Les vérités du Futurosport

Les retrouvailles entre les anciens du centre de formation de Mouscron ont donné lieu à des fous rires et à des souvenirs plus douloureux.

Ils n’ont pas tous pu venir. Certains, comme PacoSanchez (Dender) et JoachimMununga (Malines), étaient retenus dans leur club. D’autres, comme MathieuDejonckheere (Audenaerde), LionelLadon (Harelbeke) et TidianyCoulibaly (Alost), avaient des obligations professionnelles. Pour quelques-uns, comme JérémyHuyghebaert (Auxerre) ou CyrilDetremmerie (Virton), l’éloignement constituait un handicap. Mais ceux qui ont répondu à l’invitation s’en sont réjouis. De GonzagueVandooren et GiovanniSeynhaeve, qui figuraient sur l’affiche de lancement en 97-98, jusqu’à GuillaumeFrançois, le petit dernier à avoir intégré le noyau A de Mouscron cette saison, en passant par KevinPecqueux (désormais capitaine d’Ostende en D2), JimmyHempte (arrière gauche de Courtrai), YohanBrouckaert (Tubize), LorenzoLai (désormais actif à La Louvière en D3), RomainHaghedooren (de retour à Mouscron après un prêt à Louvain en D2), DaanVanGijseghem, BastienChantry et IdirOuali (toujours à Mouscron), ils étaient contents de retrouver ce Futurosport où ils ont été formés et, surtout, de revoir les copains d’alors.

Onze années après son lancement, le centre de formation de Mouscron a produit peu de joueurs de niveau international, mais a permis à de nombreux jeunes footballeurs aux capacités relativement limitées au départ de réussir une belle petite carrière, et peut-être plus important, de trouver leur place dans la société et de réussir leur vie.

Devenir un homme

 » Beaucoup ont passé leur enfance au Futurosport « , rappelle Pecqueux.  » On y est entré gamin et on en est ressorti adulte. « 

Ils furent plusieurs à l’avouer :  » Ce furent les meilleurs années de nos vies : l’internat, le sport, les copains…  » Même si ce n’était pas toujours évident : entraînement de 8 à 10 heures, école, retour au Futuro en fin d’après-midi pour un deuxième entraînement. Le samedi après-midi, après le match du week-end, retour à la maison. Puis, le dimanche soir, retour au Futuro. Il fallait s’accrocher. Mais le jeu en valait la chandelle.

 » C’est lorsqu’on quitte le Futurosport qu’on se rend compte à quel point on y était bien « , dit Haghedooren.  » Tout au début, lorsque je me suis affilié à Mouscron, les équipes d’âge s’entraînaient encore à La Fraude. Cela n’avait rien de comparable. Puis, le Futuro a été créé. On avait tout : de bons entraîneurs, de bonnes conditions d’entraînement… « 

 » A l’époque où j’ai passé des tests au Standard, l’Académie Louis-Dreyfus n’avait pas encore été inaugurée « , rappelle le Luxembourgeois François, qui a fréquenté l’internat pendant deux ans – le temps d’obtenir son diplôme d’humanités – et qui poursuit des cours du soir en comptabilité.  » A Mouscron, tout était déjà en place. L’Excelsior fut un précurseur en Belgique.  »

 » A 13 ou 14 ans, on passait déjà des tests pour déterminer le taux de graisse « , se souvient Chantry.

Si la base de la pyramide remplissait un rôle social, l’objectif était tout de même de former une élite.  » Plus on montait, plus l’effectif se rétrécissait. J’ai perdu beaucoup de coéquipiers au fil des ans « , regrette Chantry.

Lorsqu’on évoque les souvenirs sportifs, le Tournoi de Croix (un important tournoi international de jeunes en France) revient régulièrement dans la conversation.  » Une année, en -19 ans, on a terminé deuxième derrière des Mexicains « , lancent de concert Lai et Chantry.  » Dans notre équipe, il y avait aussi YacineBenajiba, GuillaumeLépine, JulienDésire, VincentRamaël…  »

Le passage pas évident vers l’équipe Première

 » Mouscron a toujours clamé qu’il voulait offrir une chance aux jeunes, mais dans les faits, cela ne s’est pas vraiment vérifié « , regrette Hempte.  » Il faut dire qu’à mon époque, c’était la grosse équipe mouscronnoise, qui visait constamment le Top 4 ou le Top 5. Les moyens financiers permettaient encore à l’Excelsior d’attirer des joueurs comme MboMpenza.  »

Jimmy est donc parti à Gand où il joua 36 matches sur deux saisons, avant de revenir à l’Excelsior en 2004, l’année où PhilippeSaintJean y était entraîneur. Mais comme ce dernier fit long feu, le sort de Hempte fut rapidement scellé :  » Lorsque j’ai pris le parti de rejoindre Courtrai en D2, j’ai craint que cela ne tourne mal également. L’entraîneur ManuFerrera ne croyait pas trop en moi. Heureusement, je bénéficiais de la confiance des dirigeants et le vent a fini par tourner.  » Hempte est désormais titulaire chez les promus, sur le flanc gauche.

La solution du prêt est souvent envisagée. Chantry et Laï ont tous les deux été prêtés à Mons en 05-06 et fêtèrent la montée des Dragons en D1. Mais, si le premier est revenu à Mouscron, le second évolue désormais à La Louvière en D3.

 » Un prêt, c’est une arme à double tranchant « , estime Haghedooren, lui-même prêté la saison dernière à Louvain.  » Soit on s’illustre à l’étage inférieur et on peut rebondir, soit on y patauge et on s’enfonce un peu plus. Si vous partez à Eupen et que vous n’y jouez pas, je vous souhaite bonne chance pour retrouver un club. Moi-même, à Louvain, je n’étais pas toujours titulaire. Il n’y avait qu’un entraînement par jour, à 15 heures, car certains de mes coéquipiers étaient étudiants ou travaillaient le matin… Si j’ai pu revenir à Mouscron, c’est uniquement parce qu’il me restait une année de contrat. Sans cela, je me demande ce que je ferais. « 

Un prêt, c’est aussi ce qui avait été envisagé pour Huyghebaert, mais l’international des -19 ans n’a pu résister aux sirènes auxerroises. Il rêvait de la Ligue 1 mais on l’a relégué dans le noyau B, sous le prétexte que le noyau A était trop étoffé. Il joue désormais en CFA (le Championnat de France Amateur) :  » Quand j’ai la chance de jouer. Je n’en suis pas encore au point de regretter mon choix, mais ce n’est pas toujours drôle. « 

Haghedooren tient à défendre son copain :  » A l’avenir, Jérémy pourra écrire Auxerre sur sa carte de visite. Ce sera un atout. Les clubs se tourneront plus facilement vers lui que vers un joueur qui mentionne : – Formé àHerseaux !  »

Se recaser, tout un problème

Pour Pecqueux, l’histoire s’est finalement bien terminée, mais il est passé par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel :  » J’ai eu beaucoup de chance. Après avoir quitté Mouscron, je suis parti à Courtrai. Arrivé en fin de contrat là-bas, j’avais un double problème : l’entraîneur en place ne comptait plus trop sur moi et je me suis cassé l’épaule, ce qui décourageait les acquéreurs. Je n’avais plus de club et suis parti à Wasquehal, en CFA. Les deux derniers mois, je n’étais plus payé. Je me suis demandé : – Etmaintenant, Kevin, tufaisquoi ? Comble de malchance, on m’a volé mon téléphone portable à ce moment-là. S’il y avait des clubs intéressés, ils ne pouvaient plus me contacter. J’ai pensé arrêter mais ai finalement signé à Torhout, en D3. Je gagnais 1.000 euros par mois, je n’avais plus de voiture (car cela aussi, c’était un avantage qu’on avait à l’Excel), j’avais arrêté mes études pour le foot et j’étais désemparé. J’ai fini par trouver un boulot à mi-temps, et le vent a fini par tourner : je joue à Ostende en D2. Je viens de resigner un nouveau contrat professionnel. J’ai une voiture, un appartement. Mais j’aurais pu tomber très bas.  »

D’autres anciens de Futurosport sont également tombés très bas, sportivement, après avoir été prêtés, mais ils ont la chance d’avoir un boulot. C’est le cas de Ladon, qui avait débuté en D1 en 1998 :  » Après une saison, HugoBroos a estimé qu’il valait mieux que je m’aguerrisse au Cercle Bruges. J’ai été prêté une saison, mais l’entraîneur DennisvanWijk ne m’appréciait pas trop. Par contre, lors de mon retour à l’Excel la saison suivante, j’ai beaucoup joué. Hélas, on m’a signifié en fin de saison – ou plutôt à mon retour de vacances, ce qui est pire – que je devais chercher un autre club. Je crois qu’il fallait faire de la place pour GeoffreyClaeys. Je suis parti à Denderleeuw, puis à Deinze, puis trois saisons à Tournai et voilà trois ans que je joue à Harelbeke. Le club pensait réaliser une bonne affaire en fusionnant avec Ingelmunster, mais il a au contraire hérité des dettes du conjoint. Au lieu de remonter, Zuid-West a chuté encore plus bas et évolue désormais en 1re Provinciale. Heureusement, j’ai toujours conservé mon boulot de menuisier.  »

Dejonckheere (dont le premier match en D1 avait occasionné une défaite par forfait contre Mons pour un problème administratif) évolue désormais à Audenaerde en D3 après plusieurs saisons à Deinze en D2, où il a été victime d’une grave blessure. En journée, il travaille à la Poste. Coulibaly joue également en D3 avec Alost tout en travaillant en journée.

 » Au Futurosport, Saint-Jean insistait souvent sur le caractère aléatoire d’une carrière « , se souvient Chantry.  » Il répétait sans cesse que ça pouvait ne pas marcher, malgré toute la formation. Mes parents n’auraient pas admis que je ne poursuive pas mes études et je pense que j’agirai de même avec mes propres enfants, plus tard. Je ne leur permettrai jamais d’arrêter l’école pour se consacrer à 100 % au football. « 

Saint-Jean a été saboté au Futurosport

Brouckaert sait ce qu’il doit à Saint-Jean :  » Sans lui, je jouerais peut-être en 1re ou 2e Provinciale. Comme il me connaissait du Futurosport, il m’a appelé à Tubize en D2 et m’a confié des responsabilités, comme à d’autres jeunes. J’ai fêté la montée en D1, et même si aujourd’hui je n’y suis pas toujours titulaire, je mesure ma chance. Je n’en veux pas à Mouscron. Je comprends qu’un entraîneur doive faire des choix. Grâce à la formation reçue au Futurosport, beaucoup de joueurs ont pu trouver un bon club. La saison dernière, lorsque j’évoluais encore en D2 avec Tubize, je rencontrais presque chaque semaine un ancien Hurlu. La D2, ce n’est déjà pas mal : tout le monde ne peut pas évoluer au sommet. « 

Lorsqu’on évoque les entraîneurs, le nom de Saint-Jean revient souvent sur le tapis.  » Humainement, Saint-Jean est formidable « , sont-ils plusieurs à souligner.  » Il ne nous a jamais oubliés, lors d’anniversaires par exemple. Il mérite mieux que ce qui lui arrive. « 

Pourquoi n’a-t-il pas pu aller au bout de son projet au Futurosport ?  » Son rêve était de diriger toute la pyramide, depuis la base jusqu’à l’équipe Première « , rappelle JeanPierreDetremmerie.  » Il voulait d’ailleurs, à l’image de ce qui se fait à l’Ajax, élaborer un système de jeu utilisé par toutes les équipes. Mais il aurait eu besoin de temps pour cela : attendre que les joueurs qu’il a lui-même formés arrivent à maturité, et évoluer avec eux en D1. Car les pros aguerris qui débarquent n’acceptent pas ses méthodes ou ne peuvent pas les comprendre. Saint-Jean n’a jamais été footballeur professionnel. Pour réussir, il doit diriger des joueurs à qui il peut dire : – Vousn’avezrien àm’apprendre ! Soit des gars qu’il a éduqués de la crèche à l’école secondaire. Les entraîneurs de D1 s’intéressent rarement aux jeunes. Lorsque j’ai engagé GeorgesLeekens, il m’a d’emblée assuré : – Jevaism’occuperduFuturosport ! Je crois qu’il n’y a jamais mis les pieds. Idem avec HugoBroos. Lui aussi était prêt à s’en occuper. Les rares fois où il y a mis les pieds, c’était pour critiquer. Saint-Jean a été saboté au Futurosport. Je ne révélerai pas par qui, mais il est clair que dans le milieu, on accepte difficilement des gens qui ont des idées et qui bouleversent l’ordre établi.  »

par daniel devos – photos: reporters

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