LETTRES OUVERTES

Pierre Bilic

Le gaucher de Sclessin parcourt 26 définitions dans le grand livre de sa carrière.

Avec sa dégaine du gauche, la précision de sa frappe et une technique haut de gamme, Milan Rapaic est le Gutenberg des Liégeois. Comme l’inventeur allemand, père de la technique typographique, mise au point à Mayence, vers 1450, il joue avec les caractères et donne souvent un sang d’encre à ses adversaires.

Rapaic a imprimé son merveilleux style de jeu sur le flanc gauche du Standard. Son aller-retour estival inattendu en Dalmatie avait un peu secoué l’écriture de sa saison. Majuscules, minuscules et chiffres : le club et le joueur ont secrètement revu leur composition, tout remis en place de A à Z. L’impression est désormais très bonne et Milan exhibe de plus en plus souvent ses lettres de noblesse. C’est le moment pour lui de réciter son alphabet belge.

Anderlecht

 » Ce club me fait penser à des mots tels que tradition, style de jeu, prestige, continuité, gagne, palmarès, culture, etc. Comme le Standard, Anderlecht fait partie depuis toujours du paysage sportif belge. Nous avons les moyens de les précéder sur la ligne d’arrivée. Aucune équipe de D1 n’est aussi talentueuse et bien équilibrée que la nôtre. A mon avis, le plus grand tournant du championnat sera d’ailleurs Anderlecht-Standard, affiche de la 32e journée de championnat. En décembre, les Bruxellois gambergeaient un peu. Il n’est pas évident de remplacer un renard des rectangles comme Nenad Jestrovic. Anderlecht a cherché un autre type de buteur et Nicolas Frutos apporte sa taille dans le trafic aérien. Son équipe peut y varier les coups. Mais je n’oublie pas l’absence pour plusieurs mois de Vincent Kompany : cela pourrait être un handicap important « .

Balaban

 » Bosko est, plus que personne, l’attaquant de la différence à Bruges. Alors, je suis étonné de le voir sur le banc ces derniers temps. Balaban pèse, travaille, fonce, canonne, passe en force, éreinte les défenses adverses. C’est un attaquant moderne de top class qui s’est bien relancé en Belgique. Il peut tout aussi bien réussir en France qu’en Allemagne ou dans n’importe quel grand championnat étranger. J’entends dire qu’il est parfois égoïste. Et alors ? Un buteur doit l’être car c’est l’homme du dernier geste, du but qui fait la différence. Et si son égoïsme rapporte des points, personne ne s’en plaindra. A la fin de la saison, un avant-centre est jugé sur le nombre de buts qu’il a marqués. Il vit pour cela : tout le reste ne compte pas « .

Club Bruges

 » Je suis le premier à reconnaître que Bruges-Standard ne constitua pas un grand match. Ce fut un choc tactique et physique mais notre groupe, en plus d’avoir bien géré ces données, a fait preuve de plus de diversités même si l’indispensable Sergio Conceiçao n’était pas là. Bruges n’a pas su résoudre les problèmes que nous lui posions. Quelques jours plus tôt, le Standard avait perdu deux points contre La Louvière. Au lieu d’être à l’aise, il a fallu jouer serré. Bruges a voulu un match engagé, il l’a eu mais n’a pas émergé. Dans l’absolu, c’était un bon nul pour nous, un mauvais pour ce concurrent direct en haut de tableau. Le Standard a pris quatre points sur six face à Bruges : cela dit tout « .

Dominique D’Onofrio

 » Notre coach est un passionné, un grand travailleur. Il vit le foot avec son c£ur et son âme. Il se donne entièrement. On ne mesure peut-être pas exactement la qualité de son apport. En près de quatre ans de travail, Dominique D’Onofrio a donné de plus en plus d’importance au Standard. Ce n’est pas facile mais notre club pourrait très bien prendre le pouvoir en fin de saison après une longue quête de succès. Cela donne une idée de la qualité de son travail. Il forme un bon tandem avec Stéphane Demol qui a un énorme vécu en tant que joueur. Je ne crois pas qu’un bon T1 ait nécessairement dû être un joueur à succès. Pas mal de très grands entraîneurs ne furent que des joueurs anonymes : ZdenekZeman, Tomislav Ivic, etc. Par contre, beaucoup d’anciennes stars ont échoué en quittant leur équipement pour le costume de coach « .

Equipe

 » Pour moi, le collectif passe avant tout. Jouer ensemble, réfléchir, agir de concert : c’est la finalité du football. Quand une équipe est unie, elle masque ses manquements et exploite totalement ses atouts. Elle est l’assurance groupe, la poire pour la soif, d’un joueur qui est en méforme. Tout le monde est gagnant dans un grand collectif riche d’automatismes. Cette recherche de perfection n’est pas évidente du tout car les groupes vivent, travaillent, progressent mais changent sans cesse. Les grandes équipes, ce sont les plus belles pages d’histoire d’un club « .

Famille

 » La famille, c’est le plus important dans la vie d’un homme et donc d’un footballeur professionnel. Quand les siens sont loin, c’est dur. Ceux qui affirment le contraire ne peuvent pas comprendre cette souffrance. Mon fils, Boris, a huit ans et il va à l’école à Split. C’est plus facile. Ma femme est avec lui, a son commerce là-bas et vient une fois par mois à Liège. Je m’y suis fait car mon métier exige de tels sacrifices. Mes parents, eux, habitent à Nova Gradiska, entre Osijek et Zagreb. Ils sont retraités. Mon père a un beau lopin de terre. Il travaille dans son verger qui lui offre des fruits délicieux. De plus, il est aussi un excellent apiculteur. Les abeilles n’ont plus de secrets pour lui et son miel est vraiment extraordinaire « .

Geraerts

 » Karel est le poumon du Standard. Il est partout : à la récupération, à la construction, à la finition. Polyvalent, il a l’art de s’infiltrer, de deviner où il faut être pour marquer. Geraerts est increvable. C’est un grand professionnel. Il s’entraîne comme il joue : à fond. A 24 ans, ce jeune écoute, observe, retient les conseils, a envie de gagner, de progresser. S’il continue de la sorte, Karel vivra une grande carrière. Il sera vite incontournable en équipe nationale « .

Heysel

 » C’est toujours comme cela que j’appelle le stade Roi Baudouin. J’aimerais y disputer un jour la finale de la Coupe de Belgique. Le Standard vise d’abord le titre mais une Coupe, c’est bien aussi. J’y vois plus qu’un lot de consolation. J’adore tous les trophées. J’ai gagné deux Coupes avec Hajduk Split et perdu une autre quand je jouais en Turquie, à Fenerbahce « .

Igor

 » De Camargo est un vrai renfort. Le Standard en avait besoin mais Igor serait un plus pour tout le monde. On souligne la qualité de son jeu de tête, probablement le meilleur de D1. C’est important et nos centres seront forcément mieux exploités. Mais Igor, ce n’est pas qu’une belle taille. Je trouve que sa technique est plus importante que sa présence dans le jeu aérien. C’est un point d’appui qui sait garder la balle en attendant que les renforts viennent de la deuxième ligne. Comme Geraerts et d’autres, sa jeunesse est un atout. Il s’est tout de suite fondu dans le groupe alors qu’il n’est arrivé qu’au mercato d’hiver « .

Jorge

 » Costa, un phénomène, un roc, une personnalité, un exemple pour les jeunes. Il a tout gagné avec Porto mais reste d’une grande simplicité. C’est une chance d’avoir un tel arrière. Le Standard a recruté un monument du football international. Alors, il faut en profiter, exploiter son vécu, suivre son exemple. Si j’étais un jeune arrière, je sais ce que je ferais. La défense était solide au premier tour, elle l’est encore plus avec lui. Il faut se le farcir : avec lui, l’efficacité est un art « .

Kovalenko

 » Serhyi est un jeune attaquant qui ne va pas tarder à exploser. Son potentiel est énorme et le fait d’avoir prolongé son contrat a dû le rassurer. Cette preuve de confiance doit l’inciter à travailler. Kovalenko est très rapide et sait dribbler dans ses accélérations. Il combine, recherche bien la profondeur. Serhyi peut jouer à droite mais il y hypothèque un peu son explosivité. Je le vois plus en pointe avec un compère ou même en tant que soutien axial d’un duo d’attaquants. Sa fraîcheur ne tardera pas à rapporter gros au Standard « .

Léonard

 » Le plus fort à son poste en Belgique. A gauche, je m’entends bien avec lui. Philippe est un redoutable compétiteur. On ne le passe pas sans se poser de questions : Léo, c’est un international qui en vu d’autres. Physique, il ne craint pas les duels mais c’est un grand technicien élégant et efficace. Il n’est jamais en difficulté ballon au pied. Back gauche ou arrière central pour dépanner : avec lui, le travail est toujours bien fait. Mais la lettre L, c’est aussi IvanLeko qui a de la technique à revendre. Il a élevé le niveau de Bruges. Comme Léonard, il aime jouer. Quand on aime jouer, on apprécie d’abord la technique. D’autres ne jurent que par le football engagé : c’est bien, je respecte cela, mais jouer, comme je l’entends, c’est différent, plus beau, plus créatif, plus spectaculaire « .

Moreira

 » Almani est le plus grand dribbleur de D1. Il n’a pas son égal. Je le trouve insaisissable balle au pied. Moreira est sainement agressif et très rapide. Sa place naturelle est à l’attaque. On oublie qu’il détient une belle frappe. Il peut faire merveille en tournant autour d’un pivot ou, plus bas, en relation étroite avec deux pointes. Les places sont chères au Standard et il peut occuper plusieurs postes dans le spectre offensif du Standard « .

Négouai

 » C’est le seul joueur qui peut aussi bien jouer en défense, dans la ligne médiane ou à l’attaque. Je n’avais jamais vu cela. Des blessures ont perturbé son éclosion au Standard mais avec lui, ça déménage. Il m’impressionne comme médian défensif car peu peuvent l’y ébranler. Christian va monter en régime. Il a une enfance difficile dans les cités de Lyon. Le football a été sa bouée de secours. Mais il n’est pas le seul dans le cas, loin de là. Pour beaucoup, c’est le football ou une vie à problèmes. Alors, quand on n’a que cela, il faut se donner à fond dans la pratique de son sport. On n’imagine pas l’importance du football. Alors, il faut le respecter, ne pas massacrer ou trahir ses valeurs positives « .

Onyewu

 » Un phénomène. Je n’ai jamais croisé un joueur doté d’un tel potentiel physique. C’est fou. A cette puissance, il ajoute de la technique, un énorme jeu de tête défensif et offensif, des remises en jeu uniques. Oguchi empêche de marquer et marque comme à Bruges où Gert Verheyen a perdu son combat face à lui. Il me fait un peu penser à Jaap Stam avec encore plus d’atouts. Il rêve de l’Angleterre. Onyewu jouerait sans problème à Manchester United. Mais il en serait de même en Italie, en Allemagne ou ailleurs. Il doit cependant mieux maîtriser les situations chaudes. Oguchi encaisse trop de cartes jaunes et rouges. Il doit apprendre à rester calme même quand on le cherche ou que les arbitres le sanctionnent trop vite à cause de cette énorme puissance « .

Portillo

 » Javier Portillo, je le suivais déjà quand il jouait au Real Madrid. Il était jeune, assumait souvent un rôle de joker offensif. Quand on a joué là, cela veut tout dire. Lui aussi donne d’abord la parole à la technique « .

Quatre-quatre-deux

 » C’est une occupation du terrain qui me convient (j’aime bien le 4-3-3 aussi) mais est exigeant pour tout monde. Le filet doit sans cesse être bien tendu. A ma place, je ne cesse pas d’aller et de venir. Je ne peux pas laisser l’arrière gauche tout seul mais je dois aussi donner des assists, offrir une bonne transversale, déborder, centrer, être proche des attaquants. Quand on a multiplié les sprints, il peut arriver ne pas voir un appel de balle de l’autre côté du terrain. Le 4-4-2 est très moderne, vous offre tout mais demande tout « .

Runje

 » S’il y a deux joueurs indispensables au Standard, ce sont Runje et Conceiçao. Vedran joue à fond, a déjà gagné un paquet de points. Il se donne sans compter. Runje est le numéro 1 des numéros 1 en Belgique. Tous les attaquants de D1 le respectent. Vedran est un gardien de but complet, fort sur sa ligne, dans les sorties, balle au pied. Il a suscité le respect à Split, à Marseille et au Standard. Je me demande pourquoi il ne défend pas les filets de la Croatie. A force de le dire, on se lasse et on com- prend encore moins ce mystère « .

Sergio

 » Notre capitaine. Tous les discours seraient trop longs. Je résume Sergio par deux mots : grande classe. Avoir un tel joueur dans son équipe, c’est du bonheur. Sergio est un leader naturel. Quand il a décidé, c’est décidé. Il a décrété que le Standard jouerait un grand rôle jusqu’au bout de la saison et ce sera le cas. Il pourrait se contenter de sa technique. Il y ajoute sa rage, son ambition, son envie. C’est une machine à gagner avec qui tout est plus facile. Malgré son palmarès, il reste très simple et abordable. Sergio n’a pas gagné le Soulier d’Or pour rien « .

Tchite

 » Une bombe. Quand il s’enfonce en profondeur, on ne le revoit plus. Il est doté d’une vitesse et d’une détente félines. Il y a chez lui une beauté animale dans ses attitudes et ses gestes sur le terrain. Mémé semble encore un peu maigre mais dans les airs, il prend beaucoup de ballons de tête. Il a un timing extra et sait s’élever tout en s’écartant de son adversaire. Mémé est animé par la volonté de réussir une belle carrière. Il est mentalement très fort et apprend vite. Tchité s’est débrouillé et s’est tout de suite adapté à la venue d’Igor De Camargo : belles preuves d’intelligence « .

Utaka

 » Je cite l’attaquant de Westerlo en signe d’hommage à ses qualités mais aussi pour souligner tout ce que les footballeurs noirs apportent au football. C’est visible au Standard comme partout. Au top mondial, il y a Ronaldinho, Ronaldo, DidierDrogba, SamuelEto’o, etc. Pelé est le plus grand de tous les temps. Sans eux, le football ne serait pas aussi beau « .

Verheyen

 » A 35 ans, il mettra un terme à sa carrière en fin de saison. Gert Verheyen est professionnel depuis 17 ans. Quand on a joué aussi longtemps à Anderlecht et à Bruges, cela mérite un coup de chapeau. Sur le terrain, il faut se farcir ce compétiteur impitoyable. On a tort de surtout souligner son engagement physique. On ne tient pas aussi longtemps au top, s’il n’y a pas autre chose : la technique, l’intelligence, l’ambition. C’est bien de rester au service du club comme ce sera son cas. J’ai 32 ans et je ne songe nullement à la retraite. Je jouerai le plus longtemps. Le football, c’est tout pour moi « .

Waregem

 » Je suis épaté par cette équipe. A peine débarqué de D2, Zulte Waregem pratique un des plus beaux jeux de D1. Il faut le faire. Quand l’effet de surprise se dissipa, ce club ne renonça pas à ses principes. Les petits clubs peuvent apporter une bouffée d’oxygène : c’est le cas de Zulte Waregem. Je suis aussi élogieux pour Beveren qui est pourtant dans le trou. Pour moi, Beveren est l’équipe la plus difficile à maîtriser. Techniquement, c’est super. Le ballon est insaisissable. Petits, les Ivoiriens de Beveren vous passent sous le bras. Ils n’ont qu’un problème : la finition. Devant le rectangle, ils dribblent encore, reviennent en arrière puis perdent le ballon « .

X =matches nuls

 » Nous avons égaré trop de points chez nous. Des nuls étaient évitables, des défaites aussi. Un point à la maison : pour nous, c’est zéro. Nous devrions compter sept ou huit unités de plus au classement général. Je songe entre autres aux deux points contre La Louvière. Si Roulers nous posa des problèmes, ce ne fut pas le cas des Loups qui sont quand même repartis avec un point. J’avais raté la transformation d’un penalty et on n’a pas compté le nom- bre de ballons chauds devant le gardien adverse. Ce gaspillage d’unités à Sclessin s’explique aussi par l’état lamentable du terrain. Le Standard se forge un paquet de corners mais c’est vain car, en raison de cette infâme pelouse qui se dérobe sous le pied d’appui, il est impossible de bien lever la balle et d’atteindre le deuxième poteau. C’est un gros handicap. Cela nous coûte cher. De plus, nous nous entraînons dans des conditions difficiles en hiver. Parfois, c’est un autre sport, plus du foot : cela fausse un peu le championnat. L’interruption hivernale devrait être plus longue « .

Yves

 » Vanderhaeghe a beau avoir dépassé le cap des 35 ans, il a la rage et occupe à nouveau une place importante au centre du terrain. A Anderlecht, il est probablement un guide pour les jeunes. La place de médian récupérateur est extrêmement importante. Chez nous, des gars comme Geraerts, Siramana Dembele et Négouai lavent beaucoup de ballons avant de nous les remettre tout propres. Sans eux, il n’y a pas de bon équilibre « .

Zetterberg

 » Un artiste, une des grandes personnalités positives de la D1. C’est gai de le voir jouer car son jeu est d’abord technique. Il cherche, invente, trouve. Vous savez : il y a plus de grands joueurs en D1 qu’on ne le pense parfois. J’ai déjà cité Conceiçao, Costa ou Balaban. A Anderlecht, il y en aussi dont Pär Zetterberg. C’est quand même chouette que les grands clubs puissent avoir de très bons joueurs comme ça « .

PIERRE BILIC

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