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Lewis the Kid

Le week-end prochain à Melbourne, Lewis Hamilton (33 ans) entame sa bataille pour un cinquième titre mondial qui lui permettrait d’égaler Juan Manuel Fangio. Lewis Hamilton, the making of.

5 décembre 1995. Lewis Hamilton, âgé de dix ans, accompagne son père Anthony. Il foule le tapis rouge du chic Grosvenor House Hotel de Park Lane, au coeur de Londres, où on remet chaque année les Autosport Awards. Tous ceux qui comptent en automobile sont présents. Michael Schumacher, champion du monde pour la deuxième année d’affilée, va recevoir son premier International Racing Driver Award et la légende britannique Colin McRae se succède à lui-même dans la catégorie International Rally Driver Award.

Lewis était médian. Un travailleur au tacle très dur mais il se jugeait meilleur que moi. Je ne sais pas d’où il tenait cette idée.  » Ashley Young

Quelques mois plus tôt, le petit Lewis a remporté son premier titre national en catégories d’âge, le British Formula Cadet Karting Championship, et il attend avec impatience cette soirée de gala. On y attend plus de mille invités, tous en tenue de soirée -c’est obligatoire. Lewis arbore des chaussures noires brillantes et une veste en velours vert, prêtée par le lauréat précédent, Michael Spencer. Il a discrètement replié le bord des manches.  » Je me sentais vraiment bien dans ce veston. Comme un vrai homme.  »

Au fond de lui, il n’est encore qu’un petit garçon, supporter inconditionnel de McLaren. Le rouge et blanc le fascine et le triple champion du monde Ayrton Senna est son grand modèle.  » En le voyant piloter, je rêvais toujours de prendre sa place, un jour.  » Le décès du Brésilien, un an plus tôt sur le circuit d’Imola, l’a marqué. Quand son père lui a appris la nouvelle, sur un circuit de karting, il s’est caché derrière une auto pour pleurer. De longues minutes.  » Mon héros. Mort. Je regrettait terriblement, ce soir-là, alors que j’allais recevoir mon premier prix, de ne pas le voir.  »

Mais il y a tout de même du beau monde. Il a apporté un gros carnet pour collecter autographes, adresses et numéros de téléphone des invités.  » Mon père pensait que ça nous servirait peut-être un jour.  » Après la cérémonie et le dîner, l’adolescent fait le tour de la salle. Il sort de son rôle quand il rencontre Ron Dennis, fondateur et propriétaire du McLaren Technology Group.  » Hello, je suis Lewis Hamilton. Je veux rouler en Formule 1, de préférence pour McLaren.  »

Dennis s’assied à côté du garçon, lui dit qu’il doit s’appliquer à l’école tout en poursuivant son rêve. Lewis insiste. Il veut une adresse et un numéro de téléphone. Dennis rit.  » Tu sais quoi ? Téléphone-moi dans neuf ans, je t’arrangerai quelque chose.  » Il prend son stylo et écrit :  » Ne pas oublier. Téléphoner dans neuf ans.  »

Trois ans plus tard, en 1998, c’est Dennis qui téléphone. Il va apporter un soutien financier à Lewis, âgé de treize ans. Il lui offre une place dans le McLaren Mercedes Young Driver Support Programme. C’est un cadeau du ciel, surtout pour le père, qui combine trois boulots pour financer le hobby du fiston. Après sa journée de travail comme informaticien au British Rail, il plante des panneaux  » À Vendre  » pour une agence immobilière de Stevenage, à 75 centimes la pièce. Tard le soir et le week-end, il fait du porte-à-porte pour un ami qui place des doubles vitrages.

Ce n’est pas marrant mais chaque euro compte. L’année précédente, le père aurait mieux fait de parier chez Ladbrokes, qui avait proposé un pari spécial pour un talent âgé de douze ans : on pouvait gagner 40 fois sa mise si Hamilton gagnait un grand prix de F1 avant l’âge de 23 ans, 150 fois s’il était champion du monde avant ses 25 ans. Gain assuré…

LE FOOTBALLEUR

Lewis Carl Davidson Hamilton est né à Stevenage, une petite ville située au nord de Londres. La petite famille occupe un logement social. Il n’avait que deux ans quand son père, originaire de Grenade, dans les Caraïbes, a divorcé. Le gamin est allé vivre chez sa mère, Carmen, et les deux filles, Nicola et Samantha, qu’elle avait eues d’une première union. À dix ans, il emménage chez son père, sa belle-mère Linda et son demi-frère Nic, né avec une infirmité motrice cérébrale.  » Nic a été une source d’inspiration. Malgré ses limites physiques, il n’a jamais jeté l’éponge. Il est têtu et compétitif, comme moi. Quand on jouait, je n’arrivais pas à le laisser gagner.  »

Lewis est polyvalent. Sûr de sa place dans les sports d’équipes, en humanités : l’athlétisme (javelot, disque et 800 mètres), le cricket, le basket-ball et le football, sa deuxième passion.  » Lewis jouait dans l’entrejeu. Un travailleur au tacle très dur. Il se croyait meilleur que moi. Je ne sais pas d’où il tenait cette idée « , sourit Ashley Young, le médian de Manchester United, camarade de classe d’Hamilton.

 » Je pouvais devenir footballeur professionnel mais mon coeur s’emballait dès qu’il était question de moteurs « , confie Hamilton, supporter d’Arsenal, dans sa biographie. Il a pris place dans un kart électrique à l’âge de trois ans, pendant des vacances à Ibiza, un des rares voyages que le père pouvait se permettre. Ces quelques minutes en kart, sur un circuit d’à peine 60 mètres, impressionnent vivement le petit Lewis. Ça n’échappe pas à son père.

Lewis raffole de sa voiture téléguidée. À six ans, il surpasse déjà les adultes et termine deuxième du championnat britannique. Un an plus tard, à la Noël 1992, le cours de sa vie change.  » J’ai aperçu un énorme cadeau en regardant à travers la boîte aux lettres.  » C’est son première go-kart, offert avec une combinaison, des gants et un casque rouge.  » J’étais si heureux. C’était le plus beau cadeau de ma vie, même si l’engin était tout sauf neuf. Une occasion maintes fois revendues mais mon père y a travaillé jour et nuit dans le garage. Il l’a démonté, a remplacé des pièces, l’a repeint entièrement… Il ne voulait pas que je dénote sur le circuit, au milieu des enfants qui avaient un nouveau kart.  »

En voyant Ayrton Senna, je rêvais toujours de prendre sa place.  » Lewis Hamilton

LE COPAIN DE NICO

9 janvier 1993, deux jours après ses huit ans. Lewis Hamilton n’oubliera jamais cette journée. Il a fallu improviser pour arriver au circuit de Rye House, dans une vieille Vauxhall, coffre ouvert pour y caser le kart. Dès ses premiers tours de circuit, il découvre un autre monde. Vitesse, freinages, virages, il adore. C’est ce qu’il veut faire.

Ses week-ends sont merveilleux. Ils se déroulent selon un rituel bien déterminé. Il se rend aux courses en camping-car, il bat souvent des garçons plus âgés et au retour, son père et lui chantent à pleins poumons.  » We are the champions, we are the champions.  » Quand il ne gagne pas, son père l’emmène à Rye House, il se place dans un virage et demande à Lewis de freiner un mètre ou deux après.  » J’ai souvent dérapé, je suis sorti de piste et j’ai même eu des crashes mais j’ai appris à donner le meilleur de moi-même.  »

Deux ans après avoir déballé son kart, il enlève donc son premier titre britannique, en 1995, et attire l’attention des grandes équipes de kart. Ron Dennis a été rapide sur la balle et Lewis découvre le monde de la Formule 1, en spectateur privilégié. McLaren Mercedes l’invite au grand prix de Spa-Francorchamps, où il rencontre David Coulthard.  » Il m’a demandé : -Comment va-tu, Lewis ? David Coulthard me connaissait, moi, un gamin de douze ans.  »

Keke Rosberg, le champion du monde 1982, le complimente quand il livre un duel acharné à son fils Nico, à Parme, et gagne. En 2000, les deux garçons, âgés de 14 ans, deviennent coéquipiers au Team MBM.com mais d’après le patron de l’écurie, Dino Chiesa, les rôles sont clairement établis.  » Lewis avait plus de talent et terminait généralement devant Nico, qui s’accommodait aisément de la deuxième place, contrairement à Lewis.  »

Hamilton est champion d’Europe avec le maximum des points. En 2001, il prend le départ, à Kerpen, aux côtés de Michael Schumacher. L’Allemand, âgé de 32 ans, vient de remporter son quatrième titre mondial en F1 mais il s’est glissé dans un kart pour la dernière manche du Mondial. Il est troisième, Hamilton septième.  » Un pilote exceptionnel, même s’il n’a encore que seize ans. Je ne doute pas qu’il roule un jour en F1.  » De fait, il y parvient, six ans plus tard. Et il loupe de peu le titre mondial dès la fin de sa première saison…

Stoffel Vandoorne, l’espoir belge

Un nouveau moteur et une voiture rapide : McLaren, l’écurie de Stoffel Vandoorne et de Fernando Alonso, veut redevenir concurrentielle.

 » Attention à McLaren : avec son nouveau moteur Renault, elle a sensiblement réduit son retard sur nous (Mercedes, ndlr), Ferrari et Red Bull. Je m’attends à ce que ces quatre écuries se disputent le titre mondial.  » Ce sont les propos de Lewis Hamilton, quadruple champion du monde et grand favori de la prochaine saison.

 » Les deux semaines d’essais ont été bonnes mais nous pouvons retirer encore plus du bolide « , a jugé le double champion du monde Fernando Alonso, figure de proue de McLaren, au terme du huitième et dernier jour de tests à Barcelone, où seuls les deux pilotes Ferrari – Kimi Räikkönen et Sebastian Vettel – ont été plus rapides.

Pendant la première semaine, Stoffel Vandoorne a fait impression. Seuls Vettel et Valtteri Bottas (Mercedes) ont roulé plus vite. Un monde de différence par rapport à la saison précédente : les deux McLaren avaient été plus souvent à l’arrêt qu’autre chose, comme d’ailleurs pendant toute la saison. Alonso l’a achevée très en-dessous de son rang, à la quinzième place, juste devant notre compatriote, qui n’a grappillé des points que dans trois courses. Conclusion, à l’issue d’une ultime saison avec un moteur Honda : médiocre.

Le directeur de course Eric Boullier nuance :  » Nous avons perdu des plumes et notre changement tardif de moteur va sans doute nous valoir des problèmes ici et là mais nous n’avons pas oublié comment fabriquer des voitures rapides. Nos deux pilotes sont enthousiastes, en tout cas. Nous sommes enfin compétitifs.  »

La presse spécialisée étrangère prédit encore un mano a mano entre Mercedes et Ferrari, qui agrandissent encore le fossé les séparant de Red Bull (Max Verstappen et Daniel Ricciardo).  » Cette saison est importante pour nous « , estime Zak Brown, Executive Director de McLaren.  » Nous avions déjà deux pilotes fantastiques et un bolide rapide mais avec le nouveau moteur, nous sommes au moins aussi forts que Red Bull. Nous n’avons plus gagné de grand prix depuis l’édition brésilienne 2013, avec Jenson Button, mais nous pouvons changer ça cette saison avec Stoffel et Fernando.  »

Calendrier 2018

25 mars Australie (Melbourne)

8 avril Bahreïn (Sakhir)

15 avril Chine (Shanghai)

29 avril Azerbaïdjan (Bakou)

13 mai Espagne (Barcelone)

27 mai Monaco (Monte Carlo)

10 juin Canada (Montréal)

24 juin France (Le Castellet)

1 juillet Autriche (Spielberg)

8 juillet Grande-Bretagne (Silverstone)

22 juillet Allemagne (Hockenheim)

29 juillet Hongrie (Budapest)

26 août Belgique (Spa-Francorchamps)

2 septembre Italie (Monza)

16 septembre Singapour (Singapour)

30 septembre Russie (Sotchi)

7 octobre Japon (Suzuka)

21 octobre États-Unis (Austin)

28 octobre Mexique (Mexico City)

11 novembre Brésil (São Paulo)

25 novembre Émirats arabes unis (Abu Dhabi)

La Grande-Bretagne en tête

Depuis la première édition, en 1950, 68 titres mondiaux ont été accordés à 33 pilotes. Avec 17 championnats, la Grande-Bretagne fait office de glouton : Lewis Hamilton (4), Jackie Stewart (3), Graham Hill (2), Jim Clark (2), Mike Hawthorn, John Surtees, James Hunt, Nigel Mansell, Damon Hill et Jenson Button. L’Allemagne compte douze titres, obtenus par Michael Schumacher (7), Sebastian Vettel (4) et Nico Rosberg, tandis que Nelson Piquet (3), Ayrton Senna (3) et Emerson Fittipaldi (2) ont plongé le Brésil en extase à huit reprises.

Les dix équipes 2018

Scuderia Ferrari (Ferrari)

Sebastian Vettel (GER) – Kimi Räikkönen (FIN)

Sahara Force India (Mercedes)

Sergio Perez (MEX) – Esteban Ocon (FRA)

Haas F1 Team (Ferrari)

Romain Grosjean (FRA) – Kevin Magnussen (DEN)

McLaren F1 Team (Renault)

Stoffel Vandoorne (BEL) – Fernando Alonso (ESP)

Mercedes AMG Petronas Motorsport (Mercedes)

Lewis Hamilton (GBR) – Valtteri Bottas (FIN)

Aston Martin Red Bull Racing (TAG Heuer)

Daniel Ricciardo (AUS) – Max Verstappen (NED)

Renault Sport Formula One (Renault)

Nico Hülkenberg (GER) – Carlos Sainz Jr. (ESP)

Alfa Romeo Sauber F1 Team (Ferrari)

Marcus Ericsson (SWE) – Charles Leclerc (MCO)

Scuderia Toro Rosso (Honda)

Pierre Gasly (FRA) – Brendon Hartley (NZL)

Williams Martini Racing (Mercedes)

Lance Stroll (CAN) – Sergey Sirotkin (RUS)

7

Le nombre de sacres mondiaux de Michael Schumacher, qui a surpassé le pilote argentin Juan Manuel Fangio (six titres) en 2003. Trois pilotes, Alain Prost, Sebastian Vettel et Lewis Hamilton, se partagent la troisième place avec quatre titres.

16

Le nombre de titres mondiaux chez les constructeurs revenus à Ferrari, présent sans interruption en F1 depuis les débuts, en 1950. L’écurie italienne n’a plus gagné le classement depuis 2008, quand Kimi Räikkönen et Felipe Massa étaient au volant de ses bolides.

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