Les vieux se rebiffent

Trois piliers de l’équipe risquent de disparaître : il est temps de prendre leur avis en compte.

Le Sporting de Charleroi, cuvée 2008-2009, ne risque pas de ressembler à l’équipe actuelle… Cyril Théréau et Juan Pablo Pino sont prêtés sans option d’achat. Christian Leiva retournera en Argentine. Quant aux piliers de la formation actuelle, les signaux ne sont pas vraiment au vert : Frank Defays, qui aura connu une saison émaillée de blessures, doit négocier un nouveau contrat. Quant aux deux compères de Maubeuge, Bertrand Laquait et Tim Smolders, ils ne semblent pas faire partie des priorités de la direction. Le gardien français parce que son contrat est lourd à porter et que Charleroi sait pertinemment bien, vu son âge (31 ans), qu’il ne pourra plus récupérer son investissement. Le médian parce qu’on lui propose à peine mieux que ses émoluments actuels.

Pourtant, les deux éléments ont porté le groupe sur leurs épaules comme en témoigne le classement des totaux de notre magazine dans lequel Laquait et Smolders occupent les deux premières places. L’occasion donc de faire le point avec les trois joueurs moteurs du noyau carolo.

On a l’impression que votre parcours touche à sa fin. Est-il encore possible de vous voir à Charleroi la saison prochaine ?

Bertrand Laquait : C’est possible, mais il faut que ça bouge. Si on veut continuer à être septième, il ne faut rien changer mais, alors, ce sera sans moi.

Tim Smolders : Il faut que le club prenne le bon chemin…

Laquait :… car on ne peut plus espérer progresser dans les conditions actuelles.

C’est-à-dire ?

Smolders : Il ne faut plus que le joueur ait des excuses.

Laquait : Or, pour le moment, c’est trop facile d’en avancer.

Lesquelles ?

Laquait : On ne peut pas espérer faire mieux avec ce que l’on a. On ne peut pas aller à la guerre avec des pistolets à eau. On doit améliorer nos conditions de travail.

Mais la direction va vous répondre que tout cela est du ressort de la ville…

Laquait : Ce qui se passe avec la ville ne nous regarde pas. Nous, on veut au minimum un terrain d’entraînement avec des vestiaires.

Smolders : Ce dont on dispose n’est pas motivant.

Laquait : A votre avis, pourquoi le Standard risque-t-il d’être champion alors qu’il terminait chaque année troisième ? Car, là-bas, ils ont compris l’importance d’un bon outil de travail.

Smolders : Et nous, on ne demande pas un hôtel, hein ?

Laquait : Juste un terrain avec quelqu’un pour s’en occuper. Pour le moment, on passe plus de temps dans la voiture que sur le terrain. Si on supprimait déjà le quart d’heure pour aller au terrain et celui pour revenir, on passerait une demi-heure supplémentaire à s’entraîner ! On est sur une pente descendante : il y a une chute de spectateurs, des mauvaises conditions d’entraînement et un terrain principal indigne. Aujourd’hui, on en est là.

Smolders : Je confirme ce que Bertrand dit. Les terrains sont pourris.

Et que répond la direction quand vous lui dites que si le club n’améliore pas ses structures, cela se fera sans vous ?

Laquait : Pour l’instant, Mogi Bayat est d’accord avec moi. Il dit qu’il va rencontrer le président et qu’on verra.

Et vous croyez que Charleroi sera en mesure de vous offrir un contrat équivalent à celui que vous avez ?

Laquait : D’après la première négociation que j’ai eue avec Mogi, je pense qu’il y a moyen de trouver une solution sur le plan financier. Si on le veut. On a renoué le dialogue sur des bases plus en accord avec mes desiderata.

Même si le président décide d’améliorer le site d’entraînement, ce ne sera pas prêt pour la reprise…

Laquait : OK. Ça va être long mais si déjà on sent une volonté, on aura fait un grand pas. On sait qu’un nouveau terrain, cela ne se bâtit pas en un mois.

Smolders : On parle beaucoup du terrain mais c’est quand même la base, non ?

Laquait : On se fait siffler contre Lokeren et le Brussels mais on est extraordinaire, en déplacement, à Dender. Pourquoi ? C’est simple non ?

 » Je coûte cher au club mais j’ai rapporté un paquet d’argent en allant à Huelva  » (Laquait)

Quant à vous, Tim, vous n’êtes pas en fin de contrat. Mais le nouveau contrat qu’on vous propose ne vous satisfait pas…

Smolders : Je ne peux pas nier que j’ai eu un premier rendez-vous avec Mogi Bayat juste avant la trêve. Là, il m’a proposé un contrat loin de mes attentes. Je laisse la porte ouverte mais impossible que je resigne à ces conditions. Ceci dit, si le club bloque toutes les sollicitations, je serai toujours Carolo la saison prochaine.

Comment avez-vous perçu les propos du président dans Sport/Foot Magazine, qui disait que les vieux n’apportaient rien à une équipe ?

Smolders : Moi, cela m’a fait vraiment mal. Il y a quelque chose qui a craqué en moi. Tu peux demander à tous mes anciens entraîneurs : ils diront tous que je me donne à 200 %. Je ne me cache pas du tout aux entraînements, pour utiliser les termes du président.

En avez-vous discuté avec Abbas Bayat ?

Laquait : Non, car on ne le voit pas souvent.

Smolders : Il s’agit de sa vision. Mais, nous, on peut avoir la nôtre. Et elle est différente. Anderlecht ne devient pas champion avec des jeunes de 22 ans.

Laquait : Et c’est sans doute parce que les vieux ne servent à rien qu’Anderlecht a fait resigner Bart Goor…

Mais, on peut essayer de le comprendre : les vieux coûtent plus cher à un club et on ne sait pas les revendre…

Laquait : Ok, apparemment, sans savoir ce que gagnent les autres joueurs du noyau, je suis le plus gros salaire. Je coûte cher au club mais qu’il n’oublie pas que je lui ai rapporté un paquet d’argent, en partant un an à Huelva.

Smolders : Sans compter le nombre de points qu’il a pris. Car, finir septième ou douzième, cela fait une grosse différence au niveau des droits TV.

 » Quand tu vois un joueur avec ses écouteurs alors que l’entraîneur parle, c’est à la limite de l’impolitesse  » (Smolders)

L’union sacrée existe-t-elle encore dans le vestiaire. On dit qu’il y a moins de soupers communs. Y a-t-il un fossé entre les vieux et les plus jeunes ?

Laquait : Non, il y a encore une bonne entente. Mais on n’est pas toujours en phase. Aujourd’hui, on ne trouve pas d’arguments pour contrecarrer les excuses de certains. On n’a plus d’impact. Quand un joueur se plaint que le terrain n’a pas été arrosé, on lui répond que cela va changer. Mais quand rien ne bouge, il nous prend pour un c…

Smolders : Parfois, il y a un manque de respect flagrant.

Laquait : Maintenant, dans les vestiaires, c’est I-Pod et Playstation. Il y a deux ans, le vestiaire comprenait encore Loris Reina, Nasredine Kraouche, Laurent Macquet, Sébastien Chabaud. Tous des gars avec un certain vécu. On était tous des hommes.

Et le contact ne passe plus avec la génération I-Pod-Playstation ?

Laquait : Forcément, quand tu es allongé sur la table du kiné avec ton baladeur sur les oreilles, tu ne peux pas dialoguer.

Smolders : Par exemple, nous, on vient ici pour parler et prendre le temps pour une interview mais ne demande pas cela à la moitié de l’effectif.

N’est-ce pas le rôle des anciens d’éduquer les jeunes ?

Laquait : Si mais quand tu vois un joueur avec ses écouteurs alors que l’entraîneur parle, c’est à la limite de l’impolitesse.

Smolders : On ne peut pas leur apprendre cela. C’est une question d’éducation.

Laquait : Et là, on en revient à l’ambition. Quand on dit qu’on veut être dans le top-3 et qu’à la collation, on se tape des pâtes et que les jeunes enfilent des litres de coca, ça ne va pas. C’est aussi à ce niveau-là que ça doit changer.

Smolders : Il faut imposer des règles et obliger les jeunes à les suivre.

Laquait : Par exemple, quand entre vendredi midi et samedi 16 h, tu n’as qu’à penser à l’heure du rendez-vous avant le match, tu ne peux pas arriver en retard.

Smolders : Pour certains, cela coule de source. Manifestement pas pour tout le monde. La mentalité : c’est à ce niveau-là qu’il faut progresser. Nous, on cherche des solutions mais ce n’est pas évident.

Laquait : Quand on gagne, on a l’impression que c’est un exploit. Or, si on est ambitieux, cela devrait être normal.

Sur le plan personnel, que pensez-vous de votre saison ?

Laquait : Globalement, je suis rassuré. Je savais que cela allait être dur, tant sur le plan mental que physique. J’ai enchaîné deux saisons sans vacances. Mon job, c’est prendre des points et cette année, j’en ai encore pris. C’est l’essentiel.

Smolders : J’ai réussi mon premier objectif : confirmer. Mais comme je suis un joueur collectif, je dépends fort de la forme de l’équipe. Avec des hauts comme mes buts contre Bruges et Anderlecht.

par stéphane vande velde – photos: reporters

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