Lolo, Gandhi et les autres

L’autre week-end, j’étais excité comme une puce. On m’avait demandé de commenter Huddersfield-West Bromwich Albion. Pour beaucoup, j’imagine que dans pareil cas, ils se demandent ce qu’ils ont fait de mal pour mériter ça. Moi, je me suis réjoui de découvrir pendant les 90 minutes d’un match des équipes à qui, généralement, on ne fait qu’un tout petit peu de place dans les  » highlights « .

Je ne m’attendais à rien, je n’ai pas eu grand-chose. Si ce n’est de ce bon vieux foot anglais qu’on croyait disparu. Personne n’a envoyé d’avis de recherche mais on le signale encore. Certainement plus souvent qu’on ne le croit. Le style  » années pré-Premier League « . Quand les Anglais jouaient entre eux. Avec, pour réjouissance, quelques fulgurances techniques venues d’outre-mer voire de continents lointains.

C’était l’exception, c’est devenu la règle. L’argent attire les agents et ceux qu’ils représentent. Tant mieux. Même si l’équipe nationale n’est plus devenue qu’une Championne du Monde des qualifs avant de disparaître par l’insuffisance de talents une fois les phases finales venues.

Et donc, l’autre week-end, il y eu pas mal de  » Pif paf plouf « . Mais du plaisir quand même. Avec, comme souvent, le talent qui fait la différence. Dans les chiffres, c’est le Néerlandais Rajiv van La Parra qui l’a faite. Tir somptueux des 25 mètres. 1-0. Et puis, Huddersfield se retrouve à 10 pendant une demi-heure. C’est alors qu’un autre talent entre en piste. Il est Belge. Il s’appelle Laurent Depoitre.

Notre Lolo jouait  » centre-avant « . À l’ancienne. Loin devant. Robinson sur son île. Il n’a pas touché un ballon dans le rectangle adverse. Et pourtant, il a été formidable. Il a tout fait. Tout a été juste. Ça dégageait de partout vers lui. Il s’est engagé, a gagné tous ses duels, gardé le ballon, énervé ses adversaires. L’intelligence en mouvement.

Il a bougé ses 100 kilos comme un funambule, les autres ont essayé de le bouger. Façon bulldozer. Pas moyen. Il s’est adapté aux circonstances du jour. Au scénario proposé. Il a eu le premier rôle. Nous, on lui donne l’Oscar. Ses coéquipiers aussi. Sûr et certain. Un mec pareil, on le bénit après le match.

Quand vous êtes enfoncés pendant des minutes qui deviennent des heures, que vous cherchez désespérément dix secondes pour récupérer, Lolo vous l’offre et même plus. Une rentrée en touche en forme de bouteille d’oxygène. Un corner en forme de réanimateur. Une faute obtenue en forme de retour à la vie.

C’est le foot  » invisible « , celui qui n’est pas vendeur de maillots. Qui ne fréquente pas les Top 10. Qui ne fait pas hurler les midinettes. Il fait seulement hurler d’admiration les footeux. À Huddersfield, il y en a un autre qui fait hurler les deux. Une sorte d’antithèse de Depoitre. Rajiv van La Parra. Antithèse dans le jeu et dans la vie.

L’un veut tout. Tout de suite. L’autre veut le mieux, au moment où ça doit venir. Laurent le patient. Van La Parra, l’improbable aux frappes souvent imparables. Prénommé Rajiv par ses parents en hommage à Rajiv Gandhi, le fils d’Indira. Pas vraiment la même sagesse. À 18 ans, il est le seul international U19 néerlandais à jouer à l’étranger. À Caen, en Ligue 1. Qui se retrouve très vite en Ligue 2. Rajiv y joue en réserve.

Lors d’un match, il bouscule un arbitre. Cinq mois de suspension. Il y a mieux pour s’imposer à l’étranger. Retour au pays. À Heerenveen. Après trois bonnes saisons, il voit de nouveau très grand, refuse le contrat proposé et part à Wolverhampton. Deux bonnes saisons et puis de nouveau la bougeotte. Celui qui se veut propriétaire de son ambition est loué à Brighton d’abord et puis, en mars 2016, à Huddersfield.

Poussé par son orgueil et son envie d’exister dans sa famille recomposée où il a du lourd comme demi-frères. Georginio Wijnaldum joue à Liverpool. Giliano à Philadelphie et Royston Drenthe à porté le maillot du Real Madrid. On comprend mieux l’impatience du petit dernier.

Gandhi a dit :  » Vis comme si tu devais mourir demain. Apprends comme si tu devais vivre toujours.  » Rajiv semble enfin l’avoir compris…

PAR FRÉDÉRIC WASEIGE

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