Liberté d’expression

Pour s’exprimer au mieux, le Portugais aimerait jouer le rôle de l’électron libre. A l’Antwerp, il semble en tout cas être sorti du trou.

Ecarté pour le match face à La Louvière, Almami Moreira avait retrouvé sa place, dimanche, dans une équipe du Standard qui s’est imposée 0-4 à l’Antwerp. On a eu peur pour lui après un quart d’heure de jeu. Après être mal retombé, il était demeuré inanimé sur la pelouse et avait été évacué en civière. Mais il est finalement remonté sur le terrain pour livrer une excellente prestation. Il a beaucoup bougé, s’est démené sans compter pour récupérer des ballons et a fait valoir ses qualités techniques lorsqu’il entrait en possession du cuir. Après avoir traversé des moments difficiles, il s’est confié.

Que s’est-il passé au cours des trois matches précédents, qui s’étaient conclus par autant de défaites sur le score de 0-2 ?

AlmamiMoreira : C’est difficile de répondre à cette question. Tout le monde était d’accord pour affirmer que, sur papier, nous possédions une grande équipe, mais nous ne parvenions pas à exprimer nos qualités sur le terrain. Nous étions tous conscients que nous pouvions faire beaucoup mieux, mais nous ne parvenions pas à mettre le doigt sur les raisons de ce manque de rendement. C’était comme si l’on était incarcéré dans une prison sans comprendre les motifs de cette incarcération.

Comment cela, une prison ?

Oui, nous ne parvenions pas à nous exprimer, mais nous ne trouvions pas les moyens de nous sortir de ce mauvais pas. Comme dans une prison, nous tournions en rond.

Au début, pourtant, tout allait bien : les quatre premiers matches avaient été prometteurs…

Oui, nous jouions en pleine confiance, avec beaucoup de volonté. L’état d’esprit était excellent. Puis, subitement, la défaite est arrivée contre Genk alors que nous aurions dû gagner. Un grain de sable s’est glissé dans les rouages. Un blocage s’est produit, et nous ne sommes pas parvenus à relancer la mécanique. Ni au Cercle de Bruges, ni contre La Louvière. La confiance s’est effilochée. C’était réellement incompréhensible, car ce groupe recèle à la fois de la qualité et de la quantité.

Ce grain de sable, était-ce l’arrivée de trois nouveaux joueurs, ou est-ce une pure coïncidence si la baisse de rendement s’est produit à ce moment-là ?

Selon moi, c’est une pure coïncidence. Je ne pense pas que l’arrivée de trois nouveaux joueurs ait pu nous déstabiliser à ce point. Ce sont des joueurs de qualité, qui ont affiché une bonne mentalité jusqu’à présent. C’est simplement la défaite contre Genk qui nous a entraînés dans une spirale négative. Au Lierse, lors de notre dernière victoire, nous n’avions pas réalisé une grande prestation, mais nous avions témoigné d’une grande solidarité et d’un bon état d’esprit. Après cela, une cassure s’est produite. Pas une petite cassure : une grande cassure. C’est à peine croyable et je ne trouve pas d’explication à ce phénomène. C’était comme si une sorcière nous avait jeté un sort.

Est-il possible que le système de jeu, qui fonctionnait bien au départ, ait été déréglé ? Pas nécessairement à cause des nouveaux joueurs, mais parce qu’ils ne sont pas encore intégrés dans ce système ?

C’est l’entraîneur qui définit le système de jeu. Aux joueurs de s’y adapter. En début de saison, nous étions habitués au système en 4-3-1-2, nous l’avions travaillé pendant la période de préparation. Ce n’était pas parfait, nous aurions pu inscrire davantage de buts, mais nous ne jouions pas mal.

 » Je n’ai pas peur de la concurrence  »

En gommant les imperfections, le Standard aurait-il pu progresser avec ce système-là et ces joueurs-là ?

Probablement, mais ce ne sont jamais que des supputations. Si, avec un nouveau système et de nouveaux joueurs, le Standard avait décollé d’emblée, chacun s’en serait félicité.

L’arrivée de nouveaux joueurs a-t-elle pu faire perdre confiance à certains joueurs qui, désormais, ne sont plus sûrs de leur place ?

Je ne peux pas parler pour les autres, seulement de mon cas personnel. En ce qui me concerne, je n’ai pas peur de la concurrence. Elle est saine et je suis conscient de mes qualités. C’est vrai qu’aujourd’hui, on est davantage dans l’expectative au moment où l’entraîneur va annoncer sa sélection pour le prochain match. Il faut être fort mentalement. Si certains baissent les bras face à cette situation, c’est leur problème. Pour ma part, la concurrence est une incitation à travailler davantage.

Pourtant, vous avez été victime de la nouvelle donne : vous avez été écarté de l’équipe lors de la venue de La Louvière à Sclessin…

Je ne comprends pas pourquoi j’ai été écarté. Je n’ai pas reçu d’explication. Mais je ne me suis pas laissé abattre. Depuis que je joue au football, j’ai toujours témoigné d’une grande force de caractère.

C’était une sanction pour la défaite au Cercle de Bruges ?

J’assume mes responsabilités. Dans ce match-là, je n’ai pas évolué à mon meilleur niveau. Mais je n’accepte pas certaines choses qui ont été écrites dans la presse. D’aucuns se sont, par exemple, posé la question de savoir qui, de Vital Borkelmans ou de moi, avait 40 ans. Je considère cela comme une insulte.

Depuis le début de la saison, on n’avait pas retrouvé le vrai Moreira…

C’est vrai, je le reconnais. J’évoluais à 70 % de mes possibilités. J’étais conscient de pouvoir faire beaucoup mieux.

A quoi attribuez-vous cette difficulté de vous exprimer ?

Si je le savais… La saison dernière, je n’avais pas toujours été excellent non plus. Lorsque je rentre chez moi, j’y pense souvent. Je me demande ce que je peux faire pour améliorer la situation. Je constatais que je n’étais plus comme avant. Je ne parvenais plus à redevenir moi-même.

Le système de jeu y était-il pour quelque chose ?

Ce serait trop facile d’incriminer le système de jeu. Lors de certains matches, j’ai bien joué dans ce système-là. En d’autres occasions, je n’étais nulle part. Souvent, des supporters m’ont dit qu’ils ne retrouvent plus le Moreira d’autrefois. Que pouvais-je répondre à cela ? Si j’avais la solution au problème, je l’aurais déjà résolu depuis longtemps. Ce qui est sûr, c’est que lors de ma première année au Standard, sous la direction de Michel Preud’homme, je disposais d’une plus grande liberté d’action. Mais je ne peux pas non plus me retrancher derrière cette explication. Dominique D’Onofrio préconise un autre système de jeu et je dois être capable de m’y adapter.

 » J’étais un peu bloqué  »

Avez-vous besoin d’avoir les coudées franches pour vous exprimer ?

Peut-être. A mes débuts à Sclessin, je me déplaçais à gauche, à droite, au milieu. Je pouvais changer de position à ma guise. J’ai besoin de toucher énormément le ballon. Si je ne touche pas le ballon pendant deux minutes, je deviens fou. Ces derniers temps, j’étais un peu bloqué. J’avais envie de courir, de marquer, mais je devais rester confiné sur ma position centrale. J’avais le droit de bouger mais à des moments bien précis. Je me sentais à ce point enserré dans un carcan que, parfois, je faisais fi des directives et je prenais l’initiative de me déplacer.

L’arrivée de Micky Mumlek vous condamne-t-elle, à terme, au petit banc ou estimez-vous que vous pouvez évoluer ensemble ?

Nous pouvons évoluer ensemble, puisque nous n’occupons pas la même position. Micky Mumlek est un très bon joueur, et entre joueurs de qualité, il y a toujours moyen de s’entendre.

Les supporters avaient commencé à clamer leur mécontentement après la défaite contre La Louvière…

Ce sont des supporters formidables, ils sont toujours derrière nous. Ils sont enthousiastes quand tout va bien et il est logique qu’ils manifestent lorsqu’ils ne sont pas contents. Mais, parfois, cela ne nous aide pas. Quoi qu’ils en pensent, nous montons toujours sur le terrain en essayant de mouiller notre maillot, mais nous ne parvenons pas à développer notre jeu.

L’équipe avait tendance à abuser des longs ballons…

C’est vrai. Souvent, on balançait devant. C’était dû au fait que l’équipe ne se trouvait pas et que le porteur du ballon manquait de solutions. Ce n’était pas l’entraîneur qui le demandait, cela venait comme cela. Je suis certain qu’avec les joueurs que nous possédons, nous sommes capables de construire. Mais nous ne le faisions pas.

Ce n’était pas nouveau…

Oui, nous étions entrés dans une certaine routine. Ce n’est pas facile de changer les habitudes. Parfois, les longs ballons peuvent réussir. Nous avons déjà marqué des buts de cette manière. Mais il faudrait uniquement utiliser cette méthode lorsqu’un joueur est démarqué et qu’on voit qu’il appelle le ballon en profondeur. En d’autres circonstances, il faudrait davantage alterner le jeu long et le jeu court.

Vous-même, pour éviter que le ballon ne passe systématiquement au-dessus de l’entrejeu, n’auriez-vous pas intérêt à redescendre d’un cran, pour venir rechercher le cuir dans les pieds des défenseurs ?

Sans doute, oui. J’avais essayé de le faire la saison dernière, mais on me le reprochait, car lorsque je descendais rechercher le ballon derrière, je n’étais plus dangereux. Aujourd’hui, j’ai renoncé à redescendre dans le jeu. J’essaye d’appliquer les consignes de l’entraîneur. Et il me demande de rester en place. C’est à Godwin Okpara, ou à Gonzalo Sorondo dans le cas du match à l’Antwerp, d’assurer le relais.

 » Mon tempérament, c’est prendre le ballon  »

D’une certaine manière, pour briller davantage, vous devriez donc désobéir aux consignes ?

Quelque part, oui. Parfois, j’en meurs d’envie. Mon tempérament m’incite à venir demander le ballon là où il se trouve, y compris dans les pieds des défenseurs, mais la raison me pousse à jouer tel qu’on me le demande.

Dominique D’Onofrio affirme parfois que le problème n’était pas d’ordre technique, mais plutôt psychologique. Etes-vous d’accord ?

Il y avait certainement un manque de confiance dans l’équipe, mais je ne suis pas entièrement d’accord lorsqu’il affirme que nous avons peur de jouer.

Lorsque cela ne va pas, aimeriez-vous que l’entraîneur discute personnellement des problèmes avec les joueurs ?

Oui, pour un joueur, un entraîneur doit un peu se comporter comme des parents vis-à-vis des enfants. Les joueurs aiment qu’on leur parle, qu’on leur explique ce qui ne va pas. Je ne suis plus un enfant, j’accepte que l’on soit dur avec moi, mais j’aimerais parfois plus d’explications. L’inverse est vrai également. Lorsque, physiquement, je ne me sens pas bien, je vais trouver l’entraîneur pour lui en faire part. Idem lorsque mes centres n’atteignent pas leur destinataire et que je souhaiterais que l’on travaille cet aspect du jeu. Chacun devrait en faire de même. J’accepte les critiques. On peut me reprocher de dribbler trop ou pas assez, mais pas de rechigner aux efforts. Contre Lokeren, j’ai joué avec un orteil cassé. J’essaye toujours de faire le maximum, même si cela ne réussit pas.

En voyant évoluer le Standard, on se demande à quoi a servi la période de préparation ? On est en octobre et il faut tout recommencer de zéro…

En effet, il faut tout recommencer. On n’était pas trop mal lors des quatre premiers matches, puis le ressort s’est cassé. Personne ne s’y attendait.

Etes-vous heureux à Liège ?

J’adore Liège. Certains pensent que les joueurs étrangers ne font que passer, mais pendant le temps que je suis ici, je fais partie intégrante de la vie du club et de la ville, et je me sens vraiment concerné par ce qui se passe au Standard.

 » J’accepte les critiques, pas les insultes « 

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire