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 » Les soucis offensifs d’Anderlecht ? C’est plus mon problème ! « 

Il y a un an, il faisait le buzz en lâchant ici un saignant  » Weiler n’a pas de couilles « . Aujourd’hui, il est (presque) élogieux quand il parle du Suisse. Il crève de faim et c’est Dury qui doit en profiter. Reconstruction d’une métamorphose mentale – et idéalement sportive.

Hamdi Harbaoui avoue qu’il s’imaginait plus en Ligue 1 qu’en Belgique.  » Au moment où j’ai décidé de quitter la Tunisie, j’ai passé des tests en France, à Marseille et tout ça. Un bon club voulait me prendre mais l’Espérance Tunis demandait trop d’argent. Alors, j’ai attendu d’être à six mois de la fin de mon contrat, ils m’ont dit que je pouvais m’en aller, j’ai mis mes godasses dans un sac et je suis venu passer un test à Mouscron.  »

Tout ça remonte à une dizaine d’années. Entre-temps, il a bien bougé. Mouscron, Visé, Louvain puis la vraie éclosion à Lokeren. Ensuite le Qatar, encore Lokeren, l’Udinese (pour quelques petites semaines), Anderlecht, prêt à Charleroi, retour à Anderlecht, et maintenant Zulte Waregem. Son vrai bilan anderlechtois ? Euh… comment dire ?

HAMDI HARBAOUI : Je regrette que ça ne se soit pas bien passé pour moi là-bas. Je le regretterai toujours, je le sais. Mais bon, ça ne va pas non plus gâcher ma carrière. Anderlecht ne va pas laisser une trace noire… J’ai quand même joué dans le plus grand club de Belgique, c’est un honneur, une fierté. Après, voilà, tu ne peux pas tout avoir. Il y a des moments où tu dois faire des choix. Si ta situation sportive ne te plaît pas, tu dois prendre les bonnes décisions, trouver d’autres solutions. C’est ce que j’ai fait.

Je regretterai toujours mon échec à Anderlecht mais ça ne va pas gâcher ma carrière.  » Hamdi Harbaoui

Qu’est-ce que Francky Dury t’a dit pour te persuader de venir à Waregem ?

HARBAOUI : Pour moi, Dury n’est pas un inconnu. Evidemment. C’est un coach qui adore jouer un foot offensif, un beau foot, un foot vers l’avant, en tout cas il essaie. Rien que ça, ça me plaît. Par exemple, on a battu Zulte Waregem cette saison avec Anderlecht, j’ai même marqué, mais si je dois retenir un truc de ce match, c’est la possession de balle de l’adversaire. On s’est parlé en décembre, il a eu un discours très enthousiaste. Et puis, j’ai déjà parlé de lui avec pas mal de joueurs qui le connaissent : Jérémy Taravel, Habib Habibou, Nill De Pauw, Onur Kaya. Je n’ai eu que des bons échos.

 » Zulte Waregem avait besoin d’un buteur, je suis là  »

Tu sais pourquoi ça ne fonctionne pas pour Zulte Waregem cette saison ?

HARBAOUI : Après deux bonnes semaines avec l’équipe, j’ai mes apaisements, le talent est là. Mais il y a beaucoup de jeunes, je pense que c’est le principal problème. Il y a eu des périodes où ce club avait trop de joueurs d’un certain âge, aujourd’hui c’est l’excès inverse. Les jeunes, ça peut être une force dans certains moments, mais dans les situations où il faut de l’expérience, quand il faut gérer des passages délicats, ça peut coincer. Il manquait quelques cadres pour tirer l’équipe vers le haut, le mercato d’hiver en a tenu compte. J’arrive, il y a aussi Damien Marcq et Theo Bongonda. Et puis il manquait un buteur. Aujourd’hui, je suis là.

Tu as déjà dit ça dans la presse flamande.  » Zulte Waregem avait besoin d’un buteur, j’arrive.  » Mais ça a été considéré comme de l’impertinence, de l’arrogance. Comme une provocation.

HARBAOUI : Mais je ne provoque pas du tout. On me connaît, quand même ? J’ai toujours été un buteur, un finisseur, j’ai marqué des buts partout où je suis passé. Il faut assumer son rôle. J’adore me fixer des objectifs en buts, je suis là pour les mettre au fond. Je ne me mets pas la pression mais je ne suis pas un loser. Il faut croire en ce qu’on fait. Si je ne crois pas en moi, qui va le faire ? Chacun a son caractère, sa personnalité. Je ne suis pas arrogant du tout, je ne suis pas le mec qui ne parle que de lui.

Ta meilleure période, c’est ton premier passage à Lokeren, tu y étais resté trois ans. Ce n’est pas la preuve que tu as besoin de stabilité ?

HARBAOUI : Je suis bien d’accord. Ça a été le meilleur passage de ma carrière, j’ai gagné deux fois la Coupe, j’ai terminé meilleur buteur. Bien sûr que ça m’interpelle, et si je viens de signer ici un contrat de trois ans et demi, c’est parce que je suis moi-même persuadé, aujourd’hui, que je dois me poser pour un bon moment. J’aurais pu aller à Dubaï. Là-bas, je pouvais gagner largement ma vie… Mais c’était pour une seule saison. Et puis j’ai toujours des objectifs, j’ai toujours soif de gagner, je veux gagner de choses. Je n’ai pas encore fini de fignoler mes stats ! En fait, je me rends compte que si j’ai changé aussi souvent de club, c’est sans doute parce que je ne suis jamais vraiment content de ce que j’ai, parce que je veux toujours aller chercher quelque chose d’autre, quelque chose de nouveau.

Sous les couleurs de son nouveau club, Zulte Waregem.
Sous les couleurs de son nouveau club, Zulte Waregem.© BELGAIMAGE KOEN BAUTERS

 » Je ne voulais pas quitter Anderlecht sur une défaite  »

Le Qatar, c’était une fausse bonne idée ? Ou une vraie bonne idée ?

HARBAOUI : C’était une belle expérience, j’ai bien gagné ma vie. J’ai quand même fait des bons choix dans ma carrière…

Tes quelques semaines à Udine, on en parle ? … Avec le recul, tu ne penses pas que tu aurais dû t’accrocher, mordre sur ta chique ? Tu aurais peut-être reçu ta chance. Mais là, tu as vite décidé de partir.

HARBAOUI : Il y avait beaucoup de joueurs offensifs dans le noyau, j’ai vite vu que certains étaient avantagés par rapport à d’autres, je me suis dit qu’à mon âge, je ne pouvais pas rester dans un placard. Être chaque week-end sur le banc, tout ça pour pouvoir dire que je suis en Serie A, désolé, ce n’est pas mon genre. J’ai vite compris la philosophie du club, le fait qu’il fallait mettre certains joueurs en vitrine, ce n’était pas pour moi.

Et retourner l’été passé à Anderlecht, où tu savais que René Weiler ne t’appréciait pas, c’était une bonne idée ça ?

HARBAOUI : Je voulais y retourner après mon prêt à Charleroi, bien sûr ! Parce que je n’avais pas envie de quitter Anderlecht sur une défaite. Je me suis dit que j’allais essayer de convaincre Weiler. Et puis, les choses ont commencé à bien évoluer, petit à petit. Je voyais qu’il commençait à changer d’avis, il me l’a même avoué. Je commençais à entrer dans ses plans. Il me le disait, il aimait bien ma façon de travailler, je le surprenais. Pour moi, c’était comme une victoire. Malheureusement, à ce moment-là, il est parti. Avec Hein Vanhaezebrouck, j’ai tout fait pour me montrer dans les matches où il me donnait ma chance. Mais il ne me l’a pas donnée souvent, hein !

Finalement, pour toi, Weiler aurait dû rester…

HARBAOUI : Oui ! Son départ m’a attristé. J’étais triste pour lui. Mon sentiment aujourd’hui, c’est qu’il a voulu faire quelque chose, qu’il a essayé, mais il a subi tellement de pressions de partout qu’au final, c’était mieux qu’il parte.

Quand il t’avoue qu’il a changé d’avis à propos de toi, il est courageux…

HARBAOUI : Oui !

Il y a un an, en débarquant à Charleroi, tu nous disais :  » Weiler, par rapport à moi, il n’avait pas de couilles.  »

HARBAOUI : Oui mais bon, je n’appréciais pas du tout la manière dont il m’avait traité. Je n’ai jamais eu de problèmes avec mes entraîneurs. Je ne suis pas le mec qui n’accepte pas les choix. Pas le mec qui fout le bordel dans l’équipe parce qu’il ne joue pas. Mais je demande qu’on me dise les choses en face. Si tu ne me fais pas confiance, ok, j’accepte, pas de problème. Mais dis-le en face. Il faut me dire les choses et pas inventer des trucs.

Tu n’as pas regretté ces déclarations ?

HARBAOUI : Ça venait d’une grosse frustration et c’est sûr qu’on regrette toujours des paroles pareilles.

 » Je ne pouvais pas sauter du banc et monter sur le terrain  »

En début de saison, tu imaginais sûrement un titre fort possible avec Anderlecht, les matches de Ligue des Champions, peut-être le classement du meilleur buteur. Si mois plus tard, tu te retrouves à jouer le maintien. Ce n’est pas la même mélodie. C’est difficile de faire le switch en quelques jours, de basculer dans une réalité complètement différente, de changer d’état d’esprit ?

HARBAOUI : Tu dois pouvoir vite t’adapter. Mais il ne faut pas exagérer non plus, hein… Il ne faut pas oublier qu’Anderlecht n’était pas premier au classement quand je suis parti… Ils étaient à treize points de Bruges, ce n’est pas gagné pour être champion. J’ai aimé m’entraîner et jouer avec Anderlecht, j’aurais aimé faire mieux, mais voilà, la page est tournée, maintenant c’est focus à fond sur Zulte Waregem. Il fallait que je parte, surtout que j’espère vite retourner en équipe nationale. Le seul moyen pour ça, c’est de jouer. De bien jouer, de marquer.

La Coupe du Monde a joué dans ton choix ?

HARBAOUI : Bien sûr. Je n’ai pas été appelé pour les derniers matches parce que j’étais en manque de temps de jeu, c’était ça la raison.

Lukasz Teordorczyk ne marque plus. Robert Beric est retourné à Saint-Etienne. Henry Onyekuru est blessé pour plusieurs mois. Isaac Thelin reste en prêt à Beveren. Qui va maintenant marquer des buts pour Anderlecht ?

HARBAOUI : C’est le problème de l’entraîneur, plus le mien. Moi, j’ai choisi de partir. Demande-moi si je vais marquer avec Zulte Waregem, je te répondrai oui… Demande-moi si Anderlecht va marquer, je te répondrai que je n’en sais rien. C’est leur problème. Leur problème à eux.

Tu fais quelle analyse du cas Teodorczyk ? Il met tout dedans pendant un an, puis plus rien.

HARBAOUI : C’est difficile à expliquer parce que je n’ai jamais connu une situation pareille. Et c’est aussi la première fois que j’ai un coéquipier qui vit un truc comme ça, aussi fort, avec un tel contraste. Tu peux avoir des périodes où tu marques beaucoup et facilement, puis tu traverses un petit passage à vide où tu marques moins, mais en général, tu continues quand même à marquer un peu, un but de temps en temps. Mais Teodorczyk, lui, il est passé du tout au rien, du tout blanc au tout noir. Bizarre. Je pense que son problème est plutôt psychologique. Peut-être qu’il force trop pour marquer. Peut-être qu’il se met trop de pression. Peut-être que ça n’a rien à voir avec le foot. Il doit être le seul à le savoir.

Quand il enchaînait les matches sans marquer, tu ne te disais pas que tu allais recevoir ta chance ?

HARBAOUI : Bien sûr que je me le disais. Après, je ne pouvais pas sauter du banc et aller sur le terrain sans l’accord de l’entraîneur.

Qu’est-ce que tu ressentais ? De la frustration ? De la colère ? De l’injustice ? De la haine ?

HARBAOUI : Ah, mais dans des moments pareils, je ressens tout ce qu’il est possible de ressentir ! Tout ce que tu peux imaginer. Mais je veux toujours rester positif. Je ne suis pas le mec qui va clasher son entraîneur ou sa direction. On veut mon avis sur la concurrence avec Teodorczyk ? Je réponds simplement : -Je comprends que, vu l’investissement qu’Anderlecht a fait pour lui, il soit avantagé par rapport à moi.

 » En Belgique, c’est risqué d’oser sortir  »

Tu ne pensais pas que la sauce allait prendre plus vite avec Hein Vanhaezebrouck ? C’est compliqué, quand même !

HARBAOUI : Il veut imposer un système complètement à l’opposé de celui de Weiler, c’est ça qui est compliqué. Weiler ne voulait pas avoir la possession, il voulait profiter des contre-attaques. Vanhaezebrouck veut avoir la possession tout le temps, il veut dominer pendant tout le match. Il faut apprendre tout ça, il faut roder un système comme celui-là, ça prend forcément du temps.

Ça va marcher ?

HARBAOUI : Si les joueurs comprennent, acceptent et appliquent, ça peut fonctionner, oui.

Tu dis que tu es content de travailler maintenant avec un entraîneur comme Dury qui veut un jeu vers l’avant mais tu avais aussi fini par te retrouver dans le style Weiler, qui est le style contraire.

HARBAOUI : Si on m’explique les choses et si on me fait confiance, je peux être performant dans n’importe quel système. J’ai su être bon à Charleroi où tout le monde doit courir, défendre, bosser sans arrêt pour arracher des ballons. Je me suis adapté. Si tu me demandes d’être buteur, je serai buteur. Si tu me demandes de redescendre pour récupérer, je le ferai. Souviens-toi de Peter Maes à Lokeren. Je ne peux pas dire que c’était un style que tous les joueurs prenaient avec un grand plaisir… Maes exigeait un bloc dans lequel tout le monde travaillait énormément. Pour les attaquants, ce n’était pas simple. Mais c’est souvent comme ça en Belgique, il faut l’accepter et s’y faire. Ici, presque tous les entraîneurs préfèrent un système prudent, ça ne va pas vraiment vers l’avant. Il n’y a finalement que Bruges qui le fait, et Genk de temps en temps. Dans ce championnat, c’est risqué d’oser sortir.

 » Je reste le petit chat noir de l’équipe tunisienne  »

Comment tu évalues tes chances d’aller à la Coupe du Monde ?

HAMDI HARBAOUI :70 %. Tout va dépendre de ce que je vais réussir à faire avec Zulte Waregem.

Tu as une relation compliquée avec ton équipe nationale. Tu as eu un break de trois ans après un gros clash. Tu y étais allé fort en disant que l’entraîneur était incompétent, que les entraînements étaient catastrophiques, qu’il n’y avait pas de discipline, que le staff médical était nul. Tu avais comparé la sélection à une équipe de quartier…

HARBAOUI : C’était peut-être trop cash, ok. J’ai dit tout ça après la CAN 2013, et si je l’ai dit, c’est parce que je le pensais. Je voulais faire changer les choses. La Fédération a exigé que je m’excuse pour pouvoir revenir en sélection. J’ai répondu : -Ce serait trop bizarre de m’excuser pour avoir dit la vérité. Donc, j’ai refusé de présenter des excuses. Si je m’étais excusé, je serais passé pour un gros menteur, mon image aurait pris un gros coup. Pas question.

Mais tu te punissais !

HARBAOUI : : C’est sûr. Mais ce n’était pas moi, le fautif. Il fallait punir les responsables de la situation, je voulais que ça redevienne sérieux. Entre-temps, c’est redevenu sérieux. Et je me suis à nouveau exprimé, en télé. J’ai dit un truc du style : -S’ils veulent que je m’excuse, je m’excuse. J’ai peut-être été un peu dur. Mais je ne suis pas revenu sur le contenu de mes propos. Seulement sur la forme. On m’a rappelé entre-temps, j’ai rejoué des matches qualificatifs, mais bon, je reste le petit chat noir de la sélection.

Tu es le rebelle, le Nainggolan de l’équipe tunisienne ?

HARBAOUI : Non, je ne suis pas un rebelle. Je suis simplement un gars qui dit les choses. Je n’aime pas faire l’autruche. Un proverbe tunisien dit : -Celui qui voit le mal et ne dit rien, c’est un diable ou un sourd.

En Tunisie, qu’est-ce qu’on dit du tirage pour la Russie ?

HARBAOUI : Les Tunisiens disent qu’on doit battre le Panama, ça doit le faire. Et il faudrait accrocher quelque chose contre l’Angleterre ou la Belgique. Sur un match, tout est possible. Tu te souviens des difficultés des Diables contre l’Algérie au Brésil ? La Tunisie et l’Algérie, c’est le même calibre.

On craignait d’avoir le Maroc dans notre groupe parce que Bruxelles aurait pu s’enflammer le jour du match. Avec la Tunisie, ça risque d’être chaud aussi, non ?

HARBAOUI : Mais non ! Aucune crainte ! Tu te souviens du match Belgique – Tunisie à Bruxelles, juste avant la Coupe du Monde au Brésil ? Les seuls incidents de la soirée, c’étaient les grêlons qui étaient tombés sur le stade ! Les Tunisiens adorent mettre une grosse ambiance mais c’est sans problème. On n’a pas un public qui casse comme nos amis marocains…

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 » Ma Ferrari, c’était un caprice, je vais la vendre  »

Tu viens à Waregem avec ta Ferrari ?

HAMDI HARBAOUI : Non.

Ça passe à Neerpede mais pas ici ?

HARBAOUI : Ça fait longtemps qu’elle n’est plus sortie du garage. Je vais peut-être la vendre. La Belgique n’est pas un pays de Ferrari. Il pleut tout le temps, il y a des radars partout. Cette voiture, c’était un caprice, une folie. J’ai toujours rêvé d’avoir une Ferrari rouge. Je l’ai achetée au Qatar. Mais dès que je l’ai eue, le charme a disparu.

Tu as été élevé dans un milieu modeste, il n’y a pas eu des réactions négatives dans ton entourage quand tu l’as achetée ?

HARBAOUI : Je ne l’aurais jamais emmenée en Tunisie. Et pour tout te dire, ma mère n’est même pas au courant que j’ai une Ferrari. Parce qu’elle n’accepte pas ce genre de truc.

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