Lobby belge EN AFRIQUE

Dans la roue du duo  » Courtois-Michel  » en croisade pour la Coupe du Monde 2018.

Sénateur ou activiste du ballon rond, Alain Courtois promène son bâton de pèlerin là où sa cause peut être entendue. Depuis plus de trois ans, cette cause, toute la Belgique la connaît : une Coupe du Monde sur notre territoire. Le pari osé, voire fou, invite à la satire. Peu importe. Ce patriote pur jus a le goût du défi et l’ambition pour slogan. Si le convoi belgo-hollandais veut poursuivre sur la voie de la crédibilité, il faut donc être là où ça se passe. Et vendredi dernier, the place to be avait pour cadre Luanda et la XXXIIe assemblée générale de la Confédération africaine de Football (CAF).

Sepp Blatter (président de la FIFA), Issa Hayatou (président de la CAF) et bien d’autres puissants du foot mondial avaient investi les lieux afin de débattre de l’avenir du foot en Afrique. Courtois, en sa qualité d’ambassadeur du gouvernement belge pour la candidature de l’organisation de la Coupe du Monde 2018, devait, lui, y être vu. Accompagné de Marc Schasny, son fidèle project manager, l’ex-secrétaire de l’Union belge avait emmené du lourd dans ses valises angolaises.

Qui de mieux pour attirer les regards que Louis Michel, ex-ministre des Affaires étrangères, ex-commissaire européen en charge du Développement et de l’Aide humanitaire et actuel eurodéputé et coprésident de l’Assemblée parlementaire paritaire UE-ACP (pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique) ? Sur le contient africain, les carnets du bourlingueur Michel sont truffés de bonnes adresses et de contacts utiles.

 » Quand nos concurrents l’ont vu débarquer, ils se sont assurément dit- Là les Belges ont réalisé un gros coup, on doit faire de même la prochaine fois « , se félicite Courtois.  » Des gens comme lui, qui ont fait autant de choses pour l’Afrique, il n’y en a pas des masses dans le monde.  » Et l’Afrique devrait vraisemblablement jouer un rôle décisif dans l’attribution du Graal. Seul continent à ne posséder aucune nation candidate pour 2018, elle détient quatre voix (Cameroun, Côte d’Ivoire, Egypte, Nigeria) sur les 24 qui composent le comité exécutif (l’organe de la FIFA qui rendra public l’attribution de la Coupe du Monde 2018 le 2 décembre prochain). Un sacré pesant d’or.

Donc, du vendredi 29 janvier, jour de l’assemblée générale de la CAF, au dimanche 31 janvier, date de clôture de la CAN, il fallait habilement faire du lobby.  » On doit avoir un lobbying d’enfer car une Coupe du Monde s’obtient par les contacts, les opportunités, etc « , poursuit Courtois. Lobby ? Pression exercée par certains groupes sociaux sur un gouvernement ou autre association d’envergure. A ce jeu-là, des personnalités politiques comme Louis Michel sont déterminantes.

Schasny :  » Faut pas le cacher, nous sommes les outsiders. Chez les bookmakers, nous sommes derniers des pays européens. Mais nous pouvons tirer profit de cette situation. Notre chance, c’est le one to one politique. L’argent, c’est la Russie qui le possède. La puissance, c’est l’Angleterre. « 

L’Angleterre parlons-en. JO 2012, Coupe du Monde de rugby 2015 et pourtant les Britons ne sont pas rassasiés. Cette Coupe du Monde, ils la veulent, 52 ans après l’avoir remportée chez eux. Et pour cela, ils ont évidemment eux aussi dépêché leurs groupes de pression à Luanda. Si la Belgique a plutôt misé sur les contacts discrets, les Anglais ont choisi d’envoyer John Barnes jouer les ambassadeurs et les bonnes âmes. L’ex-star de Liverpool début 90 a rendu visite à un orphelinat de la ville et tapé la balle avec les enfants, sans oublier bien sûr de se prêter au jeu des photographes. L’important, c’est d’être vu, répétons-le.

L’épais réseau de Louis Michel

Le duo Courtois-Michel préféra mettre le ballon de côté et axer sur le dialogue en privé avec plusieurs pointures du foot mondial : Blatter, Hayatou et Mohammed Bin Hammam (Qatari membre du comité exécutif de la FIFA), le secrétaire de la FIFA Jérôme Valcke, etc.

 » Tous ces gens sont des leaders d’opinion « , explique Louis Michel.  » Plusieurs sont venus me voir pour me demander ce que je faisais là. Ils m’ont aussi fait part de leur estime. Les membres des fédérations africaines savent évidemment que je connais très bien leurs dirigeants. J’ai un important réseau au sein duquel j’ai bâti une confiance mutuelle et de la crédibilité. Aujourd’hui, je peux m’entretenir personnellement avec tous ces dirigeants. C’est donc logique que ces jours-ci, je me mette à la disposition de cette belle £uvre. « 

Si du point de vue médiatique, Louis Michel semble à peine intégrer la dynamique du Mondial 2018, il l’a toujours soutenue avec verve en coulisses. Alors que le 20 décembre 2007, Guy Verhofstadt démarre officiellement l’opération, il est au premier rang :  » J’ai toujours fait partie du projet. Quand Alain a lancé l’idée d’une Coupe du Monde sur notre territoire, il a fait le tour de son carnet d’adresses, dans lequel j’étais. Je lui ai dit que je serai présent dès qu’il aura besoin de moi.  »

Les vraies chances du ticket belgo-hollandais

Si d’aucuns doutent des chances de la paire belgo-hollandaise, certaines indications montrent qu’elles ne seraient pas si minimes. D’une part, lors de la conférence de presse qui a suivi l’assemblée générale de la CAF, le président Blatter a fait comprendre que la Coupe du Monde 2018 irait à un pays d’Europe. La Belgique n’est plus au coude à coude  » qu’avec  » trois organisations (Angleterre, Russie, et Portugal-Espagne). Deuxièmement, Blatter a récemment vanté les mérites de l’Euro 2000, premier championnat d’Europe bénéficiaire.  » Je pourrais admettre la défaite mais alors au tie-break « , annonce Courtois.

 » J’ai l’intime conviction que la Belgique et les Pays-Bas ont une capacité d’accueil, logistique et organisationnelle très importante « , poursuit Michel.  » On offre beaucoup d’avantages par rapport aux autres pays. Je ne sais pas si on se rend bien compte de ce que Bruxelles représente dans l’imaginaire collectif. Je prétends que cette ville peut constituer un symbole fort. Il est aussi crucial pour des pays moyens comme le nôtre de porter de grandes ambitions. C’est ce qui m’a beaucoup plu dans l’audace, le culot, de gens comme Alain qui se disent : – Dans le fond, on est dans un monde totalement ouvert. Quelles raisons empêcheraient des pays comme la Belgique et les Pays-Bas de ne pas unir leurs efforts pour un tel événement ?  »

Courtois :  » Les grands pays n’ont pas le monopole des grandes organisations.  » Même si l’histoire des JO ou des Coupes du Monde prouve le contraire ?  » Il faut un début à tout. Avec l’Euro 2000, on a ouvert la porte. « 

Michel :  » J’observe que le Portugais José Barroso préside l’Union européenne. Le Belge, Herman Van Rompuy le Conseil de l’Europe. Aujourd’hui, l’étiquette petit pays est relativisée.  »

Marc Schasny de corroborer :  » Le cahier des charges est tellement lourd que de moins en moins de grands pays sont capables d’organiser une Coupe du Monde seuls… « 

Courtois :  » Je fais remarquer aussi que la prochaine CAN sera organisée par la Guinée équatoriale et le Gabon. Avec les Pays-Bas, nous avons ouvert la voie en 2000 : ce procédé correspond au monde moderne et devrait être au fil du temps davantage utilisé.

Michel :  » Les frontières sont de plus en plus relatives vu les moyens de communication… « 

Pourquoi jouer petit bras ?

Malgré l’optimisme de mise sous la chaleur tropicale de Luanda, la paire est toutefois consciente que la Belgique a besoin d’un coup de fouet sportif. Courtois :  » Il est impératif d’accueillir un grand événement dans les dix, quinze années qui viennent. Au risque de se retrouver en grand danger. On est usé, on vit sur notre passé. Et pourtant en 2010, la Belgique joue la Coupe du Monde tous les jours. Grâce à ses entreprises à dimension internationale. Les citoyens doivent les imiter, les prendre en exemple. Cessons d’être petit bras. Place à l’ambition. « 

Michel :  » Cette récente léthargie est effectivement dommage, car notre pays conserve de la grandeur dans le subconscient collectif international. Et aussi une classe diplomatique hors pair. Dans le passé, des personnalités comme Paul-Henri Spaak, Jean Gol, Pierre Harmel ou, n’en déplaise à certains, Léopold II, ont perçu l’orientation du monde et ne faisaient certainement aucun complexe de petitesse. Ce sont des exemples.  »

Depuis 2002, malheureusement notre foot ne glorifie pas le royaume. Les Diables multiplient les contre-performances, les clubs ne brillent que trop rarement. Heureusement, les Pays-Bas, troisièmes au ranking FIFA, contrebalancent la donne. Toutefois, comment rayonner face aux autres grandes nations européennes candidates comme le duo Espagne-Portugal, l’Angleterre ou la Russie ?

 » Paul Van Himst, Marc Wilmots sont des personnalités de marque. Parmi la nouvelle génération, on trouve également de belles personnes. Je suis convaincu qu’on sort tout doucement du creux de la vague.  » Louis Michel n’est pas que dans le jeu politique, il dit se passionner pour le ballon rond. Cela dépasse sa relation bras dessus, bras dessous avec Wilmots.  » Je pense que j’aurais fait un bon entraîneur « , nous dit-il, sourire en coin.

Les clivages politiques entre parenthèses

La prochaine étape de taille aura lieu le 26 février. Un conseil des ministres se tiendra afin d’y signer la convention d’Etat indispensable à la candidature.  » C’est même l’étape la plus importante du dossier « , précise Courtois. Et ce dossier, d’environ 1.000 pages comprenant les informations techniques sur les infrastructures, les stades, l’écologie ou les services d’hébergement, ce Bid Book comme le nomme la FIFA, devra être parfaitement ficelé et adressé pour le 14 mai 2010.

 » Je suis confiant quant au bon déroulement des futures négociations politiques, même si je m’attends à quelques accrocs. Je ressens toutefois une solidarité des décideurs politiques « , poursuit Michel.  » Je ne suis pas le seul politique à être mobilisé. Van Rompuy l’est aussi, tout comme Yves Leterme, Verhofdstadt, Jean-Luc Dehaene ou d’autres. La classe politique belge a su pour une fois arriver à un consensus. Sur le projet Coupe du Monde, personne ne se tire dans les pattes ; on se dit -Y es we can and we will !  » Qu’on se le dise…

par thomas bricmont à luanda

Les grands pays n’ont pas le monopole des grandes organisations. (Alain Courtois)

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