Les Williams, patronnes par intérim

Patrick Haumont

Il y a quelques années, on n’était pas loin de les enterrer définitivement. Occupées par des passions de tout genre, on pensait que Venus et Serena Williams (USA, WTA 7 et 6) ne retrouveraient jamais la motivation nécessaire pour revenir au top. Puis, par hasard, alors que pour des raisons conjugales, Justine Henin déclarait forfait pour l’Australian Open 2007, Serena est venue s’engouffrer dans le vide laissé par la championne belge. Quelques mois plus tard, profitant d’une défaite surréaliste de la même Henin face à la non moins surréaliste Française Marion Bartoli (WTA 10), c’est Venus qui a retrouvé le goût du succès et s’est imposée pour la quatrième fois sur le gazon.

Mais on se disait aussi que Venus et Serena avaient décoché à Melbourne et à Londres leurs derniers coups droits et revers de vainqueurs de Grand Chelem. On se trompait. Lourdement, même, puisque, lors de ce Wimbledon, les deux s£urs ont été les seules à oser se montrer à la hauteur de la situation. Car les autres prétendantes à la succession de qui vous savez ont été mauvaises, pour ne pas dire exécrables. On a déjà évoqué dans ces colonnes la défaite de la Russe Maria Sharapova (WTA 2) dès le deuxième tour face à Alla Kudryavsteva, une de ses compatriotes classée à la 154e position mondiale. Quelques jours plus tard, la lauréate de Roland-Garros, la Serbe Ana Ivanovic (WTA 1), ne faisait guère mieux face à la Chinoise Yie Zheng, excellente en double mais seulement classée 133e. Quant à sa compatriote Jelena Jankovic (WTA 3), qui se retrouvait en position d’enfin gagner un Grand Chelem, elle aura été surprise par la vétérane Thaïlandaise Tamaryn Tanasugarn, 60e mondiale. On ne parlera pas ici des Françaises Amélie Mauresmo (WTA 33) et Bartoli (WTA 10) qui ne sont plus que l’ombre de ce qu’elles ont été (Bartoli n’ayant jamais été grand-chose, d’ailleurs), ni des deux autres Russes que sont Dinara Safina (WTA 9) et Svetlana Kuznetsova (WTA 4). Pendant que leurs jeunes collègues perdaient pied, Venus et Serena Williams ne cessaient de démontrer qu’elles étaient encore vertes, bien vertes. A tel point qu’elles se sont rencontrées en finale. Il s’agissait de leur 16e duel fratricide, le 7e en finale d’un tournoi du Grand Chelem, le 3e en finale de Wimbledon.

Venus et Serena sont désormais prêtes à repartir à la conquête de la première place mondiale ? Sans doute pas. Elles ne se passionnent plus que pour les quatre levées du Grand Chelem et arrivent souvent mal préparées dans les autres compétitions importantes. Or, pour être numéro un mondiale, il est nécessaire de se montrer plus souvent sur le circuit. Elles sont donc, si l’on peut dire, les patronnes par intérim du circuit féminin après avoir été les vraies patronnes au début des années 2000.

Reste que leurs carrières sont tout simplement exceptionnelles. Pour mémoire, elles ont gagné à elles deux pas moins de 15 tournois du Grand Chelem (8 pour Serena, 7 pour Venus). Rien qu’à Wimbledon, elles ont remporté 7 des 10 dernières éditions et ont occupé 11 des 20 places de finaliste…

Mais leur plus grand exploit n’est pas là. A une époque où les championnes de tennis mettent fin à leur carrière à l’âge où la plupart d’entre nous entrent seulement dans la vie professionnelle, Venus et Serena parviennent à rester motivées et efficaces. Peut-être cette longévité relative est-elle d’ailleurs due aux passions qu’elles ont réussi à développer en dehors. En se détachant de la balle jaune pendant des périodes parfois assez longues, elles sont parvenues à se vider la tête et à reprendre les entraînements en ayant faim de tennis.

Tout le monde n’est pas capable de réaliser ces allers-retours. Si les Williams le peuvent c’est parce qu’elles disposent d’un jeu tout en puissance qui leur permet, sans toujours être au top physique, de terminer certains matches grâce à leur service. Mais les Williams, ce n’est pas qu’un grand service. Venus, par exemple, dispose d’un tennis complet alors que Serena est capable de décocher des coups invraisemblables dans des situations où la plupart des autres joueuses – sauf… Henin – craquaient.

Ce qui est triste, avec les Williams, c’est qu’elles ne sont pas appréciées à leur juste valeur. Pourtant, quoi qu’il arrive dans le futur, elles auront marqué l’histoire du tennis mondial. Et ce qui irrite le plus les esprits chagrin, c’est que leur père, l’inénarrable Richard, l’avait signalé avant même qu’elles ne passent professionnelles.

Ce qui a énervé tout le monde, ou presque. Par jalousie principalement et, pourquoi l’occulter, en petite partie aussi par un sentiment raciste : les Williams venant s’imposer dans une discipline largement dominée et gérée par les blancs.

PATRICK HAUMONT

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