Les SECRETS du Bosphore

Bruno Govers

Témoignages sur la nouvelle recrue turque des Mauve et Blanc.

Pour la troisième fois de son histoire quasi séculaire, le RSCA dénombrera sous peu un footballeur turc dans ses rangs. Le tout premier, Engin Verel, n’aura guère défrayé la chronique sportive au Parc Astrid : trois apparitions à peine en 1980-81, championne cette saison-là sous la coupe de l’entraîneur croate Tomislav Ivic.

Deux décennies plus tard très exactement, en 2001, c’est au tour d’un autre joueur originaire des confins de l’Europe d’être lancé dans le grand bain au Sporting : Yasin Karaca. Malgré une entrée en matière prometteuse contre Charleroi, en compétition nationale, et une quarantaine de minutes de temps de jeu contre le Lokomotiv Moscou, en Ligue des Champions, l’intéressé n’en fait pas moins long feu à son tour.

Serhat Akin (24 ans) dernier élément arrivé en droite ligne des rives du Bosphore, sera-t-il plus heureux que ses devanciers ? Les appréciations à son propos varient de bonnes à mitigées. C’est ce qui ressort des témoignages que nous avons recueillis auprès de ceux qui l’ont connu en Turquie : Mehmet Demircan, journaliste au quotidien stambouliote Fanatik, ses (ex-)adversaires belges Patrick Nys, Filip Daems et Karel D’Haene ainsi que son équipier à Fenerbahçe, l’ex-Standardman Onder Turaci.

 » Freiné par le dernier Mondial  » (Mehmet Demircan)

 » Akin s’est développé comme joueur en Allemagne, mais contrairement aux autres, restés longtemps dans leur pays d’adoption, il a très vite répondu à l’appel du pied des responsables sportifs de Fenerbahçe, puisqu’il était encore un simple teenager quand, durant l’été 2000, il délaissa les rangs de Karlsruhe pour rallier le grand club d’Istanbul.

A moins de 20 ans, c’était déjà un garçon prometteur. Par rapport aux joueurs formés au pays, souvent un tantinet dilettantes, on voyait qu’il avait été coulé dans un tout autre moule, faisant la part belle à un souffle inépuisable ainsi qu’à une combativité de tous les instants. En dépit d’une concurrence exacerbée à la pointe de l’attaque des Jaune et Bleu, avec le Suédois Kennet Andersson, bien connu chez vous aussi, pour avoir évolué au FC Malines et, surtout, Milan Rapaic, il avait quand même fait fort en plantant 9 buts en 25 matches, dont 12 seulement comme titulaire. La saison suivante, 2001-2002, fut sa meilleure en termes de prolificité : 16 goals en l’espace de 31 rencontres. Avec, en guise de cerise sur le gâteau, une incorporation au sein du noyau de l’équipe nationale dans l’optique de la Coupe du Monde au Japon et en Corée du Sud. Malheureusement pour lui, il avait affaire à très forte opposition dans son secteur : Hakan Sükür, Derelioglu Oktay, Yalcin Sergen, Arif Erdem, Temizkanoglu Ogün et Havutçu Tayfur entre autres. Dans ces conditions, s’il fut du voyage en Asie au départ, il n’en allait pas moins être sacrifié sur place. Cette mesure eut incontestablement l’effet d’un uppercut. Il mit des mois à s’en remettre.

Sa campagne 2002-03 trahit d’ailleurs ses doutes : 6 goals à peine en 22 matches. L’année suivante ne fut pas plus fameuse : 8 réalisations en 20 rencontres avant le bide absolu la saison passée : 2 buts en 2 matches. Il est vrai qu’il avait droit à des circonstances atténuantes, sous forme de blessures diverses. Sans compter que la rivalité, à la pointe de l’attaque du Fener était plus pointue encore avec les venues successives en 2003 du Néerlandais Pierre van Hooijdonck, des Brésiliens Alex et Marcio Nobre et, pour couronner le tout, du Français Nicolas Anelka lors du dernier mercato d’hiver. A l’analyse, l’ancien international français n’a pas vraiment fait mieux, dans les chiffres, que Serhat Akin : 4 buts et 4 passes décisives alors qu’il a été partie prenante dans tous les matches du deuxième tour de la compétition. Mais il a coûté 12 millions d’euros à Manchester City et doit justifier un salaire mensuel net de 400.000 euros.

Avec 800.000 euros, mais sur base annuelle, comme c’est le cas à Anderlecht à présent, Akin était loin du compte. Davantage que la valeur du joueur, c’est l’étiquette qui a guidé dans ce contexte le choix de l’entraîneur, Christoph Daum. Même si l’on ne peut pas dire non plus que le nouveau transfert d’Anderlecht faisait figure de prophète en Turquie ou même dans sa ville, Istanbul. Ces dernières années, seuls deux footballeurs ont accédé au statut de dieux vivants ici : le Bosniaque Elvir Baljic, à coup sûr le meilleur joueur ayant évolué en Turquie au début de l’ère nouvelle, et Pierre van Hooijdonck, qui n’a laissé que des regrets ici depuis l’annonce de son retour à NAC Breda. Le Hollandais avait réussi la performance de scorer à 24 reprises à l’occasion de sa première saison ici, en 2003-2004. Aucune nouvelle recrue n’avait jamais fait mieux. Davantage que Serhat Akin, c’est lui que les supporters pleurent aujourd’hui « .

 » Joueur flamboyant au look d’enfer  » (Patrick Nys)

De tous les joueurs belges qui ont croisé Serhat Akin sur leur route en Turquie ces dernières années, le gardien du FC Brussels, Patrick Nys, conserve indéniablement les meilleurs souvenirs.  » Et pour cause, puisqu’à l’occasion de la demi-douzaine de matches que j’ai disputés face à lui, il n’est jamais parvenu à me prendre en défaut « , observe le Campinois.  » En 2001, pourtant, il eut une opportunité réelle de me tromper. C’était à l’occasion de la séance de tirs au but consécutive à la finale de la Coupe de Turquie qui venait de mettre en présence mon club, Genclerbirligi, à Fenerbahçe. A l’issue du temps réglementaire et des prolongations, le score était de 2-2 et il fallut recourir à l’épreuve des tirs au but pour déterminer le vainqueur. Après que Milan Rapaic eut envoyé le premier essai au-dessus, et que l’Israélien Haim Revivo eut échoué sur moi ensuite, l’occasion m’était donnée d’entrer à tout jamais dans la légende si j’arrêtais le troisième envoi. C’est Serhat Akin, précisément, qui eut la lourde responsabilité de maintenir son équipe en course. Mais il échoua dans sa tentative, étant donné que j’avais choisi le bon coin. Du coup, j’étais le héros tandis que mon malheureux adversaire n’avait plus que ses yeux pour pleurer.

Cette saison 2000-2001 était celle de nos débuts respectifs et j’avais eu le dernier mot contre lui. L’année suivante, malgré sa position flatteuse au classement des buteurs, avec un total de 16 unités, il n’avait pas réussi à tromper ma vigilance. D’autres n’auront pas eu cette chance (il rit). Personnellement, je me souviens de lui comme d’un footballeur soucieux d’épater la galerie avec son jeu flamboyant et son look d’enfer, tant sur le terrain que dans la vie de tous les jours. Aucun joueur ne communiait d’ailleurs davantage avec son public, après un but, que lui. Il éprouvait toujours le besoin de taper dans toutes les mains qui se présentaient à lui, quand bien même il ne montait pas sur les balustrades pour saluer ses supporters. C’est incontestablement un joueur spectaculaire qui devrait avoir la cote auprès des supporters anderlechtois. Et des supportrices aussi car, à Istanbul et ailleurs, elles tombaient régulièrement en pâmoison devant lui « .

 » Extrêmement rapide et déroutant « (Filip Daems)

Actif lui aussi dans le même club d’Ankara que Patrick Nys, le latéral gauche Filip Daems a eu quelquefois maille à partir avec Serhat Akin sur son flanc.  » C’est un joueur extrêmement rapide et déroutant « , précise t-il.  » Il a une toute bonne action individuelle dans les pieds. De là à dire qu’il est plus fort qu’ Aruna Dindane, que j’ai eu à l’une ou l’autre reprises contre moi en Belgique, il y a quand même une marge. Sur le plan de la course, les deux se valent. Mais l’Ivoirien est beaucoup plus imprévisible. Avec lui, on ne savait jamais sur quel pied danser. Son remplaçant turc est un peu moins sorcier. D’autant qu’il recherche le plus souvent son pied droit, qui constitue son point fort. Aruna Dindane, lui, n’avait pas de préférence pour passer son homme « .

 » 15 buts par saison à Anderlecht…  » (Karel D’Haene)

Karel D’Haene, à Trabzonspor depuis trois ans, se veut toutefois plus positif :  » Il est peut-être droitier au départ, et peut jouer invariablement sur le flanc ou à la pointe de l’attaque, mais son registre apparaît tout de même des plus riches. En championnat, il a inscrit des buts des deux pieds et de la tête. A mes yeux, c’est un joueur relativement complet. Il a la dégaine facile et, nonobstant ses 176 centimètres, sa détente est impressionnante. Pour moi, il ne détonera nullement dans une équipe comme le Sporting. Quoiqu’il ne faille pas le comparer à Aruna Dindane. L’Ivoirien est un magicien du dribble ; Serhat Akin va plutôt droit au but. Il n’a sans doute pas la même gâchette que Nenad Jestrovic. Mais il devrait valoir une quinzaine de buts pour les Bruxellois chaque saison « .

 » Un flanc droit d’exception (Onder Turaci)

Coéquipier de Serhat Akin à Fenerbahce, Onder Turaci est évidemment bien placé pour jauger des qualités de son ancien partenaire.  » C’est un garçon qui peut évoluer avec un égal bonheur sur le flanc ou à la pointe de l’attaque « , observe t-il.  » Son numéro 9 était d’ailleurs significatif à ce sujet. Pour la petite histoire, je signalerai d’ailleurs qu’il l’a conservé jusqu’au bout, poussant Nicolas Anelka à accepter le 39. Et ce, en dépit du fait que, depuis l’arrivée du Français, il fut souvent amené à devoir émigrer sur l’aile ou, tout simplement, à ronger son frein dans le dug-out.

Au printemps passé, j’ai été le tout premier à apprendre qu’il y avait anguille sous roche avec Anderlecht. Depuis ce moment, j’ai régulièrement partagé sa chambre lors des mises au vert car il voulait en savoir plus sur les Bruxellois. Je lui ai fait remarquer que le Sporting serait un point de chute idéal pour lui, dans la mesure où il n’y serait pas barré par des caïds comme c’est le cas à Fenerbahçe. Désolé, mais si tout le monde sait qui est Nicolas Anelka dans l’univers du ballon rond, il faut bien avouer qu’un Nenad Jestrovic n’a pas la même popularité, contrairement à Mbo Mpenza peut-être, qui compte toujours des partisans à Galatasaray. Je ne sais quelles sont les intentions du Sporting dans les semaines à venir : Serhat Akin devra-t-il compenser le départ de Jestrogoal ou, au contraire, une autre place lui sera-t-elle attribuée ? Dans les deux cas de figure, de toute façon, mon ancien coéquipier a les qualités requises pour s’imposer. En front de bandière, il est parfaitement capable de faire le ménage et d’alimenter le marquoir. Mais je me demande quand même dans quelle mesure il ne sera pas plus utile encore au collectif anderlechtois en se positionnant devant, sur le couloir droit. C’est un flanc droit d’exception. Vu sa vitesse et sa facilité à mettre son adversaire direct dans le vent Serhat Akin me fait irrésistiblement penser à Christian Wilhelmsson. S’il est vrai que le Suédois joue indifféremment à gauche comme à droite, je crois que l’entraîneur du Sporting, Frankie Vercauteren, serait bien inspiré en entourant Nenad Jestrovic de ces deux hommes. Ce serait un feu d’artifice garanti à chaque match « .

Bruno Govers

 » Je vois une attaque FEU D’ARTIFICE Akin-Jestrovic-Wilhelmsson  » (Onder Turaci)

 » AKIN EST UNE STAR TURQUE, et bien au-delà d’Istanbul  » (Patrick Nys)

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