A six mois de la fin de son contrat, le Limbourgeois se demande s’il continuera sa carrière ou s’il entrera en fonction à Genk.

L’image de la fin 2002 que de nombreux sympathisants louviérois garderont en mémoire, sera sans doute la moue de Domenico Olivieri après avoir converti le dernier tir au but décisif, en Coupe de Belgique à Genk. Songeur, le libero des Loups était partagé entre la joie d’avoir qualifié son équipe pour les quarts de finale et la tristesse d’avoir éliminé son ancien club, où il a laissé une partie de son coeur.

Quels sont exactement les sentiments qui vous ont traversé l’esprit?

DomenicoOlivieri: Comprenez-moi bien. J’étais très heureux, mais je n’ai pas laissé transparaître mes sentiments. Essentiellement par respect pour les supporters de Genk. Déjà que, dans l’absolu, ce n’est pas mon style de laisser éclater ma joie en faisant des pirouettes. Alors, dans ces circonstances-là, j’aurais trouvé cela très malvenu. Je ne peux pas oublier les années merveilleuses que j’ai passées au stade Fenix et le soutien que ces gens m’ont toujours apporté. Je me suis mis à leur place. J’ai compris toute la détresse qu’ils pouvaient ressentir en étant éliminés à domicile par un petit club comme La Louvière. Genk est une équipe de coupe, habituée à atteindre les demi-finales ou la finale, et qui a remporté le trophée à deux reprises ces dernières années. Vis-à-vis d’eux, je me devais d’observer une certaine retenue. J’espère qu’ils ont compris que j’avais simplement exercé mon métier et que, désormais, je défendais les couleurs des Loups.

Si ce tir au but vous posait un cas de conscience, vous auriez pu laisser à un coéquipier le soin de le botter?

Ce n’était pas aussi simple. Il faut se remettre dans le contexte d’un tel match. Au bout de 120 minutes d’effort, les organismes sont fatigués. Lorsqu’on aborde la séance des tirs au but, certains ne se sentent plus très sûrs d’eux, se désistent. En tant qu’ancien, j’ai pris mes responsabilités. J’ai directement dit: – OK, jebottelecinquième! Je ne pouvais pas savoir, à ce moment-là, comment la séance allait se dérouler. Wesley Sonck, qui tirait juste avant moi, aurait pu marquer. La séance aurait, aussi, déjà pu être terminée avant que je ne doive m’élancer. Les circonstances ont voulu que j’avais la qualification de La Louvière au bout du pied. Qu’aurait-on dit si j’avais loupé? Les commentaires auraient abondé dans l’autre sens. Beaucoup de gens auraient sans doute insinué: – Il l’a fait exprès, il ne voulait pas éliminer Genk! J’ai donc tiré pour marquer, sans m’en vanter. Qui voudra encore d’un libero à l’ancienne?

Avez-vous reçu des réactions à votre attitude?

Toutes celles que j’ai reçues furent positives. Tout le monde a compris que j’avais effectué mon boulot avec une grande conscience professionnelle. C’est La Louvière qui me paie, je dois défendre les intérêts de mon employeur.

Mais Genk demeure le club de votre coeur?

La plupart des membres de ma famille ont un abonnement à Genk. Beaucoup de mes amis et de mes voisins également. J’habite toujours à quelques kilomètres du stade Fenix. Au total, j’y ai joué neuf saisons, en deux périodes entrecoupées d’un passage à Seraing. J’ai vécu toute l’ascension de ce club, depuis les débuts difficiles qui ont suivi la fusion entre Waterschei et Winterslag, jusqu’à la consécration. Je ne peux pas effacer tout cela de ma mémoire. Lorsque je ne joue pas moi-même avec La Louvière et que Genk évolue à domicile, je vais assister au match, je n’ai aucune honte à l’avouer.

Neuf belles années, couronnées par un titre. Puis, Aimé Anthuenis est parti à Anderlecht, et ce départ signifia un peu le début de la fin pour Domenico Olivieri également…

Pas tout de suite. Avec Jos Heyligen, j’ai encore tiré mon épingle du jeu. C’est surtout Johan Boskamp qui a causé ma perte.

Quels sentiments en éprouvez-vous aujourd’hui, trois ans plus tard?

Le temps a produit son effet. Mais, au moment même, j’ai accusé le coup. Le divorce fut douloureux. J’avais tous mes amis à Genk. J’avais, depuis des années, mon armoire à la même place dans le vestiaire. J’ai surtout souffert de la manière dont cette séparation s’est produite. J’aurais préféré que l’on me dise franchement, en fin de saison: – Domenico, tonstyleneconvientplus, noussouhaitonsmisersurd’autresjoueurs, tueslibredetechercherunautreclub! C’eût été dur, mais honnête. Au lieu de cela, on m’a gardé dans l’effectif sans me faire jouer, et après quelques mois, j’ai dû me rendre à l’évidence: mon avenir se situait ailleurs.

Vous êtes donc parti à La Louvière, en cours de saison 2000-2001. Un bon choix, avec le recul?

Les premiers mois furent difficiles. J’avais gardé la nostalgie de Genk. Parfois, l’ambiance des grands matches me manquait. Un La Louvière-Beveren au Tivoli, ce n’est pas un Genk-Standard au stade Fenix. Mais je m’adapte partout. La Louvière, ce n’est pas mal, finalement. Le seul inconvénient, c’est que le Hainaut est si loin du Limbourg. L’été, lorsque les jours sont longs, la route est encore agréable. L’hiver, c’est plus pénible. Je n’ai jamais envisagé de déménager près du Tivoli. J’ai ma maison à Houthalen, mes enfants vont à l’école là-bas, mon épouse y a ses activités. Je ne peux pas leur demander de tout sacrifier.

Et votre avenir?

J’arrive en fin de contrat en juin. Une éventuelle reconduction n’a pas encore été évoquée. Je verrai ce que l’on me proposera, à La Louvière ou ailleurs.

Vous avez gardé cette étiquette de libero à l’ancienne, qui évolue derrière sa défense. Cela ne risque-t-il pas de vous être préjudiciable?

Chacun a sa conception du football. Si mon style ne plaît pas à tout le monde, tant pis. J’ai été champion de Belgique en jouant de cette manière. Le Brésil a été champion du monde avec un libero qui évolue derrière sa défense. L’Allemagne a parfois recours à ce système également. Alors, je laisse dire. J’aurai bientôt 35 ans. Mes plus belles années sont derrière moi. Ce que j’ai eu, on ne pourra pas me le prendre.

Un avantage: vous serez libre en fin de saison…

Oui, mais qui voudra encore d’un libero à l’ancienne?Se reconvertir à Genk

Appréhendez-vous le moment où vous devrez raccrocher les chaussures à crampons?

Non, parce que je prendrai la décision moi-même. Je pourrai donc m’y préparer.

Quand le ferez-vous?

Dans peu de temps, à mon avis. Je n’attendrai pas le mois de juin pour prendre une décision. Celle-ci devrait tomber dans les prochaines semaines.

Envisagez-vous de devenir entraîneur ou de boucler la boucle en rejouant en Provinciale à Houthalen, là où tout avait commencé?

Ni l’un, ni l’autre. Je ne pense pas que je deviendrai entraîneur un jour. Et jouer au niveau amateur, pour le plaisir de taper dans un ballon, ne me dit rien qui vaille non plus. Ne vous méprenez pas. J’adore le football. J’y ai joué toute ma vie, avec passion. Mon premier jouet fut un ballon. Mais il faut pouvoir tourner la page. Pour tout dire: à Genk, on m’a promis que le jour où j’arrêterai de jouer, on me reprendrait dans l’organigramme du club. Dans quelle fonction? Je l’ignore, cela doit encore être déterminé.

Malgré un divorce douloureux, c’est tout de même un beau geste qu’a posé votre ancien club?

Effectivement, c’est la preuve que j’ai laissé un bon souvenir là-bas et cela me réjouit. Je ne tiens toutefois pas à en dire plus pour l’instant, car je suis encore un footballeur en activité.

Terminer votre carrière par une finale de Coupe de Belgique, ce serait le rêve?

C’est le moins que l’on puisse dire. J’ai déjà joué à plusieurs reprises au stade Roi Baudouinavec Genk : des finales de Coupe de Belgique, des matches européens contre Duisburg et Majorque. J’en conserve de fabuleux souvenirs, et plus particulièrement de la première finale de Coupe de Belgique, gagnée 4-0 contre le Club de Bruges. C’était la première fois que Genk remportait un trophée. Lors du premier entraînement organisé au Heysel, durant la semaine précédente, beaucoup de joueurs ont contemplé le stade avec des yeux émerveillés, comme des gamins. Pratiquement personne, dans le groupe, n’avait encore mis les pieds là-bas. Mais je suis réaliste, je n’aime pas trop rêver. La finale apparaît encore très loin pour La Louvière. Enfin, sait-on jamais? Ces dernières années, des équipes comme Lommel ou Westerlo ont connu l’apothéose au stade Roi Baudouin. Alors, pourquoi pas? En Coupe de Belgique, au-delà des mérites, il faut avoir de la chance. Elle était à nos côtés à Genk, le sera-t-elle encore contre le Standard?

A l’heure actuelle, votre palmarès renseigne donc un titre et deux coupes, toujours avec Genk?

Effectivement. Il n’est pas excessivement fourni, mais combien de footballeurs avec des moyens limités comme moi, ne signeraient-ils pas pour présenter un tel bilan au terme de leur carrière?

Aimé Anthuenis est-il devenu coach fédéral trop tard pour vous permettre de devenir international?

De toute façon, c’est impossible avec les Diables Rouges: j’ai un passeport italien. J’ai toujours évolué comme Belge en championnat, parce que je suis né ici. Je n’ai jamais ressenti le besoin de demander la double nationalité. Je sais que, durant ma meilleure période, on s’était renseigné pour voir si j’étais sélectionnable. Aujourd’hui, il est trop tard.

Daniel Devos

« Tout le monde a compris que j’avais effectué mon boulot avec une grande conscience professionnelle »

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