LES SECRETS DU VESTIAIRE

On a réussi à percer le mystère de l’endroit interdit à quiconque n’appartenant pas au club.

Pendant de nombreuses années, les représentants des médias ont eu libre accès aux vestiaires d’Anderlecht, après les matches, afin de récolter à chaud les impressions des joueurs. Mais avec l’instauration de la zone mixte où joueurs et journalistes se rencontrent désormais, le vestiaire est devenu interdit. C’est le saint des saints du noyau A. La seule entorse à cette règle, durant un certain temps, fut la journée portes ouvertes, au cours de laquelle les fans et les suiveurs habituels du club avaient l’opportunité de découvrir l’espace réservé aux footballeurs. Mais il aura suffi que l’un ou l’autre petit plaisantin emporte un souvenir des lieux, pour que la visite subisse une légère modification. Aujourd’hui, la porte est grande ouverte, mais une barrière empêche d’aller plus loin. Les photos doivent donc être prises de loin.

L’agence Photonews aurait aimé réaliser un reportage voici quelques mois sur les transformations subies. La direction du club donna à l’époque son feu vert pour des clichés dans le vestiaire des visiteurs mais apposa un veto catégorique à la demande de fixer pour l’éternité le lifting subi par le vestiaire local. Histoire de préserver un tant soit peu l’intimité du groupe. S’il n’existe pas de photos du vestiaire interdit, nous l’avons cependant reconstitué.

Pourquoi les joueurs sont séparés en trois zones

La pièce, rectangulaire, est pourvue de tous côtés d’armoires personnelles. La porte d’entrée, qui donne sur le couloir menant au terrain, sépare le groupe formé sur la gauche par Arnold Kruiswijk, Jelle Van Damme, SilvioProto et NemanjaRnic de celui de droite constitué d’ Hernan Losada, Mbark Boussoufa, Olivier Deschacht et Michaël Cordier. Sur le mur de gauche, on relève d’abord un casier réservé au team-manager, José Garcia, puis les placards de Marcin Wasilewski, Davy Schollen, Jan Polak et Daniel Zitka. A côté du gardien tchèque se dresse un tableau d’affichage. Il sert aux informations et rendez-vous destinés aux joueurs. Plus loin, un couloir mène aux sanitaires et douches.

Passé ce corridor, on retrouve à nouveau des coins réservés à d’autres éléments : Stanislav Vlcek, Tom De Sutter, Victor Bernardez, Jonathan Legear, NicolasFrutos et Sébastien Bruzzese. Un nouvel espace, qui mène à la fois à la buanderie ainsi qu’à la piscine, sépare ce dernier des jeunots Bakary Bouba Saré et Reinaldo, qui font pour ainsi dire face à la porte d’entrée.

A droite, on repère le reste de l’effectif pro formé de Lucas Biglia, Matias Suarez, Roland Juhasz, Thomas Chatelle, Sacha Iakovenko, Guillaume Gillet et Dmitri Bulykin.

Ce groupe de 27 forme en réalité 3 zones : la première qui va de Kruiswijk à Zitka ; la deuxième de Vlcek jusqu’à Reinaldo et la troisième de Losada à Bulykin. Ces diverses zones ne correspondent nullement à un compartimentage entre les trois secteurs traditionnels d’une équipe : défense, entrejeu et attaque. Un mélange des genres se discerne effectivement dans chacune d’entre elles.

Pourquoi les nationalités et langues sont séparées

Il est symptomatique de constater aussi que des éléments d’une même nationalité sont séparés ou se retrouvent maximum par groupes de deux. Comme les Tchèques Zitka et Polak à gauche et les Argentins Biglia et Suarez de l’autre côté du vestiaire. Dans chaque cas, un ancien (Zitka d’une part, arrivé au Parc Astrid en 2002 et Biglia, Sportingman depuis 2006) est appelé à chaperonner un compatriote débarqué plus tard (Polak en 2007 et Suarez l’été passé).

Mais les nouveaux sont automatiquement flanqués d’un autre joueur qui ne partage pas les mêmes origines ou langue : Juhasz pour Suarez et Schollen pour Polak. Avec une finalité évidente : éviter la formation de clans et favoriser l’apprentissage d’une langue étrangère au contact d’un autre.

On observe aussi que deux Belges de même rôle linguistique ne se trouvent jamais côte à côte. Gillet et Chatelle doivent par exemple composer avec la présence entre eux d’Iakovenko. Aucun étranger n’est, par ailleurs, abandonné à son sort : tantôt il est épaulé par un compatriote (cf. Suarez et Polak), tantôt encore il peut compter sur l’appui d’un Belge : Schollen pour Wasilewski, Legear pour Benardez ou Gillet en ce qui concerne Bulykin. Dans tous ces cas, l’affectation des places est du ressort du team-manager, José Garcia, qui a d’ailleurs son propre emplacement à côté de Wasyl. Parfois, cette désignation se fait après concertation avec le coach, Ariel Jacobs.

Pourquoi les joueurs gardent toujours la même armoire

Casier donné=casier gardé. C’est ainsi, traditionnellement, que ça se passe au RSCA lors de l’attribution d’une armoire. Deschacht, capitaine au long cours puisqu’il en est à sa neuvième campagne au stade Constant Vanden Stock, a toujours conservé le même emplacement. Idem en ce qui concerne Zitka, qui a débarqué en 2002 en provenance de Lokeren.

Dans la liste publiée ci-avant, d’aucuns auront certainement remarqué qu’un vestiaire est toujours réservé au nom de Proto. C’est la procédure normale pour celui ou ceux qui font l’objet d’une cession temporaire, comme c’est le cas du gardien hennuyer au Germinal Beerschot. En revanche, Bart Goor, qui est passé pour de bon dans les rangs du club anversois à la faveur du récent mercato, a laissé son vestiaire à un nouveau venu : Bernardez.

Pourquoi le Conseil des joueurs est harmonieusement réparti

Sept des 27 footballeurs qui constituent le noyau A forment aussi le Conseil des joueurs. Il s’agit, classés dans l’ordre alphabétique de Biglia, Boussoufa, Chatelle, Deschacht, Polak, Van Damme et Zitka. Autrement dit deux Belges d’expression néerlandophone (le capitaine Deschacht et Van Damme), un francophone (Chatelle) et quatre étrangers triés sur le volet : le gardien tchèque en vertu de sa personnalité et de ses longs états de service, Biglia comme porte-parole des Argentins, ainsi que Polak et Boussoufa qui comptent parmi les leaders naturels du groupe.

Ce n’est d’ailleurs pas une surprise si, à la mi-temps du match Anderlecht-Mons, alors que les Sportingmen n’en menaient pas large, ce sont précisément ces deux-là, en l’absence de Zitka, blessé, qui ont secoué le vestiaire. Non sans succès car, menés 0-2, les Mauve et Blanc renversèrent complètement la vapeur pour l’emporter 3-2. En temps normal, Frutos n’hésite jamais non plus à haranguer ses partenaires. Mais ses ennuis de santé et sa revalidation en Argentine ont évidemment changé la donne.

L’importance sur le terrain se reflète donc dans le vestiaire et vice-versa. La preuve par Boussoufa, le Monsieur 50 % en matière de contribution offensive ; Polak, surnommé le Boss et Van Damme, le défenseur-passeur-buteur du groupe. Jelle ne se limite d’ailleurs pas à cette triple casquette. On peut également toujours compter sur lui pour mettre de l’ambiance dans les vestiaires.

Pourquoi Wasilewski est en tête des ambianceurs

A Anderlecht, comme partout ailleurs, les boute-en-train ne manquent pas. Des plus forts aux plus modérés, Legear, qui n’en est lui-même jamais à une facétie près, les a classés :

-5 étoiles : Marcin Wasilewski, Guillaume Gillet, Jelle Van Damme, Jonathan Legear et Nicolas Frutos ;

-4 étoiles : Jan Polak, Mbark Boussoufa, Nemanja Rnic et Roland Juhasz ;

-3 étoiles : Thomas Chatelle, Tom De Sutter, Hernan Losada, Lucas Biglia et Sacha Iakovenko ;

-2 étoiles : Dmitri Bulykin, Stanislav Vlcek, Davy Schollen et Michaël Cordier ;

-1 étoile : Arnold Kruiswijk, Olivier Deschacht et Matias Suarez.

Une fois encore, on remarquera que les mieux classés sont les cadres de l’équipe. A une exception près : Wasilewski. Le Polonais est sans conteste le joueur qui a subi la plus profonde métamorphose au Parc Astrid ces derniers mois. A son arrivée en janvier 2007, il était de loin le plus timide. Il est vrai qu’il ne maîtrisait alors que sa langue maternelle et qu’il devait sans cesse s’adresser à Zitka pour traduire ou faire passer un message. En l’espace de deux années, grâce à l’apprentissage de l’anglais, Wasyl s’est enhardi au point de laisser l’étiquette du timide à un autre footeux qui a encore tout à découvrir et à apprendre, Matias Suarez.

Bizarrement, on relève aussi dans cette catégorie la présence d’un certain Olivier Deschacht qui fait pourtant figure de vieux de la vieille. Mais Oli est de ceux qui s’épanchent rarement. Même Pierre Leroy, l’ancien team-manager, réputé pour son entregent, n’est jamais parvenu à le faire se livrer totalement. Idem pour ce qui est du responsable de la presse actuel Pierre Desmet.

Pourquoi Zitka-Juhasz-Vlcek sont des gentlemen

Si un joueur fait l’unanimité à Anderlecht, tant pour ses qualités footballistiques et humaines, c’est Zitka. Non content d’être un excellent gardien, le Tchèque se double d’un coéquipier de rêve et d’un ambassadeur hors-pair pour son club. Toujours de bonne humeur, l’autre Big Dan n’a par exemple jamais rechigné pour servir de traducteur. Et dieu sait s’il a été mis à contribution en la matière puisqu’il a dû se multiplier tour à tour auprès de Wasilewski, Vlcek et Polak ces dernières années. L’homme n’hésite jamais non plus à délaisser l’intimité du vestiaire, l’espace de quelques minutes, pour répondre favorablement à l’appel de l’un ou l’autre chasseur d’autographes ou de photos.

Récemment, nous avons d’ailleurs été témoin d’une scène qui en dit long à ce sujet. Pendant les vacances de carnaval, il avait fixé rendez-vous à une jeune écolière d’Hasselt, censée interviewer un sportif célèbre et qui avait porté son choix sur lui. Le jeudi 26 mars, à l’heure convenue, il dut toutefois composer avec un changement de programme et se soumettre à une séance d’aquajogging à Hal. Libre de tout programme obligatoire ensuite, Zitka aurait aisément pu regagner son domicile à Asse au terme de ses exercices dans l’eau et convenir d’une rencontre un autre jour. Mais il tint absolument à respecter son engagement et revint au Parc Astrid. Inutile de dire que le sourire de la gamine et de son papa faisaient plaisir à voir.

Mais Zitka n’est pas le seul à être de bonne composition. Des garçons comme Juhasz ou Vlcek, pour ne citer que deux autres étrangers, sont tout aussi facilement abordables et malléables.  » Ils savent d’où ils viennent et mesurent la chance qu’ils ont d’être footballeurs et de gagner royalement leur vie « , nous glisse un insider.  » D’autres devraient parfois en prendre de la graine… « 

par bruno govers – infographie helga orinx- photos: vermeersch

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