Ligne forte

L’arrière droit brésilien fait pencher le jeu des champions quand il monte. Rencontre avec le défenseur le plus offensif du Standard.

Le Standard semble trouver son rythme de croisière. Il y a encore quelques petits accrocs, comme contre le Cercle Bruges, mais les piliers refont surface. A l’instar de Marcos Camozzato dont le début de saison ne ressemblait en rien aux prestations dont il avait l’habitude de sortir depuis deux ans. Manque de rythme évident comblé depuis lors. Il fallait être en forme en septembre. Lui, l’est !

Vous avez débuté la saison en mode mineur avant d’avoir un déclic contre Arsenal…

Marcos Camozzato : C’est vrai. On a effectué un travail physique en début de saison avec pour objectif d’être à 100 % en septembre pour la Ligue des Champions. Et pour moi, comme pour toute l’équipe, cela commence à porter ses fruits.

Vous n’avez pas craint de ne pas être à niveau en septembre ?

Non car on nous avait expliqué l’objectif. Il n’y avait aucune raison de paniquer. Aujourd’hui, je commence à retrouver mon meilleur niveau.

Et vous étiez prêt contre Arsenal…

Oui. Mais pas seulement moi. On a besoin de matches comme celui-là pour prouver notre valeur. On restait, en championnat, sur une mauvaise série. On ne retrouvait pas l’équipe du Standard qu’on avait l’habitude de voir la saison passée, et la rencontre contre Arsenal nous a rassurés. C’était important pour la confiance du groupe.

On a reproché au Standard de trop se focaliser sur la Ligue des Champions…

Quand tu as un championnat avec une formule remodelée, tu as moins de pression dès le départ. Tu te dis, inconsciemment, que tu as encore du temps avant de prendre des points. Je crois qu’on a pensé qu’on allait gagner naturellement et ce ne fut pas le cas. Ce n’est que quand on s’est rendu compte qu’on ne gagnerait pas de la sorte, qu’on a commencé à réagir. Après quatre matches nuls, il fallait changer notre mentalité.

 » C’est très difficile de gagner un duel face à Mangala « 

Votre rôle dans la ligne arrière a un peu évolué. Contre Arsenal et AZ, on vous a vu plus haut que les trois ou quatre autres arrières…

Cela vient de mon tempérament. Au Brésil, je jouais déjà de cette façon. Là-bas, l’arrière droit est plus offensif. Ici, je m’adapte à l’adversaire. A Courtrai, il n’y avait pas de milieu gauche dans le couloir. Mon adversaire direct évoluait de préférence dans l’entrejeu et si je lui laissais trop de liberté, cela nous compliquait la tâche. Pendant la rencontre, c’est à toi de faire l’analyse tactique du jeu adverse et de t’adapter en fonction. Contre Arsenal, il n’y avait pas de joueur qui évoluait dans mon dos et j’avais la liberté de faire un pressing plus haut. On avait analysé le schéma tactique d’Arsenal avant la rencontre et on avait vu cela. Cependant, cela m’arrive de changer d’avis en fonction de ce que je perçois sur le terrain et des événements. Et contre Arsenal, j’ai pris confiance quand j’ai vu qu’il n’y avait personne dans mon dos.

Dans la défense actuelle, vous avez pris du grade après les départs de Dante et Onyewu…

C’est difficile quand tu changes beaucoup de joueurs dans ce secteur. On a évolué souvent ensemble, à quatre, avec Dante, Onyewu, Sarr et moi. Avec cette charnière, on a terminé deux fois meilleure défense du championnat. Deux pièces maîtresses sont parties et on attend de nous le même rendement. C’est compliqué. Cependant, il y a des joueurs de qualité pour nous permettre d’arriver au même résultat.

Comme Eliaquim Mangala ?

Oui. On connaissait son potentiel puisqu’il s’entraînait déjà avec nous. Il possède beaucoup de qualités et il commence à avoir de l’expérience. Il n’est plus seulement une bête physique. Il devient plus fort et plus ouvert sur le plan tactique. Sa meilleure place se situe dans l’axe central car il marque très bien l’attaquant adverse. En un contre un, il est très fort. Avec lui, c’est très difficile de gagner un duel, surtout sur les ballons aériens. Il lui manque un peu de technique pour jouer en une touche de balle dans l’entrejeu. C’est pour cette raison que je pense que sa meilleure position se situe dans l’axe.

Il joue à vos côtés : comment se passe la communication entre vous deux ?

Lors de sa première rencontre, il a commencé au centre-gauche mais il ne trouvait pas ses marques. Il a changé avec Sarr et là, il a réalisé une grosse rencontre. On a beaucoup parlé. Même après les matches. Il veut apprendre beaucoup de choses. Pour moi, jouer avec lui, c’est facile. Je sais que je peux presser haut car derrière, en un contre un, il sera là pour prendre celui qui s’engage dans le trou.

Contre AZ, vous avez testé une défense à cinq. Pourquoi ?

Je pense qu’il s’agissait du bon système quand l’adversaire pressait. Mais quand on avait le ballon, il manquait un joueur dans l’entrejeu. Mangala devait décrocher dans l’entrejeu mais en première mi-temps, il évoluait quasiment à mes côtés. S’il avait évolué un peu plus haut, j’aurais pu monter aussi d’un cran. A certains moments, on n’avait pas besoin de cinq défenseurs. On avait regardé beaucoup de vidéos de l’AZ. On savait que souvent, les joueurs recherchaient les une-deux et venaient de la deuxième ligne apporter le surnombre. Pour contrer ce système, on devait suivre tout le temps le joueur à l’origine de l’action. En deuxième mi-temps, on ne l’a pas systématiquement fait. On donnait trop de liberté au joueur qui venait de derrière.

Est-ce que la Ligue des Champions correspond à vos attentes ?

La qualité est supérieure à ce que nous avons connu la saison passée. Mais le Standard a appris beaucoup de son parcours de la saison passée. Même si contre Arsenal, il nous a manqué un peu d’expérience.

 » Si on n’a pas de joueurs comme Defour pour donner du rythme, il faut trouver une autre façon de jouer « 

Ce n’est pas paradoxal d’aborder la Ligue des Champions avec l’équipe la plus faible de ces trois dernières saisons ?

Euh ( Il réfléchit).

Pour le dire autrement : trouvez-vous que cette formation est équivalente à celle des deux dernières saisons ?

C’est difficile à dire. On a conquis beaucoup de trophées avec les formations précédentes. On a arraché le championnat de Belgique après 25 ans d’attente et on a montré ce qu’on valait en coupe d’Europe. Aujourd’hui, c’est le moment de confirmer et c’est toujours difficile d’arriver à cela. Surtout quand tu perds trois ou quatre joueurs importants.

Mais sur le plan qualitatif, quelle était la meilleure équipe ?

On peut dire que c’était la précédente.

Laquelle ?

Celle qui fut championne la première fois. On se connaissait parfaitement. Mais c’est le football. On sait qu’il y a des joueurs qui partent et d’autres qui arrivent. On doit s’adapter. Avant, on n’hésitait pas à donner de longs ballons car il y avait Marouane Fellaini et Oguchi Onyewu pour les reprendre. Aujourd’hui, on doit changer cela car on les a perdus. Même si Felipe a montré qu’il était un bon joueur de tête.

Comment le groupe a-t-il vécu la suspension de Witsel et la blessure de Defour ?

Ce sont deux éléments très importants, qui gèrent le jeu dans une rencontre. Et perdre en même temps deux joueurs de ce calibre n’est jamais évident. Il faut changer d’équipe à chaque match de championnat et de Ligue des Champions. On ne peut pas avoir de continuité ni de schéma tactique fixe. On n’a pas de onze de base. Même pour Witsel, ce n’est pas facile de ne disputer que la Ligue des Champions. Pour avoir du rythme, il faut jouer tous les week-ends. De plus, les qualités de Defour et Witsel peuvent faire la différence dans une rencontre. Enfin, il faut composer sans eux.

On sent parfois un manque de pressing de l’entrejeu…

Oui, c’est là que l’absence de Defour se fait sentir : il ne faut pas négliger la qualité de ses passes. Pour faire la différence ou pour gérer le match quand on a la pression, lui, il remet de l’ordre. Il dit à l’un qu’il doit jouer plus bas, à un autre qu’il doit monter d’un cran.

Comment le remplacer ?

Si on n’a pas de joueurs pour donner du rythme, il faut trouver une autre façon de jouer.

Il n’y a pas de joueurs pour donner du rythme ?

Si (…)

… mais pas comme Defour ?

Pas comme Defour. Lui, il a l’expérience de l’équipe nationale, du Standard. Contre Arsenal, il aurait temporisé à certains moments.

 » Vous pouvez m’appeler Marcos « 

Quels sont les points positifs du début de saison du Standard ?

On a pris beaucoup d’expérience. Le fait d’accumuler les matches nuls, la pression, la faute de Witsel, la blessure de Defour, tout cela nous a fait grandir. Cela nous a permis de voir qu’on disposait d’un vrai groupe de qualité. Pas seulement d’un onze de base de qualité.

C’est un peu là que réside la différence par rapport aux deux saisons précédentes. On avait l’habitude de dire : le onze est bon mais le banc est un peu court. Cette saison, on a plutôt tendance à dire : le onze est moins bon mais le banc est plus large…

C’est tout à fait ça. Avant, quand on sortait deux joueurs du onze, on ne savait pas réaliser de bonnes rencontres. Aujourd’hui, on change à chaque match et celui qui entre est décisif. On l’a vu avec Moussa Traoré contre l’AZ et Arnor Angeli à Courtrai. Quand tu n’es pas bien dans le match, tu peux donc demander ton changement car tu sais que ton remplaçant va se montrer à la hauteur.

Le Standard est-il toujours supérieur à ses concurrents ?

Oui, je pense. Nous restons un groupe très fort. On a conservé le staff technique. Je crois que chaque année, le Standard grandit un petit peu. On a acquis de la confiance… et des joueurs de qualité.

Avant l’engagement de Ricardo Rocha et d’Olivier Dacourt, on a évoqué le manque d’expérience de cette équipe…

Mais on a été champion avec une équipe également très jeune. Et même si Onyewu et Dante sont partis, beaucoup d’autres sont restés ! Cependant, les arrivées de Rocha et de Dacourt font du bien. Ils apportent leur expérience et leur conseil. Je n’ai vu le Français qu’à l’entraînement mais on sent tout de suite l’intelligence de jeu, la sagesse de ne pas faire d’efforts inutiles, la cadence du jeu, les passes, le positionnement.

Quel est le nouvel élément le plus impressionnant ?

Felipe. Parce que je sais que c’est toujours très difficile d’arriver du championnat brésilien et il a joué d’emblée. Lors de son premier match, il a commis beaucoup de fautes en première mi-temps avant de s’adapter très vite. Il a des qualités au marquage et dispose d’une grande force physique. Rocha a l’expérience des championnats européens et il peut évoluer à tous les postes défensifs. C’est important pour nous.

Et quel est le joueur du début de saison ?

Mangala. Il n’a pas encore connu de jour sans. Il est toujours à son niveau. Il connait ses qualités et il sait ce qu’il doit faire. Il reste sobre.

Quelle est votre image : meilleur arrière droit, meilleur centreur, défenseur ?

Je pense que je garde cette image de défenseur brésilien qui ne joue pas seulement derrière. Là-bas, on a des espaces et la liberté de centrer. Ici, en Belgique, il faut davantage rester derrière mais je peux monter si j’en ai l’occasion. C’est l’intelligence tactique qui diffère beaucoup entre les deux pays.

Avez-vous appris beaucoup au Standard ?

Oui. Il y a beaucoup de contacts physiques. Au Brésil, quel que soit le contact, l’arbitre siffle. Ici, pas. J’ai dû apprendre à jouer avec mon corps. Au niveau force physique bien sûr mais également du positionnement. J’étudie également le jeu de l’adversaire pour savoir comment le marquer.

Quel regard portez-vous sur vos trois saisons au Standard ?

Quand on est devenu champion, beaucoup de personnes ont parlé de moi car je constituais une surprise. Arrivé en janvier, je n’avais débuté qu’une rencontre lors de la dernière journée de compétition. Puis, j’avais entamé le championnat suivant comme titulaire et on a remporté le titre. La saison passée, il fallait confirmer et quand tu restes au même niveau, beaucoup affirment que tu n’es plus au même niveau. Pour confirmer, tu dois donc prouver encore plus.

En début de saison, vous aviez l’impression d’être au même niveau ?

Non. Les critiques étaient logiques. Je n’étais pas au niveau de la saison passée. Maintenant, je me sens bien. On joue trois matches par semaine mais cela fait du bien. On accumule la confiance.

Dernière question : comment faut-il vous appeler ? Marcos comme dans toute la presse ou Camozzato comme sur votre maillot ?

Comme vous voulez. Marcos, c’est bien. Au Brésil, tout le monde s’appelle par le prénom. Ici, c’est le nom de famille. C’est pour cette raison que j’ai mis Camozzato sur mon maillot. Pas de problème, vous pouvez m’appeler Marcos.

par stéphane vande velde – photos: reporters/brundseaux

« Les critiques étaient logiques. Je n’étais pas au niveau de la saison passée. »

« Le Standard du premier titre était le plus performant. « 

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