Lève-toi et marche

Prêté par le Standard, l’ancien Carolo devra tirer ses nouveaux partenaires de Tubize vers le haut.

Le dernier jour du mercato, Tubize a réalisé un transfert étonnant : Gregory Dufer (26 ans) a accepté de quitter le Standard, champion de Belgique, pour une équipe que certains considèrent comme la plus faible du championnat.

Qu’est-ce qui vous amène à Tubize ?

Gregory Dufer : Je trouve que c’est un club qui mérite de rester en D1. J’essaierai donc de l’y aider. Je pense aussi qu’il y a des joueurs de qualité, parmi ceux qui sont arrivés comme parmi ceux qui ont forcé la montée en D1. Il faut simplement réinstaurer la confiance. Mon expérience et mon vécu en D1, pourront sans doute être utiles. J’espère que mon arrivée pourra booster mes nouveaux partenaires.

Avec votre vécu, vous êtes un peu attendu comme le Messie, non ?

On attend probablement beaucoup de moi, mais j’ai bien signalé, dès mon arrivée, que je n’allais pas m’ériger en sauveur de la nation. J’espère pouvoir apporter un plus, mais d’autres joueurs sont capables de tirer l’équipe vers le haut. Je ne me fais pas trop de soucis à ce sujet. Pour l’instant, la situation est grave, mais certainement pas désespérée.

Vous avez débarqué dans un club qui, à votre arrivée, comptait O sur 9 et avait encaissé dix buts en trois matches. Cela ne vous fait pas peur ?

Pas du tout. Compte tenu des chiffres, je me dis qu’on ne peut que progresser. A partir de là, nous devrons nous battre à 100 % à chaque match pour récolter les points susceptibles d’assurer notre maintien.

Connaissiez-vous beaucoup de joueurs à votre arrivée ?

Non, très peu. J’avais pu apprécier Gérald Forschelet lorsque j’allais voir jouer Charleroi, et Vittorio Villano fut mon coéquipier au Standard la saison dernière. C’est à peu près tout. Ceci dit, Romain Beynié, pour n’en citer qu’un, arrive de Lyon et ne doit donc pas être démuni de qualités.

Qu’est-ce qui vous a surpris agréablement, dans ce que vous avez découvert ?

Quoi qu’on en dise, Tubize est une équipe qui essaie de jouer au football. Elle manque peut-être un peu de concentration dans certains moments, ce qui a coûté des buts évitables, mais il y a une bonne matière première pour travailler. Je ne ressens pas de pression particulière. Cela changera peut-être lorsque je monterai sur le terrain.

 » Si Roulers l’a fait, Tubize peut le faire aussi « 

Vous savez contre qui vous jouez, dimanche prochain ?

Bien sûr : le Standard.

Un match particulier pour vous ?

C’est l’équipe où j’évoluais encore il y a quelques semaines et avec laquelle je suis toujours sous contrat. Le hasard du calendrier a voulu que je retrouve mes anciens partenaires très tôt dans la saison. A part cela, ce sera un match normal, où l’on essaiera de grappiller quelque chose.

C’est possible ?

Pourquoi pas ? Si Roulers a été capable de contraindre les Liégeois au match nul, pourquoi pas Tubize ? Le Standard reviendra aussi d’un déplacement européen, comme c’était le cas au Schiervelde.

Que gardez-vous comme souvenir du Standard ?

Un passage magnifique. Au départ, peu de gens croyaient en mes chances de m’imposer. Au final, j’ai joué 25 matches, jusqu’à ce qu’une blessure (malléole ouverte sur un tackle de Rocky Peeters de Saint-Trond) m’éloigne du terrain pendant un mois et demi.

Ce fut un coup fatal ?

J’ai essayé de revenir, mais la saison approchait de la fin. Durant l’entre-saison, Wilfried Dalmat est arrivé. Pas de problème : dans un club aussi ambitieux que le Standard, il est logique qu’on instaure une certaine concurrence. J’ai essayé de donner le maximum durant la période de préparation. Après, Laszlo Bölöni a fait ses choix. Le Standard ne m’a pas mis à la porte. Ni l’entraîneur, ni Luciano D’Onofrio ne m’ont affirmé qu’ils n’avaient plus besoin de moi. Mais j’en étais réduit à attendre ma chance. J’avais trop envie de jouer pour me résoudre à patienter.

Vous avez demandé à quitter le club ?

Pas vraiment. Tubize s’est montré intéressé, et à partir de là, j’ai demandé à mon agent de voir avec le Standard si un prêt était possible. Ce l’était.

Ce nouveau challenge, cela doit vous changer du Standard, non ?

C’est clair que la différence entre les deux clubs est énorme : Sclessin n’a rien à voir avec le petit stade Leburton, le public est dix fois moins nombreux et le budget est en conséquence. Mais j’ai fait un choix et je ne le regrette pas.

La présence d’Albert Cartier a-t-elle joué un rôle ?

En premier lieu, je suis venu pour le club : il a réussi à monter de 3e Provinciale en D1 en l’espace de 18 ans. C’est un exploit qui mérite toute mon admiration. Il est exact que mes contacts avec Cartier ne datent pas d’aujourd’hui. Il avait déjà essayé de me faire venir au Brussels, jadis, juste avant que je n’opte pour Lokeren.

Pourquoi l’affaire ne s’était-elle pas réalisée, à l’époque ?

Pas tellement pour une question d’entraîneur, mais surtout pour une question financière. Entre Roger Lambrecht et Johan Vermeersch, il y avait une belle marge de différence.

Au niveau financier, voulez-vous dire ?

Pas spécialement. Plutôt au niveau… humain. J’avais un meilleur feeling à Daknam, j’avais l’impression que je retrouverais plus facilement confiance là-bas et les faits m’ont donné raison. Le président du Brussels n’a cessé de critiquer ses joueurs, ces dernières années.

 » J’assume tous mes choix « 

Lorsque vous jetez un regard rétrospectif sur votre carrière, en êtes-vous satisfait ?

Tout à fait. J’estime n’avoir rien à me reprocher et j’assume tous mes choix.

Vous n’avez que 26 ans et vous en êtes déjà à votre sixième club…

C’était de bons clubs. Avec Bruges, j’ai disputé la Ligue des Champions, il ne faut pas l’oublier.

Mais toutes ces expériences ont tourné court…

Il s’est toujours passé quelque chose, en effet, et ce  » quelque chose « , c’était dans la majorité des cas un changement d’entraîneur. A l’exception de Charleroi, où ils m’ont été bénéfiques, ceux-ci m’ont toujours été fatals.

Vous étiez un jeune joueur prometteur lorsque vous avez quitté le Sporting pour Caen : était-ce le bon choix ?

J’aurais pu partir à Genk, mais l’attrait de la Ligue 1 a été le plus fort. Lorsqu’on a l’opportunité d’évoluer dans un grand championnat européen, il faut la saisir. Ce fut une superbe expérience. Si Caen n’était pas descendu en Ligue 2, je serais resté. Mais entre la Ligue 2 et la Ligue des Champions que m’a proposé Bruges, j’ai fait mon choix.

Un bon choix ?

Tout à fait. Jan Ceulemans comptait sur moi pour devenir le successeur de Gert Verheyen. Hormis le fait que j’évolue également sur le flanc droit, je ne suis pas du tout le même type de joueur. Néanmoins, j’ai souvent été titulaire… jusqu’à l’arrivée d’Emilio Ferrera. Il a voulu faire de moi un arrière droit. Je lui ai répondu : – Sivouspensezquej’ailescapacitésrequises, jeveuxbienessayer ! A l’expérience, il s’est avéré que je ne convenais pas pour ce rôle. Et plus haut, dans l’entrejeu, les places étaient déjà prises. Je ne reprocherai jamais à un entraîneur de faire des choix, même si c’est à mon détriment : il est là pour cela. Ce que je reproche surtout à Ferrera, c’est de n’avoir pas été franc avec moi. S’il ne comptait pas sur moi, j’aurais préféré qu’il me le dise. Au lieu de cela, il m’a affirmé qu’il pourrait avoir recours à mes services en cas de défection. Or, j’ai constaté que lorsque Koen Daerden s’est blessé, Gaëtan Englebert a été déporté un peu plus sur la gauche et c’est Jeanvion Yulu-Matondo qui a occupé le flanc droit. Au bout du compte, j’ai perdu six mois.

Ce fut donc Lokeren, lors du mercato hivernal.

Un club assez familial, où je me suis senti bien même si on a longtemps dû batailler contre la relégation. Je voue un profond respect pour le président Roger Lambrecht, qui s’est battu de son côté pour sauver son club. Personnellement, je me suis refait une santé sportive sous la direction de Slavo Muslin. Ce fut un bon choix, puisqu’après un bref transit par Bruges où j’ai été versé dans le noyau B pendant l’été, j’ai été contacté par le Standard.

Un petit miracle ?

On peut le dire, oui. On était le 31 août, je commençais à désespérer. Je dois, encore aujourd’hui, remercier la direction du Standard d’avoir placé sa confiance en moi. D’autant qu’il n’y avait pas le feu : l’équipe venait de réaliser un 12 sur 12, et au lendemain de mon arrivée, elle a battu Bruges pour réaliser un 15 sur 15.

 » Je peux terminer à Charleroi… comme à Roulers « 

Qu’est-ce qui a pu convaincre le Standard d’engager un joueur du noyau B de Bruges ?

Le Standard s’intéressait à moi depuis longtemps. Déjà, à l’époque de Charleroi, il s’était informé à mon sujet. Avant que je signe à Lokeren, Dominique D’Onofrio avait aussi pris contact, mais je crois qu’à ce moment-là, Bruges ne m’aurait pas vu partir d’un bon £il chez un rival et aucun arrangement n’a pu être trouvé. Le fait que j’ai été versé dans le noyau B à Bruges a procuré au Standard l’opportunité de m’engager. J’étais même… gratuit. Au départ, je savais que je devrais me battre pour conquérir une place, mais lorsque Salim Toama s’est blessé, Axel Witsel est passé à gauche et j’ai reçu ma chance. Je l’ai saisie.

Vous avez eu la chance d’évoluer sous la houlette d’un grand entraîneur ?

Le plus grand, à mon avis. Michel Preud’homme a tout : il sait comment parler à ses joueurs, décortiquer l’équipe adverse, doser ses séances d’entraînement en fonction du match qui suit. Je ne connais pas le fond de l’histoire en ce qui concerne son départ pour Gand. Je suis persuadé qu’il peut réaliser de grandes choses là-bas. Mais je trouve qu’il aurait mérité un club plus prestigieux.

Comment voyez-vous le Standard cette saison ?

Au départ, je considérais que l’équipe était plus forte que la saison dernière, mais le départ de Marouane Fellaini constitue tout de même une perte importante. Il faudra voir comment celle-ci sera digérée. Le Standard possède des éléments pour remplacer Marouane, mais ce n’est tout de même pas le premier venu qui s’en va. Malgré tout, je pense que les Liégeois ont les capacités pour renouveler leur titre.

Vous étiez dans la tribune lors des deux matches contre Liverpool ?

Oui, tout à fait. Ce sont des matches que tout footballeur a envie de jouer. L’entraîneur en a décidé autrement, je n’ai pu que me ranger à sa décision. Le Standard aurait cent fois mérité de se qualifier pour les poules de la Ligue des Champions, mais l’expérience des Reds a payé. Le Standard a loupé une kyrielle d’occasions. Liverpool ne s’en est peut-être créé que deux sur l’ensemble des deux manches, mais est parvenu à mettre un ballon au fond. C’est toute la différence. Elle est cruelle. A ce niveau-là, elle se paie cash.

Si le Standard s’était qualifié, seriez-vous toujours à Sclessin ?

Non.

Le Standard aurait eu besoin d’un effectif plus étoffé, dans ce cas-là.

S’il se qualifie pour les poules de la Coupe de l’UEFA au détriment d’Everton, ce que je souhaite à mes anciens partenaires, il aura aussi besoin d’un effectif étoffé. Mais ce ne sont jamais que des hypothèses.

Chaque année, ou presque, on annonce votre retour à Charleroi…

Oui, et je suppose que ce sera encore le cas en 2009. Malgré tout ce qu’on a raconté, je n’y suis pas encore retourné… sinon en spectateur ou comme joueur de l’équipe adverse.

Vous n’avez eu aucun contact ?

Aucun contact direct, en tout cas.

Un contact indirect alors ?

On peut dire cela, oui.

Cela vous plairait de retourner au Mambourg ?

Le Sporting restera le club de mon c£ur, mais on ne peut jamais prédire quelle tournure prendra une carrière.

Quel est votre objectif ?

D’aller le plus haut possible, tout simplement. Ce sera encore le cas lorsque j’aurai 35 ans. Si je peux toujours progresser à cet âge-là, je n’hésiterai pas. A l’heure qu’il est, je suis incapable de dire si je terminerai ma carrière à Charleroi ou à… Roulers.

par daniel devos – photos: reporters/ gouverneur

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