Loin des tracas

Matthias Stockmans
Matthias Stockmans Matthias Stockmans is redacteur van Sport/Voetbalmagazine.

Le Haïtien, à La Louvière la saison passée, a préféré la Belgique à l’Amérique.

Wagneau Eloi (31 ans) a été champion de France avec Lens en 1998 et Monaco en 2000 mais il n’a pas joué beaucoup. En cause : de nombreuses blessures et son comportement, fustigé par son mentor lensois, Daniel Leclercq. En 2002, il a quitté Monaco, frustré, pour Guingamp. Arrivé au mercato d’hiver à La Louvière la saison dernière, il a inscrit sept buts pour son équipe.. Le voilà à Roulers. Il regrette le passé mais… c’est trop tard.

Wagneau Eloi : J’étais au faîte de ma carrière en 1998. J’étais titulaire de l’équipe championne et finaliste de la Coupe, l’AS Rome, Marseille et Liverpool s’intéressaient à moi. Tout semblait aller de soi mais à Monaco, je me suis endormi sur mes lauriers. Je suis arrivé comme titulaire mais je n’ai pas travaillé chaque jour pour faire mes preuves. Or, les places étaient chères et je revenais de blessure. J’ai baissé les bras en me demandant pourquoi les autres jouaient alors que j’aurais dû me demander ce que je devais faire pour rejouer.

Après Guingamp, le RC Lens vous a repris. Après six mois d’inactivité, vous avez rejoint La Louvière. Comment un avant de votre réputation peut-il rester aussi longtemps sans employeur ?

Je revenais de blessure. J’avais subi une grave opération au genou. Les clubs doutaient de ma condition. On est vite oublié, aussi.

Vous vous étiez entraîné six mois avec Valenciennes, où vous aviez retrouvé Daniel Leclerq. Pourtant, votre condition n’était pas idéale à votre arrivée en Belgique. Vous répétiez que vous n’étiez qu’à 60 %. Et maintenant ?

Je me sens déjà beaucoup mieux qu’à mon arrivée à La Louvière. Là, au début, je parvenais à peine à achever un match et je récupérais lentement. Je continue à souffrir de bobos mais c’est fréquent pendant la préparation et en début de saison. Je me sens prêt pour démarrer avec Roulers.

 » Je joue pour le plaisir et je n’en éprouve qu’en gagnant  »

La saison passée, vous avez mal réagi aux critiques, suite à vos prestations moyennes avec les Loups. Estimiez-vous cette critique injuste ?

Non. J’ai seulement dit que j’attachais peu d’importance à l’opinion de gens qui posent des jugements rapides. Il faut un minimum de condition et de préparation pour ce niveau alors que j’avais été longtemps inactif. Je n’avais pas encore le bagage physique nécessaire. Je l’ai dit d’emblée à La Louvière : à l’équipe, à l’entraîneur, au club. Albert Cartier connaît le football et a compris ma situation. Un moment donné, Filippo Gaone a exigé qu’on n’aligne plus certains joueurs à cause des problèmes financiers mais le coach avait une sorte de contrat moral avec moi et m’a titularisé jusqu’à la fin de la saison.

Vous avez vous-même déclaré risible qu’on dise retrouver par moments l’ancien Eloi dans l’avant louviérois…

Je suis assez âgé pour savoir si j’ai bien joué ou non. Je n’ai pas besoin de journalistes, de collègues ni d’entraîneur pour m’éclairer. Ce n’est pas parce que je marque une fois trois buts que je dois être satisfait. Je me connais, je sais ce dont je suis capable. Les journalistes aiment juger sur base d’actions ou de buts mais, excusez-moi, ce n’est pas logique. Si je ne marquais aucun but cette saison mais que Roulers signait une belle saison, je serais ravi. Je signerais des deux mains. Je ne suis pas un égoïste.

Je joue pour le plaisir. Je n’en éprouve qu’en gagnant et je veux partager ce bonheur et cette gloire avec mes coéquipiers. Chacun a sa manière de se motiver pour un match. La mienne ? En fait, ma motivation fluctue de rencontre en rencontre. Avant le déplacement à St-Trond, l’entraîneur avait promis que nous aurions un dimanche libre si nous réalisions un match nul. Normalement, nous nous entraînons le dimanche à 10 h et comme nous rentrons souvent tard de nos déplacements, c’était pénible. Donc, je voulais au moins réussir un match nul pour faire la grasse matinée. Nous avons bien joué mais j’étais frustré car nous n’aurions jamais dû perdre ce match. Mes coéquipiers et moi-même avons galvaudé trop d’occasions. J’étais vraiment énervé au coup de sifflet final mais je laisse rarement transparaître mes sentiments.

Que viennent chercher en Belgique d’anciens grands joueurs français comme vous et Tony Vairelles ? Que peut apporter le championnat belge à votre carrière ?

Vairelles va briller, croyez-moi. Je le connais très bien. Nous étions partenaires d’attaque dans l’équipe championne de Lens. Nous formions un duo redoutable, moi avec ma technique et ma vitesse, Tony avec son physique et sa vista : nous étions complémentaires. Nous sommes en Belgique pour retrouver le plaisir de jouer, loin des tracas liés aux contrats et à tous ces trucs. Je retrouve mon calme et je vois plus souvent les miens.

 » Ce ne sera inquiétant que si je suis le plus motivé du noyau  »

Que pensez-vous du niveau du championnat ?

Il est difficile d’effectuer des comparaisons. Sans vouloir paraître méprisant, je trouve cette compétition moyenne.

Quel est le niveau de votre nouveau club, Roulers, promu ?

Je crains que nous ne devions être à 100 % à chaque match pour être en mesure de gagner. Roulers ne peut se permettre de lever le pied. Aucune rencontre ne sera facile mais j’ai confiance dans ce groupe. Il est composé de battants. Le seul qui se laisse parfois aller, ici, c’est moi. Je suis tranquille. Je ne suis pas comme eux. Au fond, c’est rassurant. La situation ne deviendra vraiment grave que quand je deviendrai le joueur le plus motivé du noyau (il rit). Attention, ce n’est pas parce que je me balade relax que je ne m’engage pas sur le terrain !

Pourtant, Daniel Leclerq vous reprochait publiquement votre irrégularité et votre laxisme. Il doit y avoir une part de vérité ?

Relax ne signifie pas que je ne me livre pas à fond. Je veux dire que je ne me laisse pas mettre sous pression. C’est dans mon tempérament. Roulers ne me connaît pas encore. Le staff et l’entraîneur doivent comprendre que j’ai 31 ans et que je dispose d’une expérience suffisante, que je ne suis donc pas obligé de me livrer à fond à chaque entraînement. Mais quand le match est là, je serai prêt.

Même dans un club semi-professionnel qui ne s’entraîne qu’une fois par jour ?

Ce régime me convient peut-être mieux. J’ai toujours été sujet aux blessures. J’ai eu des tas de petits bobos. Je me sens mieux dans ma peau grâce à la diminution de la charge de travail. Cette situation est plus saine pour mon corps. Dans ces conditions, je peux encore jouer quelques années (il rit).

Que faites-vous en journée, au lieu de vous entraîner ?

Je me lève tôt. Parfois, j’effectue un jogging, si mon genou ne se rappelle pas à mon souvenir. L’après-midi, je m’adonne souvent au tennis, un sport que je pratiquais beaucoup quand je n’avais pas de club. Et puis je consacre plus de temps à ma famille.

Vous habitez toujours en France, pas loin de la frontière. La distance Roulers û Lens a sans doute été déterminante dans votre choix sportif ?

En effet, c’est une des raisons pour lesquelles j’ai signé ici. Je discutais avec un club américain mais ça ne me plaisait pas vraiment : je possède une maison, une partie de ma famille y vit. La concrétisation du transfert a duré trop longtemps et Roulers s’est manifesté. Il me permettait de rester en Belgique, dans un club où j’allais me sentir bien dans ma peau et m’amuser.

Que peut-on attendre d’un Eloi qui s’amuse ?

De beaux buts.

Comme votre hattrick la saison passée contre Beveren ? Etait-ce le premier de votre carrière ?

Je pense que oui mais je peux remettre le couvert cette saison. Si nous avions eu un peu plus de réussite contre St-Trond, je me serais distingué.

Matthias Stockmans

 » Roulers m’a permis de rester en Belgique, dans un club où je peux ME SENTIR BIEN DANS MA PEAU ET M’AMUSER  »

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