Les trucs de Cech

Ce jeune géant (22 ans et 1m97) a volontairement quitté Chelsea pour Hibernians avec comme but : devenir le premier gardien d’origine africaine à défendre les couleurs des Diables Rouges.

omment jugez-vous votre première saison en Ecosse ?

YvesMakabuMaKalambay : Je n’en retiens que du positif. Je suis redevenu international, chez les -21 ans ; j’ai joué 40 matches, en gardant mes filets inviolés durant une quinzaine d’entre eux ; je suis le gardien de la meilleure défense du championnat d’Ecosse ; j’ai conquis ma première sélection avec les Diables Rouges, dont je suis devenu le premier gardien d’origine africaine ; je figure dans la pré-sélection pour les Jeux Olympiques. Rien que du bonheur.

Selon la presse écossaise, vous avez alterné les hauts et les bas ?

Ah bon ? Où voyez-vous du négatif, dans ce que je vous ai énuméré ? Bon, d’accord, je n’ai pas toujours été parfait. Mais c’est logique : lorsqu’on dispute sa première saison au plus haut niveau, on commet l’une ou l’autre erreur de jeunesse. Je suis en pleine phase d’apprentissage. Je ne suis pas Superman. Enfin… pas encore ! C’est en tirant les leçons de ses erreurs que l’on progresse. Vu sous cet angle-là, je suis heureux d’en avoir commis. Pour moi, cette saison fut très positive. Je voulais me faire connaître et j’y suis parvenu.

Lorsque vous faites votre autocritique, que constatez-vous encore comme lacune ?

J’ai parfois mal jugé certaines situations. Et pour un gardien, cela se paie cash. Mais je n’ai pas toujours été aidé par mes partenaires. Après un début de saison tonitruant, l’équipe a connu un gros passage à vide au c£ur de l’hiver. Durant cette période-là, on a souvent porté un regard accusateur sur ma personne. Comme je venais de Chelsea, j’étais le coupable tout trouvé. J’ai entendu des remarques, du style : – Il ne supporte pas l’hiver ! J’ai dû gérer cette injustice. Une équipe qui perd, c’est la faute aux 11 joueurs, pas à un seul. Je reconnais que je n’ai pas été aussi affûté d’un bout à l’autre de la saison, mais à ceux qui doutaient de mes capacités, j’ai apporté une réponse en revenant plus fort que jamais… avant que je ne me blesse aux adducteurs en fin de saison. Mais c’est une leçon : il faut que je sois constant durant toute la campagne. Je dois mériter une cote de 8 à chaque match, pas de 5 ou de 6 à certains matches.

Le grand moment de votre saison, c’est le penalty que vous arrêtez à la dernière seconde contre les Glasgow Rangers ?

Ah ! Cette victoire 0-1 aux Rangers… C’est vrai qu’elle constitua un moment fort de ma saison. D’autant que, grâce à elle, on prenait la tête du classement. En outre, c’était la première fois que je jouais devant 60.000 spectateurs à Ibrox Park. Mais, si je devais retenir un seul moment de cette saison, ce serait ma première sélection chez les Diables Rouges. J’ai joué la deuxième mi-temps du match amical contre le Standard et cela restera à jamais gravé dans ma mémoire. Certains rigoleront, en disant que c’était une parodie de match international face à une équipe de club même pas au complet. Mais, ce soir-là, j’ai revêtu le maillot de l’équipe nationale A, et pour moi, cela n’a pas prix. Cela signifie que le coach sait que j’existe et qu’il croit en mes capacités. En outre, j’ai eu le plaisir de rejouer avec Vincent Kompany. C’était un rêve que je nourrissais depuis tout petit.

Retrouver Kompany et les autres

Vous avez retrouvé Vincent avec l’équipe olympique. Comment le sentez-vous au sein de cette bande de jeunes ?

Il est peut-être le plus heureux de tous. Il joue à Hambourg, est une pièce-maîtresse de l’équipe nationale A et pour lui, rejouer en -23 ans en compagnie de Faris (Haroun), Anthony (Vanden Borre) et moi, c’était du bonheur. On se connaît pour avoir joué chez les jeunes à Anderlecht ou Molenbeek (pour Faris) et dans les parcs de Bruxelles. Mon rêve ultime est de jouer un jour tous ensemble en équipe nationale A. On y a déjà tous goûté, mais jamais en même temps.

A l’Euro 2007 des -21 ans, l’an passé, on avait aussi senti Vanden Borre revivre au contact de joueurs de son âge ?

Mais bien sûr ! Quand on retrouve des amis, on s’entraide. On se remémore les instants de jadis : – Tutesouviensdemoilorsqu’onjouaitauparc ?Regardecequejesuisdevenu, maintenant ! Grâce à la télé et à internet, on ne s’est jamais totalement perdu de vue, mais lorsqu’on est l’un à côté de l’autre, c’est encore différent. La joie est plus grande.

On sent chez vous une motivation plus grande à revêtir le maillot des Diables Rouges que chez certains autres ?

Ecoutez : lorsque je jouais, tout jeune, à Anderlecht, il y avait des joueurs comme Enzo Scifo ou Filip De Wilde chez les Diables. J’avais toujours rêvé de les imiter. La veille de ce fameux match à Sclessin, j’ai eu des difficultés à fermer l’£il : j’imaginais déjà plein de situations dans ma tête. Ces 45 minutes furent les plus importantes de ma carrière. D’autant que je les ai jouées en Belgique. J’adore la Belgique, ce pays où je suis né et où j’ai été merveilleusement adopté malgré mes racines africaines. René Vandereycken m’a donné des consignes, ma famille me regardait, Vincent me regardait, Faris était avec moi sur le terrain. Ces moments-là ont surpassé le fait d’être sur le banc en Ligue des Champions contre Barcelone. Pourtant, il n’y avait pas mon nom sur le maillot et je n’ai pas pu porter mon fameux n°50 fétiche. La première fois où j’ai pris place sur le banc de Chelsea, contre Bolton, ma mère allait fêter son 50e anniversaire. C’est en hommage à elle que j’ai pris ce numéro. J’avais quitté ma mère à 14 ans et j’ai voulu lui prouver, par ce geste, que je ne l’avais jamais oubliée.

Rester un VIP à Londres ou prester ?

A quoi devez-vous votre pré-sélection pour les JO ?

J’avais réalisé que je devais à tout prix quitter Chelsea. Ce ne fut pas une décision facile à prendre, car je pense que je ne retrouverai jamais un club aussi paradisiaque que Chelsea. Là-bas, comme joueur, on a tout ce qu’on veut. Toutes les portes de Londres s’ouvrent pour vous, comme si vous étiez un prince. Tout est gratuit et on ne vous dit jamais non. Mais on ne goûte vraiment à tous ces privilèges que lorsqu’on est certain de jouer le week-end. Or, ce n’était pas mon cas. Je pouvais déjà m’estimer heureux lorsque je prenais place sur le banc. Sinon, j’étais dans la tribune. J’étais arrivé au point où je me disais : – EtreunVIP àLondres, celanesuffitplus àmonbonheur ! J’avais aussi envie de jouer, d’avoir mon nom dans les journaux, d’entendre que l’on parle de moi et… d’être sélectionné en équipe nationale ! Je savais que les JO approchaient et que, si je voulais en être, je devais retrouver ma place en sélection, au moins en -21 ans. Pour cela, il fallait que je joue dans mon club. Logan Bailly a déjà deux ou trois saisons de D1 dans les jambes. Kenny Steppe est plus jeune que moi et a été élu Gardien de l’Année en Belgique. Je ne pouvais pas demeurer en rade. Partir en Ecosse, c’est la meilleure décision que j’ai prise.

Qu’aviez-vous appris à Chelsea ?

D’abord, la discipline. J’ai aussi gagné en maturité, car j’ai appris à gérer les situations où je ne jouais pas. Comme joueur, c’est le pire mais j’ai beaucoup appris de Petr Cech. J’ai volé ses petits trucs. Il n’y a que cela pour progresser. C’est l’un des meilleurs gardiens du monde. J’ai aussi volé chez Cudicini, chez Hilario… ce qu’il y avait à voler ( ilrit) ! J’essaie désormais de peaufiner ma propre personnalité, d’élaborer mes propres petits trucs. Mais je dois encore beaucoup évoluer.

Du championnat d’Ecosse, on connaît surtout le Celtic et les Rangers.

Au moment de signer à Hibernian, je savais que j’effectuais un pas en arrière par rapport à Chelsea, mais que j’obtiendrais du temps de jeu. Après avoir joué en Réserve dans un club prestigieux, j’avais hâte de démontrer que j’étais capable de jouer en équipe Première dans des stades à l’ambiance aussi enfiévrée qu’Ibrox Park ou Celtic Park. Il y a aussi des clubs comme Motherwell, Dundee et… Hibernians qui sont très compétitifs. Les referees protègent très peu les gardiens et ce fut un bon apprentissage. Coup de coudes, studs aux visages… j’ai eu droit à tout cela. Mais j’ai toujours considéré que c’était le métier qui entrait.

En finale de la Coupe de l’UEFA, les Rangers n’ont pas donné une image très positive du football écossais…

( Ilsoupire) C’est une équipe chanceuse. Ils ont eu un bol incroyable pour arriver en finale. Jusqu’au match à Manchester, ils ont bénéficié de la chance du champion : ils ont toujours gagné, même en jouant mal. Ils ont encore essayé de faire un mauvais match en finale, mais là, la chance leur a tourné le dos ( ilrit). Pour tout avouer : je n’ai regardé que 15 minutes de la finale. J’ai préféré zapper sur Hull-Watford en Championship (la D2 anglaise).

par daniel devos – photo: belga

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