Les secrets du coach

Comment expliquer que les Buffalos aient entamé le championnat sur les chapeaux de roues ? Et d’abord, qu’en pensent les journalistes gantois, habituellement très critiques ?

Pourquoi un si bon départ ?

Hendrik Degroeve (Het Laatste Nieuws) :

 » Je ne suis pas surpris car l’équipe n’a pas subi de gros changements. Le seul problème se situe dans l’axe de la défense, à cause du départ de Nicolas Lombaerts et de la blessure de Dario Smoje. Pour le reste, j’ose dire que La Gantoise s’est renforcée, surtout en profondeur. Il y a désormais deux hommes pour chaque poste, ce qui n’était pas le cas l’an dernier. Presque tous sont des étrangers car, pour Trond Sollied, la nationalité d’un joueur importe peu. Il y a huit ans, avec une flopée d’étrangers de troisième zone, il avait fait mieux que de nombreux entraîneurs avant lui. Ces joueurs-ci sont meilleurs. Pour moi, Christophe Grondin est le meilleur transfert jusqu’ici. Il est très présent, il a un grand rayon d’action, une bonne vista et de la présence. De plus, il est fort dans les duels. Bref, c’est un médian moderne « .

Marc Reunes (Het Nieuwsblad) :

 » J’ai vu La Gantoise en Coupe Intertoto à Aalborg. Ce n’était vraiment pas très bon. Mais une semaine plus tard, à l’occasion du premier match de championnat à Mouscron, tout s’emboîtait à merveille. La clef du match, c’est qu’à 1-2, Sollied a insisté pour que La Gantoise continue à jouer offensivement. Je ne connais pas beaucoup d’entraîneurs qui en feraient autant. Et La Gantoise a donc joué de l’avant, tout en sachant que la défense centrale était faible. Quand la machine se met à tourner, peu importent les noms. Ce fut le cas il y a sept ans lors d’un match de Coupe des Flandres à Ostende, avec un tas de tests. A l’époque, en pleine préparation, on faisait pratiquement de La Gantoise un candidat au maintien mais, avec ses joueurs du dimanche, Sollied décrocha la troisième place « .

Pierre Hellebaut (Het Gazet van Anwterpen) :

 » Sur le plan sportif, avec un noyau aussi large et aussi équilibré, La Gantoise doit pouvoir lutter pour la deuxième place. Nous n’avons pas encore vu ce que cette équipe avait de mieux à offrir. Sollied dit lui-même qu’elle peut faire beaucoup mieux que cela. Il manque un finisseur et le ballon devrait circuler plus vite afin de se créer de véritables occasions. Alin Stoica porte encore trop le ballon. Pour que le système Sollied marche, le cuir doit circuler plus vite, afin qu’il y ait des espaces « .

Comment Sollied fait-il progresser les gens ?

Marc Reunes :

 » Les joueurs savent parfaitement ce que l’on attend d’eux. Sollied est un bon pédagogue, il explique bien et est toujours positif. Cela donne un sentiment d’invincibilité aux joueurs. Lorsque Leekens est arrivé il y a trois ans, l’ambiance était tout autre, La Gantoise était dans le creux. Dans ces moments-là, l’apport d’un Leekens était important. Mais sa recette ne pouvait plus fonctionner « .

Pierre Hellebaut :

 » Sollied a déjà montré plusieurs fois par le passé qu’il était capable de façonner rapidement une équipe, avec ou sans vedettes. Il ne faut pas sous-estimer ses capacités didactiques : il sait s’y prendre pour faire passer un message. Il passe très bien auprès de la jeune génération. Il la laisse se planter la tête contre le mur et tirer les leçons de son échec. Avec lui, il n’y a pas d’amendes. Il est vrai qu’il ne va pas voir jouer les jeunes mais il aligne les meilleurs, indépendamment de leur nationalité « .

Hendrik Degroeve :

 » Contrairement à Leekens, qui voulait sans cesse de nouveaux joueurs, Sollied n’est guère intervenu dans les transferts. Il y a huit ans, déjà, il avait fait avec ceux qui lui avaient été impartis dans le cadre d’un budget très limité. Et il avait terminé troisième, un résultat incroyable. A l’heure actuelle, il effectue un pas en arrière dans la progression de sa carrière mais cela n’a aucune influence sur sa motivation. Au contraire, il ne se plaint pas. La Gantoise a effectué ses transferts sur base d’un scouting « .

Marc Reunes :

 » Il y avait un problème dans l’axe de la défense. Sollied souhaitait un joueur expérimenté mais le club a préféré un plus jeune, à charge pour l’entraîneur de le faire progresser. Sollied n’a pas protesté. En fait, pour la direction, il est très facile de travailler avec un entraîneur pareil. Il ne réclame jamais de nouveau joueur. Pas en public, du moins. C’est très intelligent de sa part car, quand on veut sans cesse faire des transferts, on avoue implicitement qu’on n’a pas confiance dans les joueurs qui sont en place. Tout le monde dit toujours que le système de jeu de Sollied constitue la clef de son succès mais, pour ma part, j’estime avant tout qu’il est un excellent psychologue. Il sait tout ce qu’il se passe dans son groupe. Il a l’air froid mais il sait écouter et déléguer. Leekens était très dominateur, pas Sollied « .

Sollied a-t-il changé ?

Hendrik Degroeve :

 » Non, il dit ce qu’il pense. On prétend parfois qu’il n’a pas de discipline mais je dirais plutôt qu’il s’agit d’un désordre ordonné. Il est droit. Il ne cherche pas à contrôler tout le monde comme Leekens. Il laisse à chacun le choix de son comportement. Avec lui, il n’y a pas d’amendes, de règlement. Il part du principe que si chacun commet une erreur, c’est qu’il y a un problème. Il n’a pas toujours le doigt en l’air « .

Marc Reunes :

 » Trond parle avec tout le monde. Il lui arrive de boire un verre avec les supporters. C’est un type normal qui reste lui-même. Il est ici pour s’amuser et s’y sent bien. Il ne se fait pas vite du souci non plus. Il y a sept ans, Chelsea avait aligné onze étrangers et cela avait fait du bruit. Quelques semaines plus tard, La Gantoise faisait la même chose lors d’un match à Geel. Après un stage hivernal en Tunisie, l’équipe était rentrée en Belgique, où les terrains étaient gelés, à un jour de la reprise du championnat. A Gand, tout le monde estimait que c’était grave, sauf Trond…  »

Pierre Hellebaut :

 » En 2000, lorsque Sollied est parti, La Gantoise avait le couteau sur la gorge au niveau financier. Johan Boskamp avait révélé que le club avait une dette de près de 20 millions d’euros mais en fait, on s’aperçut qu’il avait encore tapé trop bas : on était proche des 25 millions. Sollied était ambitieux et savait qu’il n’avait plus d’avenir à La Gantoise. Aujourd’hui, le problème financier est réglé et le président affirme qu’il va en profiter pour donner à son entraîneur ce qu’il souhaite « .

Quelle est la différence entre Sollied et Leekens ?

Hendrik Degroeve :

 » Les deux hommes travaillent de manière complètement différente. Avec Sollied, il n’y a pas de carcan. Place à la joie de vivre, à l’initiative des joueurs. L’ambiance est beaucoup moins lourde que la saison dernière, lorsqu’on était proche de l’implosion. Même les partisans de Leekens le confirment. Celui-ci a fourni de l’excellent travail ici mais, la saison dernière, la magie avait disparu. Pas seulement avec la direction mais aussi avec les joueurs qui, sous couvert de l’anonymat, commençaient à se lâcher. Leekens voulait tout contrôler, tout faire lui-même. Avec lui, il n’y avait pas de place pour les autres. Après trois ans, ça énervait tout le monde. La Gantoise a peut-être de la chance qu’il soit parti de lui-même, sans faire la saison de trop. Peut-être avait il compris, lui aussi, qu’il ne pouvait pas faire mieux avec ce groupe. Je pense qu’il n’y avait plus de challenge. On a évoqué publiquement ses problèmes avec la direction, pas ceux avec les joueurs. Ses hommes en avaient assez. Adekanmi Olufade a dit que Leekens était son père et c’était exactement cela : il était beaucoup trop paternaliste, tenait ses joueurs par la main. Il rendait certains joueurs importants et ceux-là se retranchaient derrière lui tandis que d’autres se sentaient délaissés. Aujourd’hui, malgré le nombre important d’étrangers, La Gantoise réagit davantage comme un groupe. Les entraînements de Sollied n’ont pas changé. Il fait progresser des joueurs, prend des risques. Le public gantois aime cela. Le président Ivan De Witte a fait un geste formidable en ramenant Sollied à Gand « .

Comment le public a-t-il réagi à l’annonce du changement d’entraîneur ?

Marc Reunes :

 » La Gantoise vient, pour la première fois, de franchir le cap des 7.000 abonnés. Grâce au football positif prôné par Sollied « .

Hendrik Degroeve :

 » Le public est enthousiaste. Les supporters en voulaient à Leekens d’être parti dans un plus petit club comme Lokeren. Pour beaucoup, il reconnaissait qu’il avait peur. Il avait également manqué des rendez-vous importants, comme face au Club Bruges, en Coupe. Il essayait toujours de faire tomber la pression et tous les moyens étaient bons tandis que Sollied déclare qu’à Gand, il n’y a pas de pression. A 2-0 face à Genk, le Norvégien continue à jouer de la même façon. Leekens, lui, n’aurait plus pris le moindre risque « .

Pierre Hellebaut :

 » Avec Leekens, quand La Gantoise prenait l’avance, on fermait tout derrière et on ne misait plus que sur le contre. Les gens n’ont pas du tout apprécié la façon dont le club a été éliminé en Coupe à Bruges, la saison dernière. Sollied joue sur base des qualités de son équipe, il ne compte pas sur des détails qu’il ne maîtrise de toute façon pas. Leekens était apprécié tant qu’il obtenait des résultats mais les gens lui préfèrent Sollied. Tout le monde sait qu’il aime boire son verre. Pourquoi ? Parce qu’il ne se cache pas. Il se montre tel qu’il est tandis qu’après trois ans, personne ne peut dire comment est, sur le plan humain, le véritable Georges Leekens. L’an dernier, un journal a publié une liste des joueurs gantois qui n’étaient là que pour Leekens et qui partiraient s’il quittait le club. Et bien : non seulement ils sont tous restés mais je ne les ai jamais entendus dire un mot de travers sur l’approche de Sollied « .

Pourquoi Leekens est-il parti ?

Hendrik Degroeve :

 » A mon avis parce qu’il n’avait plus rien à gagner ici. Pour progresser, il lui fallait de grands joueurs qu’on ne lui aurait pas accordés. A Lokeren, on va à nouveau l’adorer parce qu’il est capable de construire une équipe en partant de rien. Mais progresser sur base de fondations déjà en place, c’est beaucoup plus difficile « .

Pierre Hellebaut :

 » Il ne faudrait surtout pas sous-estimer le facteur angoisse. Le président De Witte est ambitieux et place, chaque année, la barre un peu plus haut alors que Leekens cherche toujours à diminuer la pression. Après deux quatrièmes places, il estimait qu’il avait

par jan-pieter de vlieger et geert foutré – photos: reporters

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire