Logan über alles

Superman, sauveur, surnaturel, classe mondiale, ces éloges ont entouré les débuts de l’ex-gardien de Genk en Bundesliga. Rencontre avec Zean-Marie II.

Des vestes en jeans courtes manches placardées d’écussons de clubs, des têtes blondes brosse à l’avant-tapissé à l’arrière, des frappes de mules, un stade XXL et le public qui va avec,… Pas de doute, on est bien en Bundesliga. Pour le Borussia Mönchengladbach, la 22e journée de compétition rime avec survie. C’était il y a dix jours, la lanterne rouge accueillait Hanovre (alors 12e) avec l’interdiction de gaspiller. Ce couteau sur la gorge propre au maintien devrait perdurer jusqu’au 23 mai, date de clôture du championnat. En cause, un premier tour catastrophique du promu.

Logan Bailly doit donc jouer les sauveurs. Et c’est bien parti. Sa prestation Kolossale à Brême la semaine précédente (54 contacts avec le ballon et un seul but encaissé) a directement fait grimper sa cote auprès des supporters des Vert et Noir, qui placent beaucoup d’espoir dans leur nouveau et dernier rempart. Au fanshop du club, sa vareuse arrive déjà en troisième position des plus vendues derrière le jeune et talentueux Marko Marin et le légendaire Oliver Neuville. Christian Auwe passe par là et nous explique que son fils a réalisé une pancarte où il demande à Logan de lui donner son maillot à la fin du match. Tandis que les plus pessimistes espèrent déjà  » qu’il restera au club l’an prochain en… D2.  » Et puis Bailly, c’est aussi un look, une attitude.  » Il est pas mal du tout, il est même plutôt sexy « , nous lancent Verena et Bianca, habillée en… Bianca, carnaval oblige.

Le kop dans le dos, Bailly débute une rencontre chauffée par l’hymne très rock du club repris à l’unisson avant la montée sur la pelouse. Superman Bailly (dont on retrouve le sigle sous forme d’un étendard brandi au sein des fanatiques de la tribune nord) ne jouera pas au héros face à Hanovre. La victoire est au bout sans qu’il ne doive sortir le grand jeu. Peu de ballons à prendre mais deux buts encaissés. Une frappe et une tête qui le laissent de marbre : c’est aussi ça la Bundesliga.

A la sortie, le Belge et capitaine Filip Daems, au club depuis 2004, est marqué physiquement, mais soulagé :  » Il y a 5, 6 équipes que l’on peut sauter. Faudra montrer du fighting spirit à chaque match.  » Pour ce qui est du soutien, pas de soucis, ils étaient 36.600 à les encourager dans la lutte pour le sauvetage.  » Quoi ? 36.600 seulement ? Ça doit être notre plus mauvaise assistance de la saison « , s’étonne Capitaine Daems. C’est aussi ça la Bundesliga

Deux jours avant une nouvelle défaite (2-1 au Hertha Berlin), Logan nous fait part de sa nouvelle vie.

Vos débuts à Mönchengladbach ont été tonitruants. Comment expliquer un tel départ ?

Logan Bailly : Je me sens parfaitement bien dans ma peau ici, je suis très heureux d’avoir signé en Allemagne. Cela joue évidemment sur mes prestations. Il était temps pour moi de connaître un nouveau challenge. Après sept saisons à Genk, l’envie de voir ailleurs grandissait au fil des jours.

Quels sont les éléments qui vous ont amenés ici ?

Les dirigeants et l’entraîneur m’ont clairement fait part de leur envie que je les rejoigne. D’autres clubs se sont intéressés à moi ; des clubs français, italiens, mais rien de véritablement concret. Et puis, je n’ai pas signé n’importe où. Mönchengladbach est un club de tradition, un ancien grand d’Allemagne ( voir cadre), respecté dans tout le pays. Enfin, il y a l’aspect financier,… je ne vais pas le cacher.

Ça veut dire un salaire multiplié par deux, par trois ?

C’est incomparable avec ce que je gagnais en Belgique. Mon salaire a été multiplié par… beaucoup.

En contrepartie, il y a ce classement qui vous enverrait aujourd’hui en D2.

Oui, évidemment. Mais c’était l’unique point négatif lors de ma signature. J’évolue aujourd’hui dans un autre monde. Chez nous, il y a en moyenne 40.000 personnes. Derrière le goal, où se trouve le kop, y a un mur de 22.000 personnes qui nous soutiennent. Ça équivaut à la moyenne des spectateurs du Phoenix Stadion, vous vous rendez compte ! Et à l’extérieur, les stades sont également bondés. En Allemagne, le foot se vit avec ferveur et c’est très excitant.

Justement, cette pression liée au public, aux médias, n’a pas l’air de vous contrarier. Cette effervescence donnerait même l’impression d’avoir l’effet inverse sur vous…

La pression sur un terrain me donne une énergie positive. Je n’ai jamais eu peur d’avoir des caméras sur moi ou une masse de monde dans mon dos. C’est mon caractère, j’aime faire partie d’un spectacle. En Belgique quand tu vas à Mouscron et que tu évolues devant 4.000 personnes, tu n’as peut-être pas cette même concentration. Ce n’est pas une critique, c’est juste un constat.

Lors d’Anderlecht-Genk en décembre dernier, on vous a vu offrir votre maillot aux supporters limbourgeois après la défaite. Saviez-vous qu’il s’agissait de votre dernier match en Jupiler League ?

Non. J’avais des contacts avec Gladbach deux mois avant ce match, mais rien n’était signé. Ce n’est que le lendemain que les parties se sont mises d’accord. Peut-être avais-je un pressentiment quand je suis parti jeter mon maillot aux supporters… Ce geste représentait surtout une forme de respect envers mon ex-public. D’autant qu’on avait été lamentable ce soir-là.

 » Je serai dans le kop de Genk ce week-end « 

Vous étiez devenu un symbole à Genk.

C’est normal. J’y ai vécu depuis mes 16 ans et je connais tout le monde là-bas : du président au magasinier. Chaque employé du Racing, je peux le regarder droit dans les yeux. Ce sentiment me rend extrêmement fier. Genk restera à tout jamais le club de mon c£ur.

200 supporters de Genk se sont rendus à votre premier match à domicile en Bundesliga face à Hoffenheim. Comment expliquez-vous l’amour qu’ils vous portent ?

J’ai toujours eu un bon feeling avec les supporters. Ils ont vu ce que j’ai pu leur apporter mais surtout, je sais ce qu’eux m’ont apporté. Ils m’ont toujours soutenu et je les en remercie. Je serais d’ailleurs dans le kop, sauf imprévu, ce week-end face à Dender. J’ai plusieurs amis derrière le goal.

On vous voit partout dans la presse, que ce soit belge ou allemande. Vous venez de passer une heure avec une radio locale de Mönchengladbach. Toutes ces sollicitations ne vous usent-elles pas ?

C’est la rançon de la gloire. Je sais que cela fait partie de mes obligations de joueur pro. Voilà pourquoi je m’y plie sans problème. Mon père m’a toujours dit que c’est le jour où le téléphone ne sonne plus qu’il y a un problème. Cette disponibilité fait tout simplement partie de mon éducation.

Toute médaille a son revers. La presse locale à Genk vous a collé une étiquette de sorteur l’an dernier. Il y a aussi l’incident relaté par la presse francophone lors d’un festival de musique à Jupille en juillet dernier.

Ça fait malheureusement aussi partie du jeu. Une certaine presse voulait me voir comme un bad boy alors que je suis très loin de tout ça. Même si j’ai mon caractère. Et puis, que l’on écrive ou raconte que j’aimais sortir, ce n’est que la pure vérité. Si j’avais envie de me cacher, je n’aurais pas été dans des boîtes à Liège ou à Bruxelles. Je savais que cela allait venir aux oreilles de certains. D’un autre côté, je connais mon corps et je n’ai jamais dépassé mes limites.

Vous gardez le même mode de vie qu’il y a un ou deux ans ?

Non, je me suis quand même rangé. On est plus mûr, c’est normal. Et sportivement, mon nouveau club est dans une situation délicate et mon unique objectif est braqué sur son sauvetage…

Avez-vous été vexé que la première fois qu’on a (abondamment) parlé de Bailly dans la presse allemande, c’était pour évoquer les photos de votre femme posant en sous-vêtement pour le calendrier des femmes de joueurs de Genk ?

Au contraire, ça m’arrangeait bien. On me laissait tranquille à cette époque-là ( il rit).

Mais vous êtes au courant que la presse allemande est souvent plus borderline qu’en Belgique ?

Oui. Ma femme est apparue en grand dans Bild. Et Bild, c’est plus  » stars et people  » qu’autre chose. Je m’en suis très vite rendu compte ( NDLR, Bailly avait été photographié par le quotidien allemand à 5 heures du mat’ dans une boîte des Iles Canaries lors du stage hivernal). Peu après, j’ai réussi à faire parler de moi grâce à mes qualités sportives. L’essentiel est là.

Gladbach Glamour Boy

Votre côté fashion victim et votre goût pour les grosses cylindrées, devraient toutefois faire recette. Le célèbre hebdomadaire Kicker n’a, par exemple, pas hésité à titrer Gladbach Glamour Boy dans un article vous concernant.

Que l’on s’intéresse aux à-côtés, ça ne me pose pas trop de problèmes. Tant qu’on reste dans les limites du raisonnable. On m’a souvent photographié posant devant ma dernière voiture de sport, et alors ? Je n’ai jamais caché que j’aimais me faire plaisir. D’ailleurs, j’ai toujours dit que je n’avais pas envie de mourir riche…

Les autoroutes allemandes sont réputées pour ne pas imposer de limitation de vitesse. Un argument supplémentaire à votre venue…

( Il rit) C’est ridicule. Je ne vais pas aller me tuer. Trop de personnes comptent pour moi. Ma femme, Jessica, ma fille Destiny, et tout le reste de ma famille avec qui je suis continuellement en contact.

Sportivement parlant, il était temps de changer de cap pour progresser ? Aviez-vous le sentiment de stagner ?

Peut-être. En tous les cas, c’était le bon moment pour partir. En Belgique, j’ai reçu un formidable écolage. D’abord à Liège avec Philippe Boussard et puis au Standard avec Christian Piot et Claudy Dardenne. Et enfin à Genk sous l’égide de Guy Martens avec qui j’ai eu une relation exceptionnelle. Il m’a fait travailler, et j’ai dégusté. Il m’arrivait régulièrement de râler, mais lui savait parfaitement comment m’améliorer. Encore aujourd’hui, je sais que pour être au top de ma forme, j’ai besoin de beaucoup m’entraîner.

Genk donne l’impression de ne plus être en mesure de concurrencer Anderlecht et le Standard. Et cela ne semble pas être une question d’argent. Une enquête du Nieuwsblad place le Racing sur la seconde marche des clubs les plus riches de Belgique. Comment expliquer ce recul sportif ?

C’est vrai, on a le sentiment que Genk stagne. Est-ce dû à une politique de transfert inadéquate ? Je n’en sais rien… Je note juste qu’au Standard, à Anderlecht, vous avez des grands noms comme Oguchi Onyewu, Milan Jovanovic, Jan Polak, Mbark Boussoufa ; tous des joueurs qui ont démontré leur valeur. Citez-moi un joueur de la même trempe à Genk. Et puis, la mentalité n’y était pas non plus. Le groupe n’était pas assez ambitieux. Certains jouaient à la carte, peut-être pour leur transfert. Personne ne prenait les choses en main dans le noyau pour que les choses évoluent…

Aviez-vous le sentiment de manquer de reconnaissance en Belgique ?

Non pas de reconnaissance mais de respect, oui. Des personnes, que je ne citerai pas, ont visé ma famille. Que l’on me vise moi, d’accord, mais qu’on touche à ma femme, ma fille, mon père ou ma mère, là il y a un problème. De mon côté, je sais que si je peux revenir à Genk et regarder tout le monde dans les yeux, ce n’est pas réciproque…

 » De Sart est un énorme entraîneur « 

Vous comprenez la décision de René Vandereycken de ne pas faire appel à vous ?

Je n’ai pas à la commenter. A partir du moment où il estime qu’il y a trois gardiens meilleurs que moi, je me plie à sa décision.

Décision logique donc ?

C’est en tous les cas logique pour lui. Il estime Stijnen, Proto, Vandenbussche meilleurs que moi, voilà tout.

Et pour vous, les trois meilleurs gardiens ?

Proto, Stijnen, Vandenbussche.

Dans l’ordre ?

( il rit) Stijnen, Proto, Vandenbussche.

Votre départ de Genk devrait faciliter votre retour chez les Diables, non ?

On verra… Si je continue à prester, j’aurai ma chance, j’en suis certain. Je n’ai aucun problème avec le coach national.

Le négativisme ambiant semble avoir disparu de l’équipe nationale. Comment l’expliquez-vous ?

Il y a une très belle génération qui se prépare. Des gars qui jouent chaque semaine des rencontres du top comme Marouane Fellaini ou Vincent Kompany, de nombreux joueurs talentueux comme Moussa Dembélé ou Kevin Mirallas. Mais surtout, on est une bande de potes. Si l’on regarde l’équipe nationale aujourd’hui, elle est à trois quarts composée d’éléments venus des Espoirs, dont la plupart étaient ou auraient dû être aux derniers JO.

L’esprit de corps serait donc pour beaucoup dans le beau parcours olympique ?

Oui, mais pas seulement. On a pu compter sur un entourage très professionnel ; je pense d’abord à notre coach, Jean-François de Sart, mais aussi à Jean-François Remy pour l’aspect vidéo, préparation tactique et puis à Mario Innaurato pour la mise en condition, l’énorme travail physique.

Certains ont relativisé le succès de de Sart. Pour vous, c’est un grand entraîneur ?

Un grand entraîneur ? Non. De Sart est un énorme entraîneur. Il maîtrise tous les aspects, que ce soit tactique, humain, etc. Ceux qui prétendent qu’il n’avait pas la main sur le groupe se trompent lourdement. Et puis, je lui serai éternellement reconnaissant d’avoir maintenu sa confiance après un championnat d’Europe très moyen de ma part et une saison délicate avec Genk.

D’autres ont relativisé le niveau des JO ?

Ceux qui ont fait pareille déclaration, j’aurais bien aimé les voir sur le terrain. Si Diego, Ronaldinho, Messi, ce n’est pas le top mondial, il y a un petit problème…

Aux JO, que ce soit face au Brésil, face à l’Italie, on a vu une Belgique décidée et surtout ambitieuse. Est-ce dû à un changement de mentalité chez la nouvelle génération ?

En tous les cas, on ne craint personne, c’est sûr. Quand je monte sur un terrain, je ne fais pas attention aux noms en face. Pour moi, ils ont tous deux jambes et deux bras comme moi. Pour le reste…

 » Pfaff est le modèle à suivre « 

Votre confiance devrait encore grandir en Bundesliga. Quels sont les principaux changements pour un gardien dans ce championnat ?

Il n’y a pas véritablement de différence. Les attaquants sont tous très costauds, bien plus qu’en Belgique, on doit donc choisir le bon moment pour sortir.

Rien à voir avec des restes du choc avec Akpala ?

Non, pas du tout. Ce qui s’est passé fait partie des risques du métier. J’ai encore toute ma tête pour moi, c’est déjà oublié.

Vous avez déclaré être prêt à rester au club en cas de culbute en D2. Vous maintenez ?

Oui, même s’il existe une clause dans mon contrat qui me permet de m’en aller. Me retrouver en D2 ne serait pas catastrophique, je suis sûr qu’elle est d’un bon niveau. Quand on voit qu’on est dernier avec une équipe pareille, ça donne une idée du niveau. Mönchengladbach jouerait aisément la tête en Belgique ; l’équipe recèle davantage de qualités que Genk, par exemple.

Vous connaissez le grand gardien belge à s’être produit en Bundesliga ?

Oui, évidemment : Jean-Marie Pfaff.

Vous êtes proche de lui question show, personnalité.

Peut-être, mais lui a marqué la Bundesliga. Avec le Bayern, il a remporté plusieurs titres ; j’en suis très loin. Mais c’est clair qu’il est le modèle à suivre.

Vous vous êtes mis à l’allemand ?

Oui, ich liebe dich, bier, auf wiedersehen … Sérieusement, je prends des cours ou plutôt, je suis censé en prendre, mais je les ai loupés à cause d’interviews, de mon déménagement.

L’Allemagne, vous trouvez ça sexy comme destination ?

Pas vraiment. Je ne suis pas très balade en forêt. Moi, c’est plutôt soleil, plage et cocotiers. Mais je ne suis pas venu ici pour faire le touriste.

pat thomas bricmont – photos: reporters/ hamers

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