Livre noir

Le président de Charleroi revient sur les problèmes avec l’Union belge et la saison chahutée de son club.

Abbas Bayat a toujours l’énergie. Et pas celle du désespoir malgré les remous, tant sportifs qu’extra-sportifs qui secouent son club. Pour Sport/Foot Magazine, il revient sur la saison décevante et le conflit qui oppose son club à l’Union belge. Mais aussi sur Stéphane Demol et sur le bilan de Tommy Craig.

Chapitre I : l’affaire contre l’Union belge

Revenons d’abord sur l’actualité chaude : comment Charleroi va-t-il réagir face à l’Union belge ?

Abbas Bayat : On est en train de réfléchir. Cela n’est pas clair. On a remis le match contre le Cercle selon certains accords. Et aujourd’hui, on va souffrir des conséquences. Si, à l’époque, on nous avait dit que nos desiderata n’étaient pas acceptés, on n’aurait pas accepté de reporter le match.

Mais on vous a octroyé certaines prérogatives qui n’étaient pas réglementaires !

Je ne pense pas. Cela n’a rien à voir avec les règles. Il y a une mauvaise compréhension des choses. Prenons le cas Habibou : il a reçu trois matches de suspension, y compris le match du Cercle. Si ce dernier est remis pour une cause  » non footballistique « , et non liée à la météo, on a le droit de demander de libérer le joueur pour le match contre le Standard, qui ne faisait pas partie initialement de sa suspension.

Mais quand on est suspendu pour un nombre de matches et si l’un tombe, la suspension ne peut être remise.

On nous a demandé de remettre le match parce que la Fédération n’était pas en position de nous forcer à remettre le match. Elle nous l’a demandé simplement parce que le Cercle et Zulte avaient choisi de l’attaquer en justice ! ( NDLR : parce qu’elle imposait, au mépris de règlement, que le vainqueur de ce tour joue le suivant en un seul match, sur le terrain d’Anderlecht) Et si la Fédération nous avait dit, lorsqu’on a négocié que ce qu’on désirait allait à l’encontre des règles, il n’y aurait pas eu de problèmes : on aurait joué, il y a dix jours, contre le Cercle.

Donc, vous menacez d’aller en justice sans papiers officiels alors que l’Union belge ne fait que suivre son règlement…

On a des accords. Il y a des témoins. Il y a aussi le texte. Les témoins, ce sont entre autres le président de la Fédération, le vice-président, le président de la Ligue pro et le directeur général d’Anderlecht Herman Van Holsbeeck. S’il n’y a aucun document ou aucun accord, pourquoi le match a-t-il été remis alors ? Maintenant, si le Comité exécutif a décidé à l’unanimité de revenir sur les accords pris, c’est un peu bizarre.

C’est pour cela que vous menacez d’aller en justice ?

Non, ce n’est pas une menace. On va protéger nos droits. On n’a pas voulu reporter le match.

Vous critiquez l’Union belge mais vous avez joué le jeu des  » petits accords entre amis  » que vous dénoncez…

Mais on n’a pas joué de jeu. Tout s’est fait en toute transparence. La Fédération a appelé Charleroi. La Fédération a pris la décision de punir le Cercle en l’obligeant à disputer le quart de finale en un seul match, à Anderlecht.

Vous êtes d’accord avec cette décision ?

Moi, j’aurais été encore plus loin. J’aurais exclu le Cercle et Zulte de la Coupe.

Mais en quoi le Cercle est-il coupable ?

Le Cercle était complice de la décision de remettre le match de Coupe ( NDLR : parce que Zulte n’avait pas pris toutes les mesures nécessaires pour déblayer son terrain lors des huitièmes de finale). Si le Cercle avait insisté pour jouer, Zulte se voyait infligé d’un forfait ! Les deux clubs sont tombés d’accord pour décider n’importe quoi. La fédération est mal gérée car elle a toléré la décision des deux clubs. En Coupe, Malines a tout essayé pour remettre notre rencontre. On n’a pas voulu, disant que l’arbitre était le seul juge. Lui est venu, il a inspecté le terrain à trois reprises et à 18 h, il a décidé de jouer.

L’erreur de Charleroi, c’est finalement d’avoir négocié. N’aurait-il pas mieux valu dire à la Fédération que vous ne vouliez pas remettre le match ?

On l’a dit. Dix fois. Mais l’Union belge, Anderlecht, tout le monde a insisté pour qu’on vienne discuter. On a dit : on a trois problèmes. Si on doit remettre le match, c’est important qu’Habibou puisse jouer contre le Standard, que Paul Taylor puisse avoir une dérogation – ce qui n’est pas contre les règles puisque toutes les fédérations peuvent donner une dérogation suivant les circonstances. Or, Taylor n’avait pas joué une minute avec Anderlecht. C’est un cas très particulier. On aurait pu demander cette dérogation à la FIFA mais on est passé par l’Union belge. Enfin, on voulait résoudre le problème de Mogi avec la Fédération ( NDLR : L’Union belge a décidé de ré-affilier Mogi, supprimant toutes les amendes). Cela n’avait rien à faire avec le règlement. Tout ce qu’on a demandé était conforme à toutes les règles ( sic).

Etes-vous soutenu à la Ligue pro ?

Je m’en fous. Moi, je veux juste protéger les droits du Sporting de Charleroi.

Chapitre II : les changements d’entraîneur

En début de saison, vous croyiez beaucoup au top-6. Pourquoi Charleroi est-il si mauvais ?

Premièrement, je ne pense pas que cela soit si mauvais. Il n’y a qu’un écart de neuf points avec la sixième place. Deuxièmement, je ne peux pas prédire le futur. On a fait un mauvais choix, c’est simple.

Lequel ?

Celui de prendre Stéphane Demol comme entraîneur. On a bien débuté mais je me souviens très bien qu’après la victoire à Genk, je lui avais dit que le résultat était une aberration au vu de la physionomie de la rencontre. Je lui avais dit – Si vous continuez à entraîner comme vous le faites, on va prendre un coup sur la tête. C’était le début de notre spirale négative. On ne pouvait pas sans cesse bouleverser l’équipe, changer de tactique et de stratégie, jouer avec trois défenseurs, puis cinq. Mais ce qu’on ne savait pas, c’est qu’il avait des problèmes en dehors du football et qu’il avait perdu toute sa concentration ( sic).

Vous parlez de mauvais choix mais c’est avec Demol que les Zèbres ont disputé leurs meilleurs matches cette saison ?

Non, je ne pense pas. Il a eu de la chance que l’équipe était quasiment identique à celle de l’année passée ( NDLR : Charleroi avait tout de même perdu Laquait, Defays, Camus, Joneleit, Grégoire). Les cinq premiers matches de la saison s’inscrivaient davantage dans la continuité de la fin de saison passée. Mais au fur et à mesure, les joueurs ont perdu leurs bases et leur jeu. Après cela, on a paniqué, on a perdu notre organisation, on encaissait beaucoup et depuis que Tommy Craig est là, l’équipe est beaucoup plus sereine.

Mais la griffe Craig n’apporte pas du football champagne ?

Je ne suis pas d’accord. On commence même à évoluer  » à l’espagnole « , avec beaucoup de mouvement et de petites passes.

Vous vous amusez donc toujours au stade ?

Je peux vous dire que je ne me rappelle pas une aussi bonne première mi-temps que celle que nous avons fournie contre Genk. En dix ans de présence à Charleroi !

Vous avez pris Craig faute de mieux ?

Non, il y avait beaucoup de candidats ! Vous pensez que personne ne veut entraîner Charleroi ?

Ce n’était pas votre premier choix !

Mais je n’ai fait une offre à personne d’autre.

Certains autres entraîneurs sont même venus visiter les installations…

On a parlé à quatre ou cinq entraîneurs et c’est normal quand on discute qu’ils se déplacent pour voir nos installations. Mais on n’a fait qu’une offre : à Tommy Craig. Je lui avais dit de rester au courant de ce qui se passait à Charleroi car un jour, je pourrais le rappeler.

Mais en partant, il ne semblait pas vouloir revenir ?

Qui vous a dit cela ? Certainement pas lui, il ne parle pas à la presse. Vous voulez certainement parler de John Collins.

Qu’est-ce qui vous séduit en Craig ?

Il connaît son métier. Lors des cinq derniers matches de la saison écoulée, on avait réalisé de bons résultats. Il s’agissait des conséquences de son travail. Car Collins agissait un peu comme un manager à l’anglaise. Il prenait les décisions mais c’était Craig qui effectuait le travail.

Vous êtes satisfait du bilan de Craig ?

Oui.

Si Charleroi se sauve, continuera-t-il ?

Oui. On a un contrat dans ce sens. Les joueurs sont contents avec lui.

Chapitre III : les relations avec la presse

La plupart des observateurs trouvent que votre équipe manque d’expérience. Vous n’aimez pas avoir des joueurs expérimentés dans votre noyau. Vous n’avez pas changé d’avis ?

Certainement pas. Quelle équipe a réalisé des résultats avec des joueurs de 35 ans ? On a Badou Kere qui est chez nous depuis dix ans. On ne manque pas de sagesse.

Que vous manque-t-il alors ?

La plupart de nos problèmes sont causés par la presse. Il y a toujours des articles sur le manque de qualité dans notre noyau. Cela crée un manque de confiance.

Mais si les joueurs sont à ce point influencés par la presse, c’est qu’ils manquent de mental…

C’est peut-être le cas. Le foot, c’est une bataille pendant 90 minutes. Il faut être prêt.

L’expérience apporte cette solidité mentale ?

J’ai vu des joueurs de 30 ans qui se cachent plus que des éléments de 18 ans. Certains savent ce qu’il faut faire pour ne pas être visible. Si vous ne prenez pas le ballon, vous ne commettez pas de fautes. Si vous vous cachez, vous ne touchez pas le ballon. Si on a un si mauvais noyau, comment avons-nous réussi à placer deux joueurs en même temps en Premier League ?

Chapitre Iv : les vrais objectifs du club

Parlons justement d’Adlène Guédioura et de Geoffrey Mujangi Bia. Leur saison était loin d’être réussie. Le prêt à Wolverhampton était-il la seule façon de valoriser ces joueurs ?

Non. En Angleterre, tout le monde fonctionne aujourd’hui avec le prêt. Surtout pour des joueurs qui ne sont pas établis.

Et ces deux joueurs ont forcément plus de chance de voir leur cote financière grimper à Wolverhampton plutôt qu’à Charleroi…

Un joueur a des qualités de base. Malheureusement en Belgique, le championnat ne permet pas aux joueurs d’évoluer à leur top-niveau chaque semaine. La marge de progression souffre après un certain temps en Belgique. Si Charleroi compte un joueur de top niveau mais qu’on doit rencontrer des équipes comme Lokeren et Roulers, ce joueur ne sera motivé que deux à trois fois par saison. C’est comme cela partout.

Vous n’attendiez pas plus, cette saison, de Mujangi Bia et de Guédioura ?

Il faut constater qu’il y a, en Belgique, une certaine irrégularité qui ne permet pas d’obtenir la consistance et la performance régulière. A cause principalement des différences multiples de niveaux de jeu en Belgique.

Pas du tout. Mujangi Bia n’a pas joué beaucoup, la saison dernière.

Vous le reprochiez à l’entraîneur car vous avez déclaré récemment :  » Un entraîneur connaît ma stratégie et en aucun cas, il ne peut se permettre de jouer avec le patrimoine du club comme l’a fait Demol avec Guédioura « .

Pour sa bagarre avec Majid Oulmers, Guédioura a été puni. Il a été suspendu pendant deux semaines et il a eu une amende (la somme maximale qu’on pouvait exiger). Mais après cela, il devait réintégrer le noyau. C’est illégal de le mettre de côté. Si on le mettait dans le noyau B, il pouvait aller au tribunal du travail. Demol n’a jamais aimé Guédioura. Il a toujours essayé de le casser.

Peut-être à cause de sa mentalité ?

Non. Il a une bonne mentalité. Il avait juste une grosse volonté et quand on était sous pression, il essayait de trop en faire. Il respectait la tactique… jusqu’au moment où il voyait que son club allait perdre.

Vous avez lu l’interview de Michel De Wolf ?

Vous savez qu’il a failli être viré pour fautes graves ? Il ne faisait pas son travail de scouting. C’est même Demol qui demandait de le virer ( sic).

Pourquoi l’avoir gardé alors ?

On avait le choix de le virer directement ou de discuter avec lui pour calmer la situation.

Vous faites confiance à 100 % à Mogi dans la gestion journalière ?

Mais je ne me fais même pas confiance à 100 %…

Quelles sont les erreurs commises…

( Il coupe). Mais qui ne commet pas d’erreurs ? Même le président Obama en commet. Et je ne suis pas là pour discuter des erreurs qu’on a faites.

Vous trouvez que votre club a avancé depuis deux ans ?

On n’a rien gagné pendant 90 ans et si vous me dites qu’on n’a rien gagné les dix dernières années, je vous répondrai que ce n’est donc pas anormal. On ne veut pas être un club moyen mais un club qui est géré avec les moyens disponibles. Pour vous et pour la plupart des gens en Belgique, c’est impossible de faire quelque chose de bien si vous n’êtes pas au top ! Mais on a fini cinquième deux fois en cinq ans. Quand je suis arrivé, j’avais dit que la première étape consistait à sauver le club, la deuxième à finir dans le top 5 et la troisième à gagner quelque chose et à essayer de rester autour du top 5. Or, comme nous devons reformer l’équipe en moyenne tous les deux ans, cela rend les choses plus volatiles. Lors des cinq prochaines saisons, j’espère finir trois fois dans le top 5…

par stéphane vande velde

On avait beaucoup de candidats entraîneurs. Vous croyez que personne ne veut entraîner Charleroi ?Je suis content du jeu : on commence à évoluer à l’espagnole.

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