Libre artiste

Le néo-Marseillais est, à l’heure actuelle, ce qui se fait de plus excitant dans le football français.

Dans une L1 en panne de buts, en manque de faste, il fait figure de libérateur. Au même titre que son ex-comparse, Karim Benzema, Hatem Ben Arfa est, à 21 ans, l’une des rares stars du championnat de France. Non pas pour son vécu ou son palmarès (riche tout de même de quatre titres avec l’Olympique Lyonnais, sans toutefois y avoir été grandement partie prenante), mais bien pour ce pied gauche, et ce dribble dévastateur, briseur de reins.

Son jeu est un réel plaisir pour les yeux et le joueur taillé pour un stade Vélodrome nostalgique de ces solistes si singuliers qui rappellent les Chris Waddle ou Abedi Pelé. D’ailleurs, dès l’annonce de son transfert, Marseille s’est enflammé. Acquis pour 12 millions d’euros chez l’ennemi lyonnais (qui se rapproche pas à pas du mécréant PSG) et arraché à son président, le volubile et irritant Jean-Michel Aulas, l’OM détenait son coup de l’été. Une transaction réalisée non sans mal puisque Aulas préférait le voir signer au Real Madrid qui avait le double avantage de proposer plus d’argent (25 millions d’euros !) et (surtout) de ne pas être un concurrent direct. Le joueur n’avait, lui, qu’une seule envie : signer à Marseille, pour son public, pour son coach mais aussi pour faire la nique dès cette saison au septuple champion de France, qui n’a jamais totalement cru en lui. Pape Diouf, le président marseillais, ne s’en cache pas : le titre est l’objectif prioritaire d’un club qui n’a pas lésiné sur les moyens. Outre Ben Arfa, arrivé pour remplacer dans le rôle de passeur-dynamiteur le minot Samir Nasri, parti à Arsenal, on notera les lourdes acquisitions de Vitorino Hilton et Bakary Koné.

Le début de saison ne fait d’ailleurs que confirmer les ambitions, puisque l’OM trône, après trois journées, en tête du classement en compagnie de… Lyon. Quant à Ben Arfa, il fait déjà l’unanimité. Omniprésent et buteur face à Rennes lors du match d’ouverture, ce fils d’un ancien international tunisien a remis le couvert quatre jours plus tard face à Brann Bergen où à la sortie d’un magnifique solo, il offrit le but de la victoire à Benoît Cheyrou (0-1). Des débuts brillants pour celui dont le talent hors du commun n’a jamais été discuté. Voilà pour le côté pile.

Des faux-airs de Cantona

Côté face, Ben Arfa s’est construit en quelques années l’image d’un garçon difficilement gérable. Peu enclin au travail défensif, trop perso pour beaucoup, il y a aussi ce caractère impétueux qui l’aurait éjecté du groupe lyonnais. En mars dernier, à la sortie de l’entraînement, Ben Arfa s’était frité avec Sébastien Squillaci (aujourd’hui au FC Séville). Une baston que le club avait tenté d’éclipser à quelques jours de son quart de finale face à Manchester United. Ce duel, que débutera Ben Arfa sur le banc, marquera d’ailleurs le début de la fin de son aventure à Lyon. Cet été, nouveau coup de sang, cette fois-ci, avec Djibril Cissé dont le tacle appuyé à l’entraînement avait fait sortir de ses gonds le jeune prodige.

On rappellera aussi le refus de Benzema de serrer la main de son ex-meilleur ami lors de son remplacement au stade de France face à Lille. Un Benzema, lui aussi au melon grandissant, que Lilian Thuram appelait  » Ben Arfa  » lors du dernier Euro pour fustiger son comportement de vedette. Confirmation faite par son ancien coéquipier, le défenseur brésilien Cris, qui déclarait à quelques jours de l’entame du championnat :  » C’est un grand joueur qui fait des choses magnifiques mais il doit travailler sa tête. Le football ne se passe pas seulement sur le terrain. Et il faut respecter les autres, sinon…  »

De son côté le Francilien, né à Clamart (Hauts-de-Seine) admet  » sa part de responsabilités. Je veux remettre tout à zéro. Depuis mes quinze ans, je n’ai pas eu le temps de me construire. J’ai une trajectoire spéciale. Je la raconterai plus tard.  » Ben Arfa, il est vrai, a été très vite cet enfant-star. Dès 12 ans, il était le personnage central d’un documentaire de Canal+ qui racontait la vie dans un centre de formation des futures pépites du football français. Surclassé exceptionnellement (l’âge requis est de 13 ans normalement) à Clairefontaine tant son talent sautait aux yeux, Ben Arfa n’a jamais vécu dans l’ombre.  » Le joueur le plus doué de notre génération « , dixit Nasri (qui comprenait tout de même le nouveau Gunner, Benzema ou Jérémy Menez) passait pro chez les champions de France à seulement 17 ans et disputait un quart de finale de la Ligue des Champions, au PSV, à 18 ans. Lors du départ de Florient Malouda de l’OL, Ben Arfa était son remplaçant tout désigné et pouvait alors compter sur son président pour lui faire sa pub :  » C’est le joueur le plus talentueux que le club ait jamais connu. C’est le nouveau Ronaldo.  »

Du Aulas dans le texte. Et pourtant, malgré toutes ces louanges, sa carrière n’a pas encore décollé comme celle d’un Benzema. Le nouveau Zizou (expression galvaudée dans le giron français) doit encore faire son trou chez les Bleus avec lesquels il ne totalise que six sélections. Là aussi, il devra se ranger quelque peu s’il veut coller à la nouvelle image sympathique et de proximité voulue par le Club France.

Son côté atypique, cantonesque, Ben Arfa devrait toutefois difficilement s’en défaire. Lui qui, issu de la génération Playstation, possède comme livre de chevet L’âme humaine d’ Oscar Wilde aux côtés d’ouvrages de Nietzsche ou de Kant.

Gageons qu’ Eric Gerets saura comment prendre cet artiste du football français. L’entraîneur marseillais avait d’ailleurs assuré dans nos colonnes :  » Avant qu’il signe, je lui au dit que nous allions souvent nous battre. C’est une certitude qui ne m’effraye pas.  » Le voilà prévenu… l

par thomas bricmont – photo : reporters

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