û fait exceptionnel dans ces seizièmes de finale de la Coupe de Belgique û la loi du plus fort a prévalu. Malgré l’absence de toute la ligne d’attaque habituelle du côté anderlechtois, malgré l’ouverture du score de Dieter Dekelver pour le FC Brussels, le Sporting n’a pas laissé l’ombre d’une chance à son hôte : il s’est imposé 1-5 et s’est même découvert de nouveaux buteurs, comme Sherjill McDonald ou Clayton Zane (à deux reprises).

 » La Coupe de Belgique n’a pas souvent réussi à Anderlecht dans un passé récent « , rappelle Franky Vercauteren.  » Je me souviens d’éliminations précoces et peu glorieuses contre le GBA, Denderleeuw ou Ingelmunster. Nos joueurs éprouvent parfois des difficultés à se motiver pour ce genre de confrontations qui paraissent inégales. Mais ici, il s’agissait d’un derby. On avait suffisamment fait mousser l’événement. On avait répété, à qui voulait l’entendre, que nous étions en danger face à cette bonne équipe de D2 qui s’apprêtait à disputer le match de l’année. Privés de nombreux éléments, nous nous sommes méfiés. En raisons de toutes ces circonstances particulières, précisément, nous ne l’avons pas pris à la légère. Et on a vu le résultat « .

Retour aux sources

Ce derby revêtait-il un caractère émotionnel particulier pour vous ?

FrankyVercauteren : Je suis professionnel avant tout, et à ce titre je me mets à 100 % au service d’Anderlecht, mais je dois reconnaître que des souvenirs me sont revenus en mémoire. Je suis né à Bruxelles, mais j’ai vécu toute mon enfance à Molenbeek. Toute ma famille est originaire de cette commune et mon frère Francis a joué quatre matches en équipe Première du Daring, dont mon père était un ardent supporter. A l’époque, moi-même, je suivais davantage les Rouge et Noir que les Mauves. Je suis arrivé à Anderlecht par un concours de circonstances. J’allais à l’école à Molenbeek, mais un frère qui y donnait cours s’occupait des Minimes C du Sporting. Sur ses conseils, je me suis inscrit dans son club. Lorsque je suis parti jouer en fin de carrière dans ce qui était devenu le RWDM, j’ai opéré comme un retour aux sources. Pour moi, la boucle était bouclée. J’ai joué deux ans et demi au stade Edmond Machtens, et je n’en ai gardé que de bons souvenirs, hormis l’opération que j’ai dû subir lors de ma dernière saison et qui a précipité ma retraite. J’avais été appelé en janvier, en compagnie de Stan Vanden Buys et de Willy Wellens, au chevet d’une équipe qui détenait la lanterne rouge. Nous nous sommes finalement sauvés sans grosses difficultés. L’entraîneur était un certain Hugo Broos, et parmi les joueurs figuraient Harm Van Veldhoven, l’actuel entraîneur du FC Brussels.

A l’époque, la rivalité était grande entre le RWDM et Anderlecht.

Elle existe toujours, mais elle n’est sans doute plus aussi farouche et ne concerne probablement plus autant de personnes. Il fut un temps où, sur le plan sportif, le RWDM traitait d’égal à égal avec Anderlecht. A l’époque de Johan Boskamp, les Molenbeekois étaient même légèrement supérieurs.

Où situez-vous aujourd’hui le FC Brussels, par rapport au Daring et au RWDM ?

Pour moi, c’est toujours comme si c’était le même club. Je n’attache guère d’importance au nom, plutôt au stade, à l’environnement et à l’atmosphère. Mes souvenirs molenbeekois se rattachent à un endroit, pas à une appellation.

Rejouer une finale

Quelle importance Anderlecht accorde-t-il encore à la Coupe de Belgique, par rapport aux matches de championnat et de Ligue des Champions ?

Elle passe forcément au troisième rang, mais malgré tout, nous avons à c£ur d’encore briller dans cette compétition. Voilà plusieurs années qu’Anderlecht a été éliminé prématurément, et il ne déplairait pas à Hugo Broos de rompre avec cette fâcheuse tradition. Il aimerait encore une fois disputer une finale.

Anderlecht a traversé une mauvaise période, avec deux lourdes défaites contre le Celtic et le Standard…

Certains joueurs évoluent en deçà de leur niveau. Chez l’un c’est une fatigue physique, chez l’autre une fatigue mentale. Ou alors, tout simplement, une baisse de forme comme tout le monde en connaît au cours d’une saison. Nous n’avons plus, non plus, la même concurrence qu’en début de saison dans le noyau. Il y avait, alors, Lovre-Wilhelmsson sur le flanc droit, Kolar-Seol sur le flanc gauche ou Jestrovic-Mornar en pointe, pour ne citer que quelques exemples. Hugo Broos pouvait alors choisir en fonction de l’état de forme de chacun. Aujourd’hui, il doit composer avec les éléments dont il dispose.

Cette baisse de forme se produit souvent à l’approche de l’hiver…

Effectivement : novembre, décembre. La période où nous nous trouvons. Lorsque la base est moins large ou que l’équilibre est rompu, on est à la recherche d’une énergie que l’on a dépensée plus tôt dans la saison. Une équipe comme Anderlecht, vu la richesse de son noyau, peut espérer que les joueurs en forme soient plus nombreux que ceux qui sont au creux de la vague, mais ce n’est pas toujours aussi évident.

Adjoint jusqu’en 2008

Vous venez de resigner jusqu’en 2008…

Pas encore. Je m’apprête à le faire. Ce n’est qu’une question de documents. Ma signature devrait être officialisée dans les prochains jours. Je me sens bien où je suis. Je préfère demeurer dans l’ombre, et être impliqué à moyen ou à long terme. Financièrement, je suis satisfait. Alors, pourquoi chercher ailleurs ce que j’ai sous la main ? Ce n’est pas un manque d’ambitions. Seulement, il faut savoir où l’on situe ses ambitions. Les miennes se concentrent sur ce que je fais actuellement. Je pourrais, peut-être, entraîner un autre club de D1, mais qu’est-ce que cela m’apporterait en plus ? Ce genre de contrat, c’est toujours du court terme : un an à gauche, un an à droite, un peu d’argent à Chypre ou en Turquie ? Très peu pour moi. J’en suis à ma sixième saison comme adjoint à Anderlecht. Si l’on y en ajoute quatre, cela m’en fera dix. A ce moment-là, il sera peut-être temps de chercher autre chose. Pas nécessairement un autre club, mais sans doute une autre fonction.

A Neerpede, par exemple ?

Pourquoi à Neerpede ? On essaye toujours de m’associer avec le projet du centre de formation, mais il y a des gens qui s’en occupent et qui font cela très bien. Je ne veux prendre la place de personne.

Le phénomène d’usure touche-t-il les adjoints également ?

Tout à fait. Pas au niveau des relations avec l’entraîneur ou les joueurs, car ceux-ci changent, mais l’évolution physique et mentale de l’être humain veut qu’à un certain âge, on passe du terrain au petit banc, puis parfois au bureau. A un moment donné, il faut aussi pouvoir laisser la place à des plus jeunes, qui ont peut-être d’autres idées.

A Anderlecht, l’adjoint reste, l’entraîneur principal change…

Dans certains clubs, l’entraîneur principal a le loisir d’amener ses propres collaborateurs. Anderlecht n’a jamais été très favorable à cette optique-là. Le club préfère garder un staff permanent au service de l’entraîneur principal, quel qu’il soit. Le Sporting veut, de ce fait, conserver une certaine ligne de conduite et une certaine vision, dans la continuité. Au fil du temps, on a ainsi vu Martin Lippens, Jean Dockx ou moi-même assurer le rôle d’adjoint pendant une longue période.

C’est donc à l’entraîneur principal de s’adapter ?

Lorsqu’un entraîneur débarque dans un club, il doit tenir compte de la philosophie de ce club. Anderlecht, ce n’est pas le Standard ou Bruges. Un club ne doit pas, non plus, être tributaire des caprices d’un entraîneur qui n’est souvent que de passage. Je connais des coaches qui, en arrivant, font le ménage : ils vendent la moitié de l’équipe et achètent autant de nouveaux joueurs à la place. Lorsqu’ils s’en vont, leur successeur doit tout recommencer. On ne veut pas de cela à Anderlecht.

Broos n’a pas changé

Où situez-vous Hugo Broos par rapport à d’autres entraîneurs avec lesquels vous avez travaillé ?

J’ai connu Jean Dockx, Aimé Anthuenis et Hugo Broos. Durant la dernière saison d’Aimé Anthuenis, j’avais davantage de responsabilités sur le terrain. C’est moins le cas avec Hugo Broos, mais ma fonction n’a pas changé : elle consiste à aider le noyau A, que ce soit pour les matches, les entraînements ou le scouting, et surtout à faciliter le passage des jeunes vers le noyau A. Hugo Broos est resté l’homme que j’avais connu au RWDM. Il a toujours été un homme de principes, fidèle à une ligne de conduite. Il n’est pas aussi fanatique que pouvait l’être Tomislav Ivic, par exemple, mais il tient compte de beaucoup d’aspects, comme les problèmes personnels que peuvent connaître les joueurs. Il n’a jamais été très communicatif : il préfère attendre le moment opportun pour adresser les remarques qu’il estime nécessaires, mais il n’aime pas parler pour ne rien dire. Il ne recherche pas la publicité, c’est un trait de caractère que j’apprécie chez lui. J’ai horreur des entraîneurs qui font de l’esbroufe. Je connais des coaches pour qui, lorsque cela va bien c’est grâce à eux, et lorsque cela va mal c’est à cause des joueurs ou de l’arbitre. Pas Hugo Broos : il ne s’est jamais comporté de la sorte et ne le fera jamais. Je n’ai jamais rencontré de problèmes avec lui, ni avec ses prédécesseurs d’ailleurs, car je sais où est ma place.

Je dis toujours ce que je pense. Je ne suis pas un béni-oui-oui. Mais une bonne discussion peut être constructive. L’essentiel est de se retrouver sur la même longueur d’ondes lorsque la discussion est terminée.

On vous reproche parfois d’être trop négatif.

J’en suis conscient. Je ne relève que les défauts… parce qu’il faut les corriger. Si on ne le fait pas, on le paie. Si pas demain, après-demain. C’est mon rôle de mettre le doigt sur ce qui ne va pas. Même lorsque l’équipe fournit une belle prestation, il subsiste des détails que l’on peut améliorer.

Regarder dans son jardin

Etes-vous frustré de constater le peu de jeunes d’Anderlecht qui parviennent à franchir le pas vers l’équipe Première ? Même si, aujourd’hui, la percée de Vincent Kompany et d’Olivier Deschacht aurait tendance à infirmer cette constatation…

Ce n’est pas une frustration, mais parfois un regret. La concurrence est féroce à Anderlecht, et il est plus difficile d’y percer qu’ailleurs.

Si Vincent Kompany et Olivier Deschacht se retrouvent aujourd’hui en équipe Première, est-ce dû à la volonté d’Hugo Broos ou à un concours de circonstances ?

C’est un ensemble. Au départ, il y a toujours un profil de joueur, qui plaît ou qui ne plaît pas. Ces dernières années, une autre mentalité est apparue au Parc Astrid. On travaille avec un noyau B, déjà professionnel et éduqué dans une certaine optique, ce qui facilite la transition. Il y a aussi une volonté de regarder d’abord ce que l’on a chez soi avant d’aller voir ailleurs. Mais, pour qu’un jeune reçoive une chance, les circonstances doivent être favorables. Il est certain que, s’il n’y avait pas eu de blessés dans l’axe central, l’introduction de Vincent Kompany aurait peut-être été retardée. Même si le talent, à la longue, finit toujours par être reconnu.

Auriez-vous aimé conserver certains joueurs formés à Anderlecht qui, aujourd’hui, font le bonheur d’autres clubs ?

Il y en a peu. Parmi les joueurs actuels, je ne vois réellement que Tom Soetaers qui a réussi un transfert vers un grand club. Et encore, il n’est pas titulaire à l’Ajax. Les autres ne jouent pas au top. Le FC Twente et Roda JC, ce n’est pas le top. Tom Soetaers ne s’est pas montré très patient. Après quelques mois, il a choisi de plier bagage. Pour l’argent, parce qu’il voulait être directement titulaire ou pour d’autres raisons qui lui appartiennent.

La solution passe-t-elle par un prêt, comme celui qui avait si bien réussi à Pär Zetterberg autrefois, lorsqu’il a fait ses gammes à Charleroi ?

Ce n’est pas toujours la panacée. Généralement, lorsqu’on prête un joueur, c’est parce qu’il y a un problème. Soit parce qu’il n’y a pas de place pour lui, soit parce qu’il est insuffisant pour Anderlecht. Je n’en vois qu’un, récemment, pour qui le prêt a été bénéfique : Lucas Zelenka a mûri à Westerlo. Aujourd’hui, il est au Sparta Prague. D’autres, en revanche, ont été jusqu’à perdre leur place de titulaire dans le club qui les a loués.

Les vases communicants

Anderlecht pourrait-il, à terme, créer un véritable centre de formation à la française ?

C’est impossible. Ne serait-ce que parce que la législation est différente. En France, les apprentis footballeurs sont logés, blanchis, nourris et… éduqués, au sein même du club, de 12 à 15 ans ou de 15 à 18 ans, avec diplôme à la clef. En Flandres, on a tenté l’expérience des Topsport Scholen, mais ce n’est pas l’idéal. Parce que ces jeunes talents ne reçoivent pas leur formation footballistique au sein du club. Ils fréquentent les bancs de l’école et participent plusieurs fois par semaine à des entraînements, mais qu’y font-ils ? Ils ne sont pas nécessairement éduqués en fonction de la philosophie que le club voudrait leur inculquer. C’est mieux que rien, mais je conçois difficilement que deux joueurs d’Anderlecht puissent fréquenter la TopsportSchool de Louvain et trois autres celle de Tongres, par exemple. Les jeunes d’Anderlecht doivent rester ensemble. Il faut trouver une solution pour que les jeunes puissent avoir un bagage scolaire tout en s’entraînant sept ou huit fois par semaine dans leur club.

Quel est l’apport d’Herman Van Holsbeeck à Anderlecht ?

Il se situe à plusieurs niveaux, mais j’apprécie notamment sa volonté d’établir une meilleure communication entre les différentes sections du club. Jadis, chacun travaillait dans son coin. Bien, mais pour soi-même. Le noyau A s’occupait du noyau A, Neerpede s’occupait de Neerpede. On savait ce qui se passait dans le bureau d’à côté, mais il subsistait une sorte de méfiance : – Tunemedonnespascetteinformation ? Alors, jenetedonnepascelleci ! Désormais, tout est plus clair, plus ouvert.

 » Certains évoluent en deçà de leur niveau. Chez l’un c’est une fatigue physique, chez l’autre une fatigue mentale «  » Je connais des coaches qui vendent la moitié de l’équipe et achètent autant de nouveaux joueurs « 

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