Lois pour SOLITAIRES

Ode à la course contre le chrono et recettes miracles.

Dimanche, dix jours avant le Mondial, les spécialistes du chrono effectueront une répétition générale au Prix des Nations. Paul Ponnet, ancien directeur technique de la Ligue Vélocipédique Belge, entraîne notamment Bart Wellens. Il y a quelques années, il a lancé une société de consultance en sport. Pour lui, le contre-la-montre est la discipline la plus noble du cyclisme : pas d’aide, pas de tactique, la course se résume à une lutte contre le temps, le vent et les autres éléments.

La distance et les dénivellations varient mais il y a des constantes.  » Les Anglais sont meilleurs sur des distances plus longues, comme Chris Boardman et David Millar, parce qu’il y a peu de courses sur route mais beaucoup d’épreuves contre-la-montre dans leur pays. Sur des parcours plus courts, les Australiens sont plus forts. Chez eux, la route a été introduite de manière artificielle. Avant, ils n’avaient que la piste. Comme les courses étaient peu nombreuses, les meilleurs s’affrontaient souvent. RobbieMcEwen et StuartO’Grady sont issus de cette école « .

Beaucoup de spécialistes du chrono sont bons sur piste :  » Johan Bruyneel, l’Allemand Michael Rich, produit de l’école allemande, très structurée. Et ce n’est pas un hasard si Jan Ullrich est aussi si fort « .

Au contre-la-montre par équipes du Tour de France, Tom Boonen a été un des meilleurs de Quick Step-Davitamon. Pourquoi les sprinters sont-ils si bons ? Ponnet :  » Parce qu’on a besoin d’explosivité par équipes tandis que sur de longs parcours, le rapport force/endurance est plus important. Les sprinters brûlent plus vite mais récupèrent plus vite car ils sont habitués aux efforts brefs « .

On mesure la puissance avec le SRM, le Schoberer Rad Messung. Uli Schoberer a été membre de l’équipe allemande de poursuite dans les années 80. Il fut sacré champion olympique en 1984. Devenu ingénieur, il a développé un système qui permet de mesurer l’énergie dépensée à chaque coup de pédale. Les grands coureurs l’utilisent pour optimaliser leur position sur le vélo. Ponnet :  » Pour être champion du monde en poursuite par équipes, il faut rouler avec une puissance constante de 520, 530 watts. Dans son record du monde de l’heure, Boardman a développé 440 watts pendant une heure. Quand Bart Wellens gagne un cyclocross, il dépense aussi de 420 à 440 watts. En poursuite par équipes, si le premier produit 520 watts, le deuxième et le troisième sont à environ 350, une charge de travail qu’on peut rééditer quatre jours de rang. Appliquez la recette au contre-la-montre par équipes et vous comprenez pourquoi les sprinters sont meilleurs : leurs fibres leur permettent de développer plus de puissance dans un laps de temps bref « .

 » En Belgique, on travaille à l’envers  »

Deux choses comptent : la capacité cardio-vasculaire et les fibres musculaires, qui doivent exploiter l’énergie. Ponnet :  » Un sprinter est bon sur un parcours court ou riche en virages, car il faut sans cesse repartir. Or, le sprinter a des fibres dites rapides. Ces fibres peuvent être employées par un processus chimique, en gros, sans respirer. Les fibres lentes, elles, travaillent par un processus biologique, la consommation d’oxygène. Dans une course normale, le sprinter utilise les fibres lentes pour ne passer aux rapides qu’au moment du sprint. Il ne doit donc pas accomplir plusieurs efforts pour combler une brèche, sous peine de brûler toute son énergie « .

Lance Armstrong est capable de tout : contre-la-montre longs ou courts.  » Ajoutez-y la montagne, qu’il digère mieux qu’avant. Il grimpe à un rythme élevé et possède une accélération qui fait défaut à Ullrich. C’est lié au type de fibres « .

Armstrong utilise un petit développement et mouline.  » L’un a recours à la puissance, l’autre à la fréquence. Si chacun pédale à 100 tours/minute, c’est celui qui a le plus de force qui s’imposera. Il faut réunir les deux. Nous apprenions aux jeunes pistards à rouler en fréquence, à 105, 110 coups de pédale par minute. Après six mois, quand ils avaient plus de force, ils pouvaient utiliser un autre braquet. Un coureur devrait apprendre à rouler au rythme et adapter son braquet pour conserver son tempo car c’est la manière la plus économique de rouler « .

Pour sélectionner les meilleurs jeunes, c’est ce qu’il faut regarder. Ponnet :  » Les Français rassemblent les meilleurs jeunes de 13 ou 14 ans sur un 200 mètres. Ceux qui réussissent endéans un certain chrono, avec 180 coups de pédale par minute, deviennent leurs sprinters. La LVB a fait pareil. Nos meilleurs, à l’époque, Van Mechelen et Defauw, n’ont atteint que 155, 160. Ils peuvent rouler sur route, pas sur piste. La France, l’Allemagne et l’Australie sont plus systématiques que nous. Nous avons tendance à employer des grands braquets. On pense que s’ils sont forts, ils pédaleront vite. C’est contraire au développement naturel, évidemment « .

Le matériel est essentiel : il faut limiter les frictions entre pneus et route, améliorer l’aérodynamique. Ponnet :  » La plupart des grands coureurs roulent en soufflerie. Boardman a essayé beaucoup de casques différents. Prenez celui avec la flèche en arrière. Si vous regardez dix ou quinze mètres devant vous, il est dans la prolongation de votre corps. Si vous regardez trop en bas, vous perdez deux kilomètres en une heure « .

Greg LeMond utilisait le guidon à cornes de b£uf tandis qu’au dernier Tour, on a vu des guidons horizontaux. Ponnet :  » Cela dépend de chacun. Il faut conserver cette position une heure. Comme en automobile, on a des pneus durs pour diminuer les frictions. Un vélo rigide est meilleur mais moins confortable. Souffrir pendant une heure en restant ainsi assis pèse mentalement. Croyez-moi : nous ne tiendrions pas 30 secondes « .

Millar, Rogers, Ullrich, Botero, Bodrogi, Rich sont les spécialistes absolus. Millar, deux fois médaillé d’argent et une fois médaillé d’or au Mondial, a été convaincu de dopage à l’EPO. Ponnet soupire :  » C’est le problème des sports d’endurance. On remarque que les grands spécialistes attrapés avaient beaucoup à perdre, à un moment donné. Millar avait terminé deux fois deuxième, peut-être estimait-il avoir besoin d’un stimulant pour gagner l’or. Passons. De formation, il est pistard. Le contre-la-montre requiert une formation, au-delà du talent « .

C’est ce qui fait défaut en Belgique.  » Quand j’étais à la LVB, nous avons essayé de rendre la discipline attractive. Le GP Eddy Merckx ravive l’intérêt du contre-la-montre aussi mais ça ne suffit pas. Beaucoup de championnats nationaux ont le même programme que le Mondial. Les professionnels courent donc aussi le contre-la-montre, suivi par la presse. Ici, pour des raisons commerciales, chaque ville, village ou hameau a sa part de championnat, au détriment de l’aspect sportif. Pourtant, ça compte. Malgré son âge, Ekimov roule pour Armstrong. Pourquoi ? Parce qu’il est dur. Les spécialistes du chrono sont des travailleurs. Hélas, ici, ce n’est pas une priorité. Je trouve scandaleuse la façon dont Lotto roule depuis des années le contre-la-montre par équipes du Tour « .

Peter T’Kint

 » ON NE TIENDRAIT PAS 30 SECONDES sur certains vélos de CLM « 

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