LOFT story

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Pur produit de l’OM, il a joué avec Ravanelli, Pirès, Dugarry,… Et battu Manchester United en Ligue des Champions !

Loris Reina n’est pas une des dynamos du Sporting de Charleroi. Jamais, depuis le début de la saison, il n’a été désigné meilleur joueur de son équipe. Il n’empêche que c’est l’un des Zèbres les plus souvent alignés dans ce championnat. L’homme est donc fiable. Qu’on le poste en défense ou dans l’entrejeu (toujours à gauche), il fait ses matches. Après deux saisons presque blanches, il est venu chez nous pour retrouver du temps de jeu. Son premier pari est donc d’ores et déjà réussi.

Dans le vestiaire, son accent marseillais très chantant ne passe pas inaperçu. Il est loin des cigales, des pistes de pétanque et du soleil de sa région natale, mais il ne s’en émeut pas.

 » J’ai compris depuis bien longtemps qu’un footballeur professionnel devait accepter de bouger « , lance-t-il.  » Je me sens bien ici. Beaucoup mieux qu’en Suisse, par exemple, où j’ai passé un an « . L’histoire de Loris Reina (23 ans) est celle d’un petit gamin fou de foot et de l’OM, qui a fait toutes ses classes dans ce club puis a touché au rêve avant de retomber de haut.

Loris Reina : L’OM, c’est toute mon enfance. Et mon adolescence. J’habitais sur le boulevard du stade et je n’ai rien raté des exploits européens de ce club. Je n’avais que 13 ans quand Marseille a gagné la Coupe des Champions, mais je m’en souviens comme si c’était hier. A ce moment-là, je jouais déjà en équipes de jeunes depuis cinq saisons.

Quel type de lien avez-vous gardé avec l’OM ?

Depuis l’été dernier, je n’appartiens plus à ce club. Ce fut une sensation très bizarre à vivre au début, parce que j’étais estampillé OM depuis 1988. Mais bon, j’ai bien dû me résoudre à faire un choix. J’avais fini par comprendre que je n’avais plus d’avenir là-bas. C’est malheureux, mais c’est la réalité et je ne suis pas le seul à l’avoir reçue en plein visage. Faites le compte des joueurs formés à Marseille qui se sont ensuite imposés en équipe Première de ce club. Il n’y en a pratiquement pas. L’OM sait former des joueurs mais n’est visiblement pas capable de les garder à un bon niveau une fois qu’ils ont atteint l’âge adulte. Il y en a beaucoup qui se sont révélés ailleurs. Pourquoi ? Je n’en sais rien. Les supporters non plus. Cela les fait pas mal râler, d’ailleurs. Ils sont tristes que Marseille n’ait plus une vraie connotation marseillaise. C’est partout pareil : les gens apprécient de voir en équipe Première des joueurs de la région.

Le gosse du quartier croque le grand Manchester

Vous aviez pourtant semblé décoller lors de votre première saison professionnelle là-bas ?

J’en étais moi-même persuadé. Tout roulait pour moi. C’était en 1999-2000. Pour ma toute première saison dans le noyau A, j’étais systématiquement dans le groupe pour le week-end, et j’ai fait plusieurs apparitions en match. J’ai même pu goûter à la Ligue des Champions. Quels souvenirs : nous avons accédé au deuxième tour et affronté des gros cubes comme Manchester United, Feyenoord, la Lazio et Chelsea. J’ai participé à la victoire à domicile contre Manchester : 1-0. Vous imaginez le bonheur pour un gosse du quartier comme moi ! Par moments, je croyais rêver. Je jouais avec Fabrizio Ravanelli, Christophe Dugarry, Robert Pirès et d’autres stars du même calibre.

Certainement pas. Je ne me suis jamais cru arrivé. Je profitais simplement du moment présent et j’appréciais d’avoir la confiance d’un coach comme Rolland Courbis. J’étais le plus jeune du noyau et j’accompagnais les stars chaque week-end : je prenais cela comme un honneur.

Pourquoi votre horizon s’est-il subitement bouché ?

Quand Courbis a été remplacé par Bernard Casoni, j’ai vite compris que les choses allaient se compliquer pour moi. Casoni ne comptait pas du tout sur moi. Ne me demandez pas pourquoi : je n’ai pas de réponse. Il me connaissait très bien puisqu’il m’avait entraîné chez les jeunes. Mais il devait être écrit quelque part que, comme la plupart des autres joueurs formés par l’OM, j’allais être obligé de m’expatrier. Je suis parti à Nancy parce que je voulais jouer. Ce prêt était une très bonne solution. Nous nous sommes battus pendant toute la saison pour monter en D1 et nous n’avons échoué que d’extrême justesse. Une chouette expérience.

Avant un retour en enfer ?

Exactement. En revenant à Marseille, je ne savais pas que j’allais y vivre un été pourri. C’est Tomislav Ivic qui était aux commandes. Il avait composé deux groupes : ceux sur lesquels il comptait, pour lesquels rien n’était trop beau ; et les autres, dont je faisais malheureusement partie. On faisait tout pour nous faire craquer : nous n’avions pas accès aux vestiaires, nous devions nous changer dans des petits locaux préfabriqués, nous ne recevions que l’équipement minimum, nous avions rarement droit aux kinés. Nous avions trouvé un surnom à notre groupe : le loft. Parce que, de temps en temps, il y en avait un qui sortait en espérant trouver son bonheur ailleurs, et ceux qui restaient lui souhaitaient simplement bonne chance. Ce fut une expérience très douloureuse, mais ça vous forge un caractère. Depuis lors, je suis blindé. En tout cas, ce n’est pas d’un traitement pareil qu’on rêve quand on est gosse. Et c’est encore plus difficile à vivre quand on a connu l’ivresse de la Ligue des Champions dans un stade chauffé à blanc.

 » Van Buyten a tout compris  »

Qu’espériez-vous en signant au Servette Genève, quand vous avez à votre tour quitté le loft ?

J’ai vite compris que je ne devais pas espérer grand-chose de ce nouveau prêt, que j’avais eu tort d’accepter trop vite la proposition de la direction de Marseille. Je m’étais retrouvé là simplement au nom de la belle amitié qui existait entre Bernard Tapie et le président du Servette. Dès le premier entraînement, le coach, Lucien Favre, m’a confié qu’il n’avait jamais demandé mon transfert parce qu’il avait déjà suffisamment de joueurs de bon niveau pour évoluer à ma place. Ce fut une saison très délicate. Je jouais rarement et je suis resté toute l’année à l’hôtel, alors qu’on avait promis de me trouver très vite un appartement. Je ne retiens qu’un seul bon souvenir de mon expérience en Suisse : notre beau parcours en Coupe de l’UEFA. Nous sommes arrivés jusqu’en huitièmes de finale, où nous avons été éliminés par Valence.

Vous vous êtes de nouveau retrouvé dans le noyau A de Marseille en début de saison dernière : persuadé d’abattre votre dernière carte ?

Encore une saison pourrie ! Je n’ai pas joué un seul match. Entre Alain Perrin et moi, le courant ne passait pas. D’ailleurs, ça ne passait pas avec les autres joueurs non plus. Ces problèmes relationnels entre le coach et le groupe, on en parlait très peu l’an dernier, simplement parce que les résultats étaient bons et masquaient la réalité quotidienne. Entre-temps, les langues se sont déliées. J’ai eu un privilège, la saison passée : j’ai été le seul joueur du noyau à ne jamais être repris dans le groupe pour le week-end. Quand il y avait trop de blessés ou de suspendus, Perrin préférait faire appel à des Espoirs. J’ai eu des occasions pour partir en D2, en cours de saison. Mais Perrin les a refusées pour m’en proposer d’autres. Il se passe parfois des trucs bizarres entre entraîneurs : les joueurs ne maîtrisent pas tout ! Aujourd’hui, Daniel Van Buyten est bien placé pour en parler…

Que voulez-vous dire ?

Qu’on m’explique comment il a pu passer, en quelques mois, du statut de héros à celui de pestiféré. En début de saison, on le disait intransférable. Mais, subitement, on l’a poussé vers Manchester City. C’est ça, Marseille. Il faut sans arrêt renouveler les cadres. La grosse différence par rapport à ce qui se passait autrefois, à l’époque de Tapie, c’est que le club n’a plus les moyens de faire venir les plus grandes stars. Voyez-vous encore de vraies vedettes dans l’équipe actuelle ? Quand Tapie avait besoin d’un nouveau stoppeur, il sortait l’argent nécessaire pour s’offrir le meilleur d’Europe. Idem s’il lui fallait un buteur. Ce n’est plus possible aujourd’hui et je n’imagine plus l’OM en finale de la Ligue des Champions dans les années à venir. Si je prends aujourd’hui le poster de la saison où j’ai débuté en équipe Première et que je retourne au stade vélodrome, je ne reconnaîtrai plus personne. Les joueurs ont changé, mais aussi la direction et le staff technique. A mon avis, je ne retrouverais plus que les kinés (il rit).

Quel souvenir avez-vous gardé de Van Buyten ?

Je l’aimais bien. La saison dernière, nous étions voisins de vestiaire. Il ne parlait pas beaucoup mais ce n’était pas ce qu’on lui demandait. Il faisait son boulot sur le terrain et il le faisait très bien. Il n’a en tout cas pas perdu au change : il va faire un carton en Angleterre.

Pierre Danvoye

 » Presque tous les BONS JEUNES formés par l’OM sont OBLIGéS DE PARTIR « 

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